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maisons d'aliénés, ouvertes par Vincent-de-Paul et multipliées en peu d'années par les frères de la Charité; les asiles d'orphelins et d'enfants - trouvés, confiés depuis le xir siècle à l'ordre du Saint-Esprit; en un mot, tous les établissements de bienfaisance publique inspirés par l'esprit chrétien disparurent au milieu de la tourmente révolutionnaire.

Plusieurs de ces établissements ont été restaurés, les uns par les soins du gouvernement, d'autres par les administrations locales, quelques-uns par des associations libres et particulières. La plupart d'entre eux manquent d'un système d'administration régulière : cette lacune doit être comblée dans un siècle où tout se systématise et trouve sa place au budget.

Quel est le principe fondamental? C'est que la charité, quoique universelle par essence, est soumise à divers degrés. L'indigent doit être assisté par ses proches, puis graduellement par sa commune, par son département, par l'Etat; celui-ci n'est obligé qu'à défaut des corps politiques subordonnés.

Or, il est des infirmités heureusement trop peu communés pour exiger autant d'asiles qu'il y a d'hospices communaux: on compte en France un aveugle sur 1,050 habitants, un sourd-muet sur 1,600, un mendiant sur 166, un enfant abandonné sur 250. Il est aisé de proportionner, d'après les bases de la statistique, le nombre et l'importance des secours à l'étendue des besoins, et de faire contribuer à la dépense tous les corps auxquels appartient l'infirme, dans l'ordre indiqué plus haut.

Des dépôts de mendicité.

Les philanthropes de la Convention se proposèrent un double but abolir la misère et réprimer la mendicité.

Un décret du 19 mars 1793 établit dans chaque département une ou plusieurs maisons de répression des abus de la mendicité.

Un décret du 24 vendémiaire an 11 énumère les mesures pour l'extinction de la mendicité.

Un décret du 16 ventôse an II interdit la mendicité aux individus valides.

Certaines de ces lois ne tardèrent pas à être abrogées, comme impossibles à exécuter, par la loi du 27 novembre 1796. Les peines draconiennes contre les mendiants tombèrent en désuétude, et le double fléau de la misère et de la mendicité subsista jusqu'au décret du 5 juillet 1808.

A la voix de Napoléon, trente-sept dépôts de mendicité surgirent tout-à-coup comme par miracle; vingtdeux autres furent décrétés, mais ne purent être créés. Ces établissements se soutinrent quelques années; mais le défaut de principes fixes dans la charité administrative multiplia les abus, et entraîna la ruine d'un essai digne d'un meilleur sort.

Depuis lors, la mendicité, livrée à elle-même, privée de secours et de surveillance, a acquis l'intensité d'un véritable fléau. Le mendiant, à qui la société donne, au lieu de pain, la prison, s'irrite de cette injustice et se jette dans la voie du crime. Qu'on se

hâte donc d'ouvrir des maisons libres de travail aux indigents vraiment incapables de se suffire à euxmêmes, et des dépôts de mendicité aux mendiants valides et fainéants.

Ces derniers établissements qui, selon la juste remarque de M. Degérando, tiennent le milieu entre les institutions de bienfaisance et les établissements de répression, ne sont pas destinés à recevoir indistinctement tous les pauvres.

Priver les indigents infirmes de la liberté pour les condamner à un travail impossible serait une barbarie gratuite et onéreuse pour l'Etat. Quant aux mendiants valides volontairement oisifs, le législateur leur doit à eux-mêmes et doit à la société de les obliger au travail. Un économiste chrétien propose à ce sujet un plan fondé sur les vrais principes et d'une exécution facile. « Nous blâmons fortement, dit-il, les peines barbares dont l'ancienne législation avait frappé la mendicité. La seule punition qui nous paraisse conforme à la raison et à la justice, c'est l'obligation du travail : par le travail, en effet, il y a réparation suffisante et dédommagement équitable accordés à la société.

« Ce travail, devant être surveillé et réuni à un régime moral qui corrige au lieu de pervertir, s'effectuerait dans les établissements publics disposés à cet effet. La vie commune serait adoptée comme plus économique et facilitant la surveillance. Le travail obligé serait la première punition infligée à la mendicité

1 M. DE VILLENEUVE-BARGEMONT, Écon. chrétienne, t. III, p. 210,

valide; la duréé de la peine pourrait être fixée à six mois, intervalle suffisant pour que le mendiant pút profiter de l'instruction morale qu'on s'efforcerait de lui donner.

La loi réglerait les formes dans lesquelles la mendicité valide et punissable serait régulièrement dénoncée, constatée et jugée.

Le mendiant jouirait, pendant le temps de son séjour dans la maison de travail, d'une sorte de liberté et d'un salaire convenable; il serait seulement assujetti aux règles de la maison pour les heures du travail, du repas, du coucher et de l'instruction. Ce n'est qu'en cas d'évasion ou de récidive qu'il serait puni de la privation totale de sa liberté durant un temps déterminé par la loi, et qui pourrait être d'un an à deux ans. Dans cette situation nouvelle, on retiendrait une forte portion de son salaire. Pour l'exécution de ces mesures, il devrait être établi dans chaque département, et à ses frais, une maison de travail destinée exclusivement aux mendiants valides, et pour chaque ancienne province ou ressort de cour royale, et aux frais des départements qui en font partie, une maison de répression et de travail, où seraient renfermés les mendiants évadés ou surpris en récidive.

« Ces institutions auraient pour base première les travaux d'agriculture, auxquels pourraient se réunir des ateliers d'industrie.

A cet effet, une propriété territoriale, d'une étendue suffisante, leur serait attachée.

Tel est le sytème que nous proposons d'adopter en principe pour la répression de la mendicité valide.

* Quant aux mendiants hors d'état de travailler nous croyons juste que la loi les autorise à recourir à la bienfaisance publique jusqu'au moment où ils pourraient être admis dans les hospices, ou sécourus suffisamment à domicile.

« L'autorisation de mendier dans la commune (et, suivant les circonstances, dans l'étendué du canton) serait accordée pour un temps limité par un arrêté du sous-préfet rendu sur le rapport du maire et l'avis du bureau de bienfaisance et du conseil de charité; le mendiant serait aussi porteur d'une médaille particulière et de l'arrêté d'autorisation, qu'il serait constamment tenu de représenter aux personnes dont il implorerait les secours.

« Les indigents valides honnêtes, mais sans travail, pourraient recevoir temporairement (c'est-à-dire pendant la saison rigoureuse ou durant les circonstances qui auraient interrompu le travail habituel) l'autorisation de solliciter la charité publique dans la commune ou dans le canton: cette autorisation cesserait d'avoir son effet avec les motifs qui l'auraient nécessitée. Ces indigents pourraient anssi, sur leur demande et l'avis des autorités locales, être admis librement dans les maisons de travail établies pour les mendiants valides. Ils y seraient séparés de ceux-ci, jouiraient d'un salaire plus élevé et auraient la faculté de sortir de la maison dès que, par la retenue exercée sur leur salaire, ils auraient acquitté les dépenses de leur séjour. Ils profiteraient des instructions destinées à inspirer à tous des sentiments religieux, l'habitudé et le goût du travail, de l'ordre et de l'économie. Nous avons lieu

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