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gue, officiers, matelots, les peines plus graves des travaux forcés et de la réclusion. Il remplissait une lacune de la même loi de 1827, et prévoyait la tentative de traite, donc il distinguait deux espèces: tentative avant la mise en mer du navire, tentative après la mise en mer. Dans le premier cas, les armateurs, bailleurs de fonds, capitaine et subrécargue seulement, encouraient un simple emprisonnement correctionnel. Dans le second cas, la tentative, considérée comme le crime, était punie des mêmes peines. Ensuite le projet interdisait, sous peine d'emprisonnement, la fabrication, la vente et l'achat des fers spécialement employés à la traite des noirs; il prohibait dans les colonies le recel, la vente et l'achat de tout noir de traite, également sous peine d'emprisonnement: il règlait le sort des esclaves saisis, soit à bord d'un navire négrier, soit dans les colonies. Ces esclaves aussitôt déclarés libres, étaient toutefois, selon le mode usité en Angleterre, soumis à un engagement de dix ans envers le gouvernement, qui se réservait de les employer dans les ateliers publics. (En Angleterre l'engagement des esclaves envers le gouvernement est de 14 ans.) Enfin le projet déterminait les tribunaux devant lesquels la répression des crimes et délits en matière de traite serait poursuivie. Cette poursuite devait avoir lieu devant les cours d'assises de France, lorsque le fait incriminé aurait été commis dans un port continental du royaume, et que le navire aurait été saisi et conduit dans ce port; devant la cour d'assises de la colonie, quand le fait aurait été commis dans une colonie, et que le navire y aurait été saisi et conduit. Toutefois, dans ce dernier cas, par une précaution sagement prise contre des préjugés enracinés, les quatre assesseurs-appelés à former la cour d'assises coloniale devaient être tirés au sort parmi les douze fonctionnaires de la colonie les plus élevés en grade dans l'ordre administratif.

Il s'agissait, comme on le voit, de remplacer les dispositions de la loi du 25 avril 1827, dernière loi spéciale sur la matière, par un système de mesures préventives et pénales tel, qu'on

put en espérer pour résultat l'abolition d'un trafic honteux, réprouvé par la morale et par l'humanité. Les peines sévères dont le nouveau projet punissait la traite ne pouvaient paraître exorbitantes, si on les comparait à celles que les lois de plusieurs nations étrangères, les États-Unis, l'Angletere, la Hollande, le Danemarck, prononcent contre le même crime (1). Aussi les principes qui en formaient la base ne rencontrèrent-ils aucune objection. M. le baron Mounier, rapporteur de la commission, déclara (8 janvier) qu'elle adoptait le projet à l'unanimité. Elle ne proposait que des changemens de rédaction, assez nombreux, il est vrai, et quelques amendements, tous concertés, du reste, avec le ministre de la marine, et auxquels le gouvernement donnait son assentiment. Le seul de ces amendements qui eût quelque importance tendait à établir une gradation entre les peines infligées aux officiers de marine et aux simples matelots. Ainsi, par exemple, toutes les fois que les premiers encouraient la réclusión, les seconds ne devaient être passibles que d'un emprisonnement correctionnel.

La Chambre des pairs partagea l'avis de la commission : aucune discussion générale nc précéda la mise aux voix des articles, qui furent tous adoptés successivement avec les amendements proposés; et au scrutin secret, l'ensemble du projet

(1) Aux États-Unis, une loi de 1810 range la traite parmi les crimes de piraterie, et prononce la peine de mort contre ceux qui s'y livrent. En Angleterre, une déclaration du 31 mars 1824 porte que tout sujet de l'Angleterre qui ferait la traite des esclaves, ou même d'un esclave, serait traité comme pirate, félon et voleur sur les mers, encourrait la confiscation de tous ses biens, et serait puni de mort, sans bénéfice de clergie. En Hollande, en Danemarck, les travaux forcés, la confiscation, l'amende, punissent le même crime. L'Espagne, le Portugal et la Suède se sont engagés, par des conventions particulières avec l'Angleterre, à l'abolition de la traite. Cette espèce de droit public en Europe date, comme on sait, du congrès de Vienne, où tous les plénipotentiaires qui y étaient réunis souscrivirent, chacun pour leur souverain, l'engagement de concourir par tous les moyens possibles à l'abolition de la traite des Nègres,

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réunit en sa favour une majorité considérable(106 voix contre 6). 15 janvier. Il ne rencontra pas plus d'opposition à la Chambre des députés : la commission spéciale à laquelle il fut renvoyé reconnut la convenance et l'utilité de ses dispositions. Néanmoins, elle y fit encore des additions et des modifications: elle voulut atteindre les individus qui, bien que non inscrits sur le rôle d'équipage comme capitaine et subrécargue, en auraient rempli les fonctions; elle rappela que l'aggravation de peines portée par l'art. 98 de notre code pénal serait applicable aux fonctionnaires publics qui, chargés de réprimer la traite, l'auraient au contraire favorisée et y auraient pris part; enfin elle fixa à 7 ans, au lieu de 10, la durée de l'engagement des noirs libérés envers le gouvernement. Tous les amendements proposés, ayant pour but d'assurer des moyens de répression plus efficaces, en ménageant les intérêts du commerce, des colons et des esclaves, rentraient dans l'esprit général qui avait présidé à la rédaction du projet ministériel. Le gouvernement ne fit aucune difficulté de les admettre, et la Chambre les consacra par son vote, ainsi que la loi même, adoptée le 21 février, à une grande majorité (190 voix contre 37).

