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CHAPITRE PREMIER

DES ANCIENNES MUNICIPALITÉS DIOCÉSAINES ET PROVINCIALES,

SOMMAIRE.

États provinciaux dans les Gaules et sous les deux premières races. États du Languedoc, de la Provence, etc.. Diocèses, sénéchaussées, vigueries, etc. Caractères, formes, attributions de ces diverses assemblées. Leurs avantages comme centres d'administration, comme contrepoids du pouvoir royal, comme moyens de défense nationale. Leur décadence sous François Ier, Richelieu et Louis XIV. Leur abolition par l'Assemblée constituante.

Outre les municipalités communales, l'administration de l'ancienne France comprenait en général les municipalités de diocèses, sénéchaussées, bailliages, vigueries, etc., et les municipalités de provinces.

<«< Lors de la conquête des Gaules, dit un savant moderne, César avait suivi le système général de la politique romaine. Il avait conservé aux villes leurs lois, leurs magistrats, leur administration; il avait surtout favorisé le gouvernement populaire qui faisait de toutes les cités autant de petites républiques dont l'ambition était d'imiter la capitale de l'empire.

« Lorsqu'Auguste vint dans les Gaules, il s'occupa du soin de perfectionner cet ouvrage; il y fit le dénombrement des habitants; et non-seulement il assura aux cités la municipalité dont elles jouissaient; il voulut encore qu'elles eussent entre elles une libre correspondance, qui, les mettant à portée de se réunir pour l'intérêt général, donnât une patrie commune à tous les habitants. Il tint même à Narbonne une assemblée générale où vraisemblablement assistèrent des députés d'un grand nombre de villes. Depuis cette époque jusqu'à l'établissement des monarchies, vous voyez toutes les cités se gouverner comme autant de petits Etats soumis, mais libres; élire leurs magistrats, choisir les chefs de leurs petites troupes, délibérer non-seulement sur leur administration intérieure, mais sur leurs liaisons au dehors; s'envoyer mutuellement leurs députés, s'écrire des lettres et enfin s'assembler dans des métropoles indiquées pour traiter par des représentants les grands intérêts de la patrie1.

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Les caractères et les formes de ces assemblées sont définis dans le titre xii du livre XII du code Théodosien (De legatis et decretis legationum).

«On y voit, dit l'auteur des Lois municipales du Languedoc, que chaque province formait tous les ans dans une des villes les plus considérables, une assemblée solennelle composée des principaux magistrats mu

1 MOREAU, Discours sur l'Histoire de France, t. I, p. 137; LEBER, Hist. critique du pouvoir municipal, p. 23; RAYNOUARD, Hist. du droit municipal, ch. XXVIII; GUIZOT, Essais sur l'Histoire de France, etc.

2 ALBISSON, t. I, p. 316.

nicipaux des villes. Là on traitait des affaires communes et de tout ce qui avait rapport aux intérêts publics et particuliers; on délibérait sur tous les objets à la pluralité des suffrages; on y discutait les sujets de plainte que les officiers de l'empire avaient donnés aux habitants; et l'on dressait enfin le cahier des demandes qu'on avait à faire à l'empereur, auquel on envoyait trois députés chargés des vœux de la province, et quelquefois de l'or coronaire, qui était une sorte de don gratuit que les provinces offraient à l'empereur lors de son avénement à l'empire.

<< Dans les temps heureux de ce régime, rien n'était plus libre que la composition et la présentation de ce cahier de demandes et de doléances. Il était formé dans le sein de l'assemblée, et sans qu'il fût permis au recteur de la province, ni même au préfet du prétoire, d'y rien changer ou retrancher. Les députés étaient admis à l'audience de l'empereur, et lui seul prononçait sur les demandes dont il était chargé de poursuivre le succès.

« Cette liberté, souvent attaquée par les officiers du prince, fut totalement anéantie sous le règne de Théodose-le-Jeune. Les instructions des députés furent soumises à l'inspection du préfet du prétoire, qui était le maître d'en retrancher ce qu'il jugeait à propos, et qui devint l'arbitre suprême de l'utilité ou de l'inutilité des députations, sous prétexte d'épargner des frais aux provinces, et à l'empereur des audiences qu'il pouvait mieux employer. Bientôt les villes se lassèrent d'envoyer à des assemblées dont la dépense n'était rachetée par aucun avantage. Dès-lors les officiers

de l'empire, sûrs de l'impunité, ne mirent plus de bornes à leurs violences et à leurs concussions; et les peuples, livrés à la rapine et à l'oppression, se déta– chèrent entièrement d'un gouvernement dont ils ne recevaient plus ni protection ni justice. Ce fut alors que les Barbares, qui n'avaient fait jusque-là que des incursions passagères dans les Gaules, s'y formèrent des établissements fixes: les Goths, vers les Pyrénées; les Bourguignons, vers les Alpes, et, bientôt après, les Francs en deçà du Rhin. En vain Honorius essaya d'arrêter les progrès de la révolution, en regagnant l'affection des peuples; en vain publia-t-il, en 418, une constitution pour rétablir l'usage des assemblées annuelles des sept provinces des Gaules. Ce remède tardif ne put sauver l'empire, et lui-même se vit forcé de céder la même année une grande partie de ces sept provinces aux Wisigoths... »

Les Etats provinciaux furent rétablis dès les premiers siècles de la monarchie française, et formèrent sous les deux premières races le complément administratif des grandes réunions politiques appelées champs de mars et de mai. Ils survécurent aux parlements de Charlemagne et furent entre les mains des vassaux de la couronne, devenus de véritables souverains indépendants et rivaux du roi, des assemblées de gouvernement. On les retrouve sous la troisième dynastie à côté des États généraux, fonctionnant dans les diverses provinces avec une grande variété de formes et d'at

1 Voy. le texte de ce rescrit dans le Cours d'Histoire moderne de M. Guizot, p. 47.

tributions, mais offrant en général à l'administration publique le triple concours du clergé, de la noblesse et des communes.

Le procès-verbal d'une assemblée tenue à Narbonne en 1080 par les trois Etats du pays fait foi qu'une innombrable multitude des habitants de la province y avait été appelée. Le traité du 12 avril 1228 qui réunit le Languedoc à la monarchie lui réserva les usages et coutumes anciens, droits, libertés et franchises; et les procès-verbaux des Etats de la province tenus en 1269, 1271, 1275, en exécution d'une ordonnance de saint Louis de 1254, prouvent que le tiers-état y était dès-lors appelé, tandis qu'il n'a figuré dans les Etats généraux que dans le xiva siècle 2.

Les Etats du Languedoc se composaient des évêques, des barons, et des consuls ou des députés des villes chefs-lieux de diocèses, et des villes diocésaines3; ces derniers recevaient de leurs communes respectives une indemnité pour droit de présence aux Etats provinciaux 1.

Les Etats de la Provence se composaient de l'arche

1 On lit dans un procès-verbal du 15 août 1269 que prælati, terrarii, barones, militares, CONSULES, majores communitatum étaient réunis afin de délibérer sur la traite des blés: cùm bono el maturo consilio non suspecto sit faciendum.

2 En 1303, sous Philippe-le-Bel.

3 Mandez de tous les pays où il y a des consuls, syndics ou procureurs, un ou deux de ces magistrats, et des pays où de tels magistrats n'existent point, deux prud'hommes au choix des habitants ou au vote. (MÉNARD, Hist. de Nîmes, p. 198.)

DOM VAISSETTE, Hist. du Languedoc, t. IV, p. 336.

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