Page images
PDF
EPUB

Mais où doit s'étendre, où doit s'arrêter la décentralisation? Quel est, parmi les divers systèmes proposés jusqu'à ce jour, celui qui paraît le plus capable d'imprimer une impulsion salutaire? Est-ce le système des administrations collectives? Est-ce le partage entre un fonctionnaire élu et un agent du pouvoir central des attributions d'intérêt local et des attributions d'intérêt général? Est-ce enfin le maintien des préfets, mais avec l'aide constante d'une ou de plusieurs commissions permanentes, soit du conseil général, soit des administrations spéciales? C'est ce qu'il faut examiner.

Des administrations collectives; du maire départemental; d'une ou de plusieurs commissions permanentes du conseil général.

L'épreuve faite du système des administrations départementales collectives, en vertu de la loi du 22 décembre 1789, a peu disposé les esprits à son rétablissement. On sait que les assemblées, chargées de la répartition de l'impôt, de la direction des travaux publics, des dépenses départementales, et en général de toutes les fonctions administratives, élisaient dans leur sein une commission de huit membres qui, sous le nom de directoire du département, restait en permanence, et administrait activement pendant les intervalles des sessions annuelles des assemblées départementales. Ce système d'administration, où se manifestaient à la fois une sorte de réminiscence des anciennes libertés locales et en même temps l'esprit d'unité et de subordination hiérarchique introduit par la révolution dans l'administration française, était placé dans des conditions trop contradictoires pour pouvoir vivre.

On crut obvier en l'an III à son vice le plus essentiel en attachant à chaque administration départementale un représentant du pouvoir central chargé d'imprimer à ses décisions un mouvement plus rapide. Mais cette innovation salutaire ne compensa pas les inconvénients de ce comité de cinq membres, chargé collectivement de l'administration du département, et qui, malgré son caractère électif, répondit mal aux espérances qu'avaient mises en lui les populations.

Délibérer est le fait de plusieurs, agir est le fait d'un seul. Dans l'administration départementale comme dans l'administration communale, un conseil élu doit faire la loi, un fonctionnaire unique doit l'exécuter.

Toutes les législations contemporaines de l'Europe rendent hommage à ce principe.

Les députations provinciales de la Belgique et de l'Espagne, de la Hollande ne partagent pas, il est vrai, l'administration dans le sens restreint et rigoureux du mot avec les gouverneurs et les chefs politiques nommés par le roi; mais elles trouvent en eux des auxiliaires qui exécutent leurs décisions, et qui impriment le mouvement à tous les ressorts administratifs'.

4 El ministro de la gobernacion (ha dicho el sr Burgos en sus ideas de administracion) preside à la marcha de la administracion, y dirigiendola y dandole impulso, no administra en la acepcion rigorosa o restringida de la palabra. Esta atribucion pertenece particularmente à los encargados bajo la inspeccion superiore de aquel jefe, de la aplicacion de las leyes y de los reglamentos administrativos à las necesidades locales. Persuadido de este principio, y conociendo que para que sea eficaz la proteccion ue el gobierno debe dispensar à todos los intereses legitimos, es menester que haya en las provincias agentes especiales

Ces gouverneurs ou chefs politiques ne sont pas seulement des agents d'exécution, ils ont voix délibérative dans les conseils provinciaux, et exercent par leurs votes une influence directe sur les opérations de ces assemblées.

Les lois provinciales récemment publiées en Prusse et en Autriche attachent pareillement des fonctionnaires nommés par le roi à chacun des conseils de canton, district et de province. Ce sont les conseillers territoriaux (landrath), les présidents ou chefs de régence (regierungs-president) et les présidents supérieurs (oberpera sident). Le conseiller territorial assiste aux séances du conseil cantonal, et doit être entendu s'il le demande. Il peut suspendre les résolutions qui paraissent contraires aux lois ou à l'autorité de l'Etat. Le chef de régence convoque le conseil de district chaque fois que les affaires l'exigent. Il préside les délibérations avec voix prépondérante; il distribue et

de prosperidad, aconsejo à S. M. aquel ilustrado y celoso ministro su establecimiento; y fueron en efecto creados (por real decreto de 23 de octubre de 1833) los jefes que hoy con proca propiedad se denominan politicos.