Dans une courte discussion préalable, on n'avait pas vu sans quelque étonnement trois orateurs, MM. Cabanon, Bouvet et Dariste, soutenir l'inopportunité des nouvelles mesures répressives, par le motif que l'abolition de la traite, nuisible aux intérêts de nos colonies, favorisait uniquement ceux de l'Angleterre.

Les modifications que venait d'éprouver le projet de loi le ramenèrent nécessairement à la Chambre des pairs (23 février). L'ancien rapporteur, M. le baron Mounier, exposa, daus la séance du 25, la nature des amendements votés par la Chambre élective, et, sur sa proposition, ils furent adoptés sur-le-champ, sans discussion, à la presque unanimité.

La présentation à la Chambre des députés d'un projet de loi sur l'amortissement de la dette publique avait suivi de Ann. hist. pour 1831.

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près la nomination de M. Laffitte à la présidence du conseil (22 novembre 1830). Il était tout simple que le chef du cabinet cherchat à ranimer la confiance et à consolider le crédit, au milieu des circonstances difficiles qui pouvaient nécessiter prochainement le recours à de nouveaux emprunts. Le projet de loi, dans ses dispositions, embrassait le passé et l'avenir. D'une part, il décidait que la dotation de la caisse d'amortissement, fixée à la somme annuelle de 40 millions, accrue encore des rentes amorties depuis sa création et du produit des bois dont la vente était ou serait ultérieurement ordonnée, continuerait d'être affectée au rachat des rentes cinq, quatre et demi et trois pour cent; que, à dater de la promulgation de la loi, la somme des rentes amorties serait définitivement arrêtée, jointe à la dotation de 40 millions, et le total partagé entre ces trois espèces de fonds, proportionnellement au capital constitué de chacune d'elles, et au montant de ce capital restant à racheter; que la portion de dotation échue à chacune de ces espèces de rentes leur appartiendrait définitivement, et serait spécialement consacrée à en opérer le rachat; enfin que le fonds d'amortissement affecté à la rente quatre pour cent, composé 1o des 800,000 francs qui lui avaient été originairement attribués, 2o des 865,050 francs restés disponibles sur la négociation, 3o des rachats effectués en quatre pour cent depuis la création, demeurerait distinct et spécialement consacré à cette rente. D'autre part, le projet statuait que toute nouvelle dette constituée en rentes sur le grand livre devrait avoir une dotation suffisante pour le service de l'amortissement et des intérêts, laquelle serait spéciale, annuelle, jusqu'au rachat définitif de la rente constituée, et que le fonds d'amortissement devrait être d'un pour cent au moins; que l'amortissement profiterait de toute réduction d'intérêt provenant, ou du consentement des anciens créanciers, ou de leur remboursement au moyen d'un nouvel emprunt contracté à un plus faible intérêt, et s'accroîtrait de toute la dotation devenue disponible; que le revenu des rentes rachetées par

chaque fonds d'amortissement serait employé en nouveaux rachats, toujours au profit du même fonds, et jusqu'à l'extinction de la dette, sauf toutefois une exception à ce principe relativement aux anciennes rentes cinq, quatre et demi et trois pour cent; qu'il n'y aurait pas de rachat au-dessus du pair, et que le fonds d'amortissement appartenant à une espèce de rente dont le prix vénal se trouverait au-dessus du pair serait employé à racheter des rentes d'une autre espèce, et toujours de préférence celles qui donneraient le plus haut intérêt; que le fonds d'amortissement, accru des rentes d'une autre espèce qu'il aurait acquises, serait de nouveau appliqué au rachat de la rente à laquelle il appartenait, dans le cas où celle-ci serait descendue au-dessous du pair, soit par l'abaissement des cours, soit par l'effet d'une réduction d'intérêt. Enfin la dotation consacrée à l'intérêt et à l'amortissement d'une espèce de rente ne deviendrait libre et à la disposition de l'État, que lorsque cette rente, entièrement rachetée par son fonds spécial, aurait été annulée.

Telles étaient les bases principales du projet de loi présenté par M. Laffitte mais ces bases n'obtinrent pas dans leur totalité l'approbation des deux Chambres. A la Chambre des députés, la commission, par l'organe de son rapporteur, proposa quelques amendements qui modifiaient le système ministériel, notamment en ce qui concernait le produit de la vente des bois et la spécialité du fonds d'amortissement par nature d'emprunt. Dans la discussion, qui s'ouvrit le 11 janvier, et occupa six séances, le ministère essuya divers échecs un amendement de M. Augustin Périer, fortement appuyé par MM. Charles Dupin, Mauguin et de Mosbourg, renversa le principe du projet posé dans l'article 1er, et la loi, ainsi modifiée, passa à une majorité de 220 voix contre 32. Mais de nouvelles modifications l'attendaient dans la Chambre des pairs (29 janvier). Les théories du rapporteur, M. Roy, se trouvèrent rarement d'accord avec celles du président du conseil, et la Chambre n'adopta l'œuvre de celui-ci qu'après en avoir dé

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