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administrations locales, on doit les juger capables de faire des additions avec autant d'exactitude et surtout de célérité que Messieurs de la Cour des comptes.

Dans l'ordre logique, cette Cour centrale ne devrait être chargée que du règlement des comptes relatifs aux services généraux, avec tout au plus un droit de contrôle de ceux des communes, des départements et des établissements publics; réduite à ces objets, sa charge serait assez forte. La comptabilité centrale du trésor public embrasse toutes les recettes et dépenses relatives soit à la dette publique, soit aux services généraux des ministères (ordonnance royale du 18 novembre 4817). Le ministre de l'intérieur ordonnance, en outre, directement sur le trésor public, les dépenses des établissements et des services d'intérêt général placés dans la capitale. Parmi les services faits dans les départements, il en est qui se rattachent à un intérêt national, tels que ceux des départements de la guerre et de la marine : ceux-là aussi pourraient être dévolus à l'examen de la Cour centrale. Mais pourquoi régler à Paris les comptes des hospices des communes et des départements? Pourquoi ne pas rétablir l'utile et sage distinction que tous les pays d'Etats, et particulièrement le Languedoc et la Provence, ont mise en pratique pendant tant de siècles?

On doublerait les bienfaits de la comptabilité centrale en appliquant ses principes aux règlements faits sur place des comptes des administrations locales.

CHAPITRE VII

DES TRAVAUX PUBLICS DÉPARTEMENTAUX.

SOMMAIRE.

Quatre sortes de travaux publics départementaux. Principe général, Curatores viarum chez les Romains. Caractère domanial des travaux publics en France, jusqu'au XVIe siècle. Progrès de la centralisation avee Sully et Colbert. Travaux publics des administrations provinciales. Lois du 22 novembre 1789 et du 19 janvier 1791. Décret du 7 fructidor an XII. Progrès du corps des ponts et chaussées, Sa constitution et ses attributions; inconvénients de son excès de concentration. De la décentralisation des routes départementales, et des chemins vicinaux de petite et de grande communication. Des eaux et forêts. Lien qui existe entre ces deux administrations. Distinction des zones forestières. Associations territoriales d'endiguement et de desséchement. Du concours des communes, des compagnies et des particuliers concessionnaires aux travaux publics départementaux.

Les travaux publics départementaux sont, sous la législation actuelle, de quatre sortes, savoir :

4o Les travaux de construction, reconstruction et entretien des bâtiments départementaux ;

2o Les travaux de construction et d'entretien des routes départementales;

3o Ceux des chemins vicinaux de grande communication;

4o Et tous les autres travaux exécutés sur les fonds départementaux par concours soit avec l'État, soit avec les communes, les particuliers et les compagnies.

Un principe commun domine tous ces travaux. Le conseil général délibère sous l'approbation, selon les cas, du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif ou dú ministre compétent. Le préfet exécute et paye avec l'aide des ingénieurs et des payeurs de l'État1.

Avant d'examiner les réformes dont cette législation paraît susceptible, interrogeons l'histoire de l'administration des travaux publics.

Historique de l'ancienne administration des travaux publics.

Le peuple, dit Cicéron 2, déteste le luxe particulier, mais il aime avec passion la magnificence publique. Les routes, les ponts, les canaux, les édifices publics sont tout à la fois pour lui un instrument de travail et un signe de puissance. Il contemple avec satisfaction et orgueil ces monuments dont il est l'artisan et le possesseur, et regrette d'autant moins les dépenses qu'ils ont coûtées qu'elles lui sont toujours profitables. « L'emploi, dit Montaigne 3, est plus royal, comme plus utile et plus durable en ports, hâvres, fortifications, en bâ

1 Loi du 10 mai 1838, art. 5; ordonnance du 31 mai 1838; règlement du 30 novembre 1840, etc.

2 Oratio pro Murænâ.

3 Essais, liv. III.

liments somptueux, en églises, hospitaux, colléges, réformations de rues et chemins, en quoi le pape Grégoire XIII laira sa mémoire recommandable à long temps et en quoi notre royne Catherine témoigneroit à longues années sa libéralité naturelle et sa munificence, si ses moyens suffisoient à son affection. >>

L'antiquité considérait le soin des routes, des aqueducs, des monuments comme un des plus importants attributs de la puissance publique.

Le sénat d'Athènes se réservait l'administration de la voirie; la religion même y intervenait : les routes étaient placées sous la protection de Mercure, et la statue de ce dieu apparaissait de distance en distance pour diriger le voyageur 1.

A Rome, l'édit du préteur défendait toute espèce d'entreprise sur les chemins, les fleuves, les rivières, sur leurs bords et sur les rivages de la mer.

Chaque municipalité romaine avait des fonctionnaires occupés du soin des routes, curatores viarum. Les plus grands citoyens, Lépidus, Balbus, Jules César, Auguste, ne dédaignèrent pas de devenir les voyers de Rome. La voirie, la police des fleuves, des rivières, des aqueducs sont l'un des principaux objets de la législation romaine.

1 PASTORET, Histoire de la législation, t. VII, p. 135. LEBRET, De la Souveraineté du Roi, liv. II, ch. XVI.

2 Voy. les quinze premiers titres du quarante-troisième livre du Digeste; le Code de Justinien, liv. VIII, tit. XII, De Operibus publicis ; HARMENOPULE en son Promptuaire, liv. III,

tit. VIII, etc.

En France, les travaux publics furent longtemps négligés. Les efforts de Charlemagne pour relever les voies militaires des Romains et pour en créer de nouvelles avortèrent parmi les essais des neuvième et dixième siècles.

Sous la troisième race, on abandonna longtemps aux villes et aux provinces la construction et l'entretien des travaux publics. Des faits nombreux prouvent que, jusqu'au commencement du xve siècle, l'administration des travaux publics fut purement domaniale. Les rois n'exerçaient à son égard aucun pouvoir supérieur à ceux que les feudataires indépendants, comme les ducs de Bretagne ou de Bourgogne, exerçaient dans leurs provinces. En second lieu, tout dans cette administration était exclusivement affaire d'intérêt local. Les dépenses étaient toujours portées aux budgets communaux et provin– ciaux; l'État ne se chargeait des travaux à entreprendre que dans son domaine et sur les terres dont il avait la propriété.

Les travaux publics commencèrent à être centralisés au xvio siècle. Henri II ordonna en 1553 de planter les grandes routes d'ormes qui devaient fournir des bois à l'artillerie. Henri III détermina la largeur de ces routes. Sully, nommé grand-voyer de France en 1599, veilla, soit par lui-même, soit par des lieutenants nommés dans les provinces, à l'exécution des ordonnances royales et des arrêts du conseil touchant les voies de communication de toute espèce, et fut in

1 Voy. l'Histoire de l'administration, par M. DARESTE, t. II, ch. XIV, p. 47.

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