Estas autoridades colocadas al frente de las provincias, son en ellas los jefes superiores de todos los ramos de la administracion publica por su impulso se ejecutan las leyes de interes general y se mueven todos los resortes de la prosperidad comun; y a su voz cooperan à los mismos objetos los diversos agentes y elementos auxiliares, cada una en los limites que su propio instituto le tiene trarado. (Elementos de derecho administrativo por Ortiz de Zunica, part. 4, section 4. Voyez aussi la loi provinciale de la Belgique du 30 avril 1836 (Code des lois politiques, p. 1), et la loi provinciale de la Hollande de 1850.

dirige les affaires, et en surveille l'exécution, Il veille à ce que le conseil n'excède pas sa compétence et ne viole pas les lois. Le président supérieur et les commissaires chargés de l'assister ou de le remplacer assistent aux séances du conseil provincial, et doivent être entendus s'ils le demandent. Le président supérieur prépare et fait exécuter les résolutions de ce conseil, et administre les établissements de la province. Il peut, à cet effet, envoyer des commissions aux conseils de canton et de district, et convoquer les premiers pour une assemblée générale. Il doit suspendre provisoirement soit d'office, soit sur un ordre supérieur, l'exécution des résolutions du conseil provincial et des commissions nommées par lui, qui dépassent les limites de ses attributions, et qui violent les lois ou l'intérêt de l'Etat. Il met sous les yeux du roi les résolutions du conseil, et communique aux présidents du conseil et des commissions les décisions de la couronne.

Ainsi, par une sage progression, le pouvoir central acquiert une action d'autant plus forte que les affaires administratives prennent elles-mêmes plus d'importance. A peine sensible dans les communes, il s'associe dans une mesure de plus en plus forte à l'administration du canton, du district et de la province, où il joue un rôle très-important.

Telle est la sagesse des combinaisons de la législation allemande que les élus du peuple et les agents du pouvoir, au lieu d'offrir comme en France le triste. spectacle de leur antagonisme, rivalisent de zèle pour l'administration du pays. Autant de services publics, autant de commissions permanentes auxquelles con

courent à la fois les membres des conseils électifs et ceux des conseils de régence; dans chacune d'elles le travail se divise et se subdivise de manière que rien n'échappe à l'œil vigilant des agents administratifs dont chacun à un secrétaire qui correspond journellement avec le chef de régence ou le président supérieur. Les affaires se traitent ainsi promptement, directement, sans l'intermédiaire onéreux de cette bureaucratie où viennent s'enfouir, en France, sous un monceau de paperasses, les affaires les plus urgentes.

Ce qui importe à la bonne administration d'un pays, ce n'est pas tant l'origine des pouvoirs que l'étendue des attributions des administrateurs.

Le vice capital de notre administration départementale, c'est moins le caractère gouvernemental des préfets que l'omnipotence de leurs bureaux. Amenez par degrés dans les mains des hommes notables des localités l'influence concentrée aujourd'hui dans les commis, et vous aurez résolu le problème administratif.

Pour atteindre ce but, il n'est pas nécessaire et il serait dangereux d'évoquer des souvenirs d'un autre âge.

Dans nos anciens pays d'Etats, l'intendant ne prenait, il est vrai, presque aucune part à l'administration1; il ne connaissait en aucune manière des impositions : la capitation était le seul impôt dont la répartition lui fût dévolue, et encore même était-il obligé d'appeler les procureurs ou les syndics généraux du pays pour y travailler. Les communautés n'étaient soumises à son

1 BOULAINVILLIERS, t. VI, p. 243.-CORIOLIS, t. 1, p. 145.2

« PreviousContinue »