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naturelle et artificielle, aux travaux des ports, quais, lacs, au desséchement des marais, à l'établissement des usines, au règlement et au curage des cours d'eau, et autres objets qui dépendent de cette partie du service.

L'étendue des attributions du corps des ponts et chaussées égale la puissance de son organisation.

La répartition par départements, et même la sousrépartition dans chaque département, des fonds votés par l'Assemblée législative pour les travaux neufs et grosses réparations réglés par le directeur général des ponts et chaussées lui ont été attribuées (ordonnance royale du 19 mai 1829, art. 2). Quant aux fonds affectés aux réparations ordinaires et aux travaux d'entretien, la même ordonnance a institué, il est vrai, pour faire la sous-répartition, un conseil local présidé par le préfet et composé de l'inspecteur divisionnaire, de l'ingénieur en chef et de deux membres du conseil général du département, désignés chaque année par le ministre; mais on peut juger de quel poids doit être dans ce conseil l'avis des deux représentants de la localité, qu'on y appelle pour la forme.

Dans un système d'administration bien organisé, ces conseils locaux auraient un degré éminent d'utilité il faudrait les multiplier et étendre leurs attributions; mais ce ne sont que des rouages inutiles et presque ridicules sous l'empire de la centralisation administrative.

Le directeur général doit approuver tous les projets de travaux neufs et de grosses réparations, à moins que l'estimation n'excède pas cent mille francs.

Dans ce cas, le préfet approuve sur la proposition de l'ingénieur en chef.

Un décret impérial du 16 décembre 1811, contenant règlement sur les devoirs imposés aux ingénieurs des ponts-et-chaussées, énumère leurs importantes et nombreuses attributions: ce sont le tracé, le levé des plans, la direction et la surveillance des travaux.

Aucune route nouvelle ne peut être établie, aucune route ancienne ne peut être rectifiée, sans qu'on ait préalablement demandé les observations des ingénieurs en chef des départements de la situation.

Ils sont, en outre, spécialement chargés de diriger, soit par eux-mêmes, soit par des conducteurs à leurs ordres, l'exécution de l'emploi des matériaux et autres travaux de l'entretien des routes, et ils doivent s'assurer continuellement que les cantonniers remplissent leur devoir à cet égard.

Quant aux canaux de navigation intérieure, ce sont également les ingénieurs des pont-et-chaussées qui doivent en lever les plans qui sont à présenter à l'administration, et fournir toutes les instructions nécessaires pour éclairer le gouvernement sur ces sortes d'entreprises et sur la possibilité et les moyens de les conduire à bonne fin.

Ce sont eux qui doivent en régler le tracé et présider à la confection des écluses et autres ouvrages d'art qui y sont à faire.

Il en est de même des constructions et des ouvrages d'art dont l'établissement peut être nécessaire dans les rivières navigables, comme encore des nivellements à prendre quand il s'agit de permettre la construction

de quelques usines même sur de petits cours d'eau, pour parvenir à en fixer le réservoir à une hauteur telle que le barrage ne doive pas occasionner des inondations dans la contrée.

Ils sont chargés de surveiller et de diriger l'exploi→ tation des mines, le desséchement des marais, etc. Talents élevés, prérogatives larges et indépendantes, organisation puissante, hiérarchie bien ordonnée, tout ce qui peut constituer la puissance et la splendeur appartient, comme on le voit, à ce corps des ponts-etchaussées, formé de l'élite de l'École Polytechnique, brillante élite elle-même de la jeunesse française.

Qui ne croirait donc que nos routes, nos ports, nos ponts, nos monuments, doivent éclipser les plus beaux ouvrages de l'antiquité et du moyen-âge? Et cependant il n'en est point ainsi. Nous devons applaudir sans doute aux progrès de l'art sous plusieurs rapports; non-seulement le tracé des routes est en général mieux combiné qu'il ne l'était autrefois avec les accidents du terrain, surtout dans les pays de montagnes; mais encore quelques brillants essais de ponts suspendus, de canaux, d'aqueducs et de chemins de fer, quelques édifices dignes de rappeler la magnificence du siècle de Louis XIV, subsistent en témoignage des merveilles que pourrait opérer de nos jours l'art du génie. Et cependant, nous en appelons aux témoignages les moins suspects, les travaux publics sont en France de plus en plus désertés par l'intérêt privé, par les capitaux, par le talent. Nos routes sont bonnes, mais nos fleuves sont à peine navigables; nos canaux restent inachevés; nos chemins de fer sont inférieurs à ceux des

autres Etats de l'Europe. Qu'est-ce qui manque donc pour faire fructifier une semence féconde et pour doter la France non-seulement des applications industrielles qui enrichissent l'Angleterre, mais encore de chefsd'œuvre d'art, tels qu'en ont produits des siècles moins favorisés que le nôtre sous le rapport de la science et du talent? Ce qui manque, c'est l'esprit public, ce sont les institutions locales.

Nécessité de décentraliser le corps des ponts et chaussées.

De l'aveu des hommes les plus compétents en cette matière, le principal vice de notre administration des travaux publics est son excès de concentration. Un ingénieur anglais, M. Macaulay, dans un ouvrage remarquable et récent, explique par cette cause notre infériorité relative, par rapport à nos voisins d'outreManche. Cette armée de plus de mille ingénieurs, ce conseil central de Paris, à qui chaque département fournit en moyenne, un contingent annuel de six à sept mille affaires, tout ce luxe de fonctionnaires est la véritable cause des lenteurs, des embarras, des frais énormes et improductifs des procédures de travaux publics, et par suite des sollicitations et des corruptions de toute nature exercées sur les agents. Il faut savoir gré sans doute à notre corps d'ingénieurs de

1 Vues politiques et pratiques sur les travaux publics en France, par LAMÉ et CLAPEYRON. Mémoires sur les travaux publics, par CORDIER. Organisation des travaux d'utilité publique, par..... Observations de la Société centrale des ingénieurs civils, etc.

résister journellement aux influences qui les assiégent; mais il faut se hâter d'en tarir la source en modifiant une organisation essentiellement vicieuse.

Il est certain, par exemple, que les forces hydrauliques, ce levier si puissant de toute propriété industrielle, ne sont pas utilisées comme elles devraient l'être par les ingénieurs de l'État, guides et dominateurs des préfets. Étrangers aux besoins des industries locales, et cherchant à soumettre à des règles inflexibles des éléments qui doivent varier avec la nature du cours d'eau, du sol environnant, du climat, ces ingénieurs n'apportent dans la distribution des moteurs hydrauliques et des moyens d'irrigation ni les connaissances locales, ni le zèle intéressé, ni par conséquent l'initiative éclairée qui pourraient prévenir les procès entre les usiniers et les riverains, et subordonner les intérêts privés à l'intérêt général.

L'intervention exclusive de ces ingénieurs dans la construction des canaux a été vraiment désastreuse; et tandis qu'en Angleterre, le génie, affranchi des liens de la centralisation administrative, et responsable de ses œuvres, a multiplié des canaux dont les dépenses ont été remboursées par le mouvement commercial qu'ils ont produit, et qui ont pu, lors de l'établissement des chemins de fer, abaisser leurs tarifs, et soutenir la concurrence, sans que le pays ait eu à regretter des désastres, la France, qui ne possède encore que 1634 hectares de canaux, sur une contenance totale de 32,763,298 hectares, la France essaye vainement d'achever les douze canaux décrétés en 1822.

Les routes elles-mêmes n'ont reçu une impulsion

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