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budgets de report, enfin les crédits ouverts avec imputation sur ressources spéciales. Les détails sur ces diverses matières sortiraient des bornes de notre sujet.

Quant à la comptabilité, le conseil-général entend et débat les comptes présentés par le préfet et établit une comparaison entre les crédits accordés par le budget et l'emploi qui a dû en être fait, conformément à la spécialité du vote; mais la validité des paiements effectués est appréciée par le ministre des finances et par la Cour des comptes chargés d'examiner et d'assurer les opérations des comptables. Le compte provisoire est dressé à la fin de chaque année. Le compte définitif n'est clos qu'au 31 octobre de la seconde année, après la double session de l'Assemblée nationale et du conseil-général, de sorte que ce conseil ne juge qu'après un délai de deux ans les comptes qui lui sont soumis. Bien plus, une circulaire du ministre de l'intérieur, du 22 juillet 1842, défend aux préfets de joindre à l'appui des comptes les pièces de dépense, lors même que le conseil les réclamerait : « C'est de l'examen du compte moral de l'administration, dit le ministre, que le conseil-général doit s'occuper, et non de la justification de l'emploi des crédits par pièces comptables, ce qui constitue le compte matériel dont la Cour des comptes a droit de connaître. »

Il est inutile de faire remarquer tout ce qu'il y a d'illibéral et de dérisoire dans cet appel fait aux conscils-généraux d'examiner les comptes, sous la condition qu'ils ne verront pas les pièces comptables, et que les comptes eux-mêmes ne leur seront soumis qu'après deux ans.

On ne peut, certes, qu'applaudir à l'excellente organisation de notre comptabilité centrale1, on ne peut que s'associer aux éloges donnés par M. de Chabrol, dans son célèbre rapport de 1830, à ce principe qui offre dans la comptabilité de l'État, des départements, des communes et des hospices l'application des mêmes principes et l'observation des mêmes formes. Mais ces garanties, M. de Chabrol le reconnaissait lui-même, doivent être fortifiées par l'examen et la discussion des autorités administratives des départements, qui vérifient les affectations spéciales prescrites aux préfets par le ministre de l'intérieur, qui veillent sans cesse à ce qu'elles soient observées, qui en révisent les résultats définitifs après l'exécution et les livrent ensuite à la contradiction de tous les habitants par des publications annuelles.

Or, grâce aux abus toujours croissants de la centralisation, l'intervention des conseils-généraux est tellement illusoire qu'on peut se demander sans témérité s'il ne conviendrait pas, tout en maintenant par des lois et des règlements généraux l'unité de la comptabilité, de confier leur application aux autorités locales, au triple point de vue de l'ordonnancement, du paiement et de la comptabilité des dépenses.

De la cour des comptes.

Il existait autrefois un grand nombre de caisses spéciales. Chaque communauté, chaque corps avait la

1 Voy. la loi du 25 mars 1817, et les ordonnances du 18 novembre 1820, du 14 septembre 1822, etc.

sienne et possédait aussi ses administrateurs et ses comptables; il y avait, en outre, onze chambres des comptes constituées en cours de justice, savoir: à Dijon, Grenoble, Aix, Nantes, Montpellier, Blois, Rouen, Pau et Metz'. Leurs attributions étaient à peu près les mêmes partout: elles connaissaient non-seulement des comptes, mais encore de tout ce qui concernait le domaine. En plusieurs villes, par exemple à Rouen et à Montpellier, la chambre des comptes était réunie à la cour des aides.

L'abolition des chambres des comptes, prononcée par la loi du 7 septembre 1790, fut la conséquence forcée de la suppression de toutes les anciennes administrations.

La loi du 16 septembre 1807 rétablit une seule cour des comptes, celle de Paris, dont les attributions furent bornées à recevoir et à juger les comptes des comptables des deniers publics.

« Il y eut alors à examiner, dit un savant jurisconsulte, si la juridiction en matière de comptabilité serait conférée à plusieurs cours établies, comme les cours royales, sur divers points du royaume; mais on considéra que les autorités investies de cette juridic

1 Voy. le Répertoire de M. MERLIN, vo Cour des comptes. M. Favart porte à treize le nombre des chambres des comptes.

2 Voy. sur les attributions de la cour des comptes de Provence M. DE CORIOLIS, t. I, p. 457 et suiv., et la Statistique des Bouches-du-Rhône, t. II, p. 677.-Voy. aussi PHILIPPI, Édits de la cour des Aides de Montpellier.

3 M. CARRÉ, De la compét., part. II, liv. III, tit. vI ; De la cour des comptes, t II, p. 740.

tion avaient des rapports journaliers et nécessaires avec le trésor public et les autres parties de l'administration qui peuvent l'éclairer et faciliter ses recherches sur la gestion des comptables, en même temps qu'elles-mêmes à leur tour peuvent faire connaître au gouvernement tous les abus qu'il aurait pu prévenir ou découvrir. Dès lors la question sur l'unité ou la multiplicité des cours des comptes fut facile à résoudre. »

Ainsi la centralisation de l'administration publique a amené comme conséquence celle de la comptabilité. Une seule cour est donc chargée de vérifier toutes les pièces comptables auxquelles donnent lieu les myriades de services organisés dans l'État. Compte des caissiers et des payeurs du trésor royal, compte des receveurs-généraux des finances, comptes des receveurs de l'enregistrement, du timbre et des domaines, comptes des receveurs des contributions indirectes, comptes des receveurs des douanes et sels, comptes des directeurs des postes, comptes des caissiers de la monnaie et des receveurs des argues, comptes des receveurs municipaux dans les villes dont les revenus excèdent dix mille francs1, comptes des receveurs des hospices: une seule cour doit tout voir, tout examiner, tout apurer. Or, chacune de ces comptabilités est extrêmement compliquée.

Aux termes de l'ordonnance du 18 novembre 1817, le compte de chaque receveur-général doit présenter: 1o Le tableau des valeurs existant en caisse et portefeuille, ainsi que la situation du comptable envers le

1 Ordonnance du 23 avril 1823.

trésor et envers les correspondants administratifs, à l'époque où commence la gestion annuelle;

2o Les recettes et les dépenses de toute nature pendant le cours de cette gestion;

3o Enfin, la situation du receveur-général et le montant des valeurs qui se trouvent dans sa caisse et dans son portefeuille à l'époque où se termine la gestion.

On peut juger de la multiplicité des éléments d'un tel compte, quand on se rappelle que la recette générale a pour correspondants le trésor public, la caisse d'amortissement, la caisse des dépôts et consignations, la légion-d'honneur, les caisses des invalides de la guerre et de la marine, fondées l'une et l'autre par Louis XIV et rétablies par Louis XVIII; les percepteurs, les receveurs particuliers, percepteurs et receveurs des contributions indirectes; les particuliers pour achats et ventes avec l'État, dépôts, consignations, créances, etc.

Or, non-seulement la Cour des comptes est chargée de vérifier en détail toutes les opérations des receveursgénéraux des finances, qui rentreraient si bien dans les attributions de cours semblables à celles qui existaient autrefois dans nos pays d'Etats, mais encore elle doit régler elle-même tous les comptes des receveurs, percepteurs, comptables de toute sorte, qui, dans notre ancienne administration, n'occupaient pas même en premier ressort les cours des comptes locales, et étaient réglés par des commissaires délégués par les corps ou

communautés.

Qu'on nous dise les avantages de cette excessive centralisation. Quelque mépris qu'on affecte pour les

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