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et le troisième s'avançait entre les deux premiers, sous la conduite du prince d'Orange.

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Du côté des Belges, un corps'de troupes, fort de 8 à 10,000 hommes, et à qui l'on donnait le nom pompeux d'armée de l'Escaut, était concentré à Malines. C'est là que Léopold porta d'abord son quartier général. Un autre corps de troupes, qui comptait 10 à 12,000 hommes, et qu'on appelait l'armée de la Meuse, était stationné, sous les ordres du général Daine, entre Maëstricht et Hasselt.

Après avoir refoulé les avant-postes belges, l'armée du prince d'Orange s'approcha de la Demer. Le 5 août elle se rendit maîtresse de Diest, les Belges 'ayant abandonné la ville sans essayer de résister; puis, étendant sa gauche vers Haelen, tandis que sa droite occupait Sichen, elle perça ainsi le centre de l'ennemi et empêcha toute jonction entre les troupes commandées par Léopold à Malines et l'armée de la Meuse. C'est à celle-ci que les Hollandais eurent d'abord affaire. Le 8, ils l'attaquèrent sur la route de Hasselt à Tongres. Ce ne fut point une bataille, mais une soudaine et inconcevable déroute. Emportée par une terreur panique, l'armée de la Meuse prit. la fuite dans toutes les directions, à travers les campagnes et les bois. Les Hollandais s'étaient emparés de Hasselt sans coup férir; aucune démonstration n'avait été faite pour les arrêter. La surprise fut si imprévue et la retraite des Belges si rapide, que l'ennemi tira sur eux avec leurs propres canons. La cavalerie, mise en désordre par quelques décharges à mitraille, se précipita sur l'infanterie, qui se débanda; et bientôt, infanterie, cavalerie, artillerie, toute l'armée se dispersa, abandonnant ses bagages et son matériel. Elle revint pêle-mêle à Liége, où les reproches les plus violents éclatèrent de la part des soldats contre les officiers, de la part des officiers contre le général Daine : il s'était laissé ceruer par une armée trois fois aussi nombreuse que la sienne, et se trouvait désormais coupé de Bruxelles.

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Les Hollandais se dirigèrent aussitôt vers cette ville, qui

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n'était plus couverte qué par les troupes rassemblées à Malines. Le jour même de l'échec de l'armée de la Meuse, le roi s'était avancé à Aerschot, dans la direction de Diest. Ayant appris cette fâcheuse nouvelle, il retrograda sur Louvain, et se retrancha en avant de cette ville, avec une trentaine de mille hommes, dont une dizaine de mille de troupes régulières, n'ayant que peu d'artillerie et point de cavalerie, et le reste se composant de gardes civiques et de volontaires aussi mal armés que mal disciplinés. Les Hollandais l'attaquèrent le 12, tournèrent sa position, et le forcèrent à une prompte retraite sur Louvain: cernée et bloquée de toutes parts, cette ville dut se rendre le lendemain. Mais là était pour le prince d'Orange le terme d'une course triomphante qui pouvait le conduire en quelques heures aux portes de Bruxelles, privée de tous moyens de défense.

Il n'avait pas dépendu de l'armée française que cette course ne finit plus tôt. Appelés par Léopold, qui, dans son voyage, s'était fait sans doute une juste idée de l'état des ressources militaires de la Belgique, les Français pouvaient, dès le 6 août, franchir la frontière. Ils avaient été obligés de suspendre leur marche, parce que la constitution belge ne permettait pas qu'une armée étrangère entrât sur le territoire sans le consentement de la législature, et que l'amour-propre des partisans absolus de l'indépendance nationale se révoltait à la pensée qu'ils eussent besoin des secours de la France pour repousser les Hollandais. Après la déroute de l'armée de la Meuse, le roi, qui, dans ces tristes circonstances (tous lui rendirent cette justice) se montra seul digne de commander des troupes mieux organisées, et paya plus qu'aucun autre de sa personne, le roi insista pour envoyer un courrier au maréchal Gérard, à Maubeuge. Malgré quelques opposants, à qui le sentiment d'un patriotisme étroitement jaloux de la France fermait les yeux sur l'imminence du danger, il fut obéi. Le 9, les soldats français entrèrent en Belgique, et les premiers régiments arrivalent à Bruxelles au moment où la victoire de

Louvain venait d'ouvrir au prince d'Orange la route de cette capitale.

Aussitôt le général Belliard se rendit auprès du prince, pour lui communiquer un ordre de son père de se replier devant l'armée française. Cet ordre avait été signé après la réception d'une lettre de la conférence de Londres, qui réclamait une cessation immédiate des hostilités, et sur la notification faite par le chargé d'affaires français, que si l'armée hollandaise ne rentrait pas sans délai dans la ligue fixée par l'armistice, elle aurait à combattre une armée française, et que lui-même quitterait La Haye. Dans cet état de choses, ayant appris que la conférence avait donné son assentiment à la démarche de la France, et accueilli en outre l'offre d'une flotte faite par l'Angleterre, pour agir en cas de besoin contre la Hollande, le roi Guillaume, se fondant sur ce que sa querelle avec la Belgique, étant domestique, deviendrait européenne s'il résistait, les armes à la main, à la prépondérance des cinq grandes puissances,décida de rappeler ses troupes.

Instruit de cette décision et de l'arrivée des Français, le prince d'Orange, qui n'avait d'abord accordé une suspension d'armes de vingt-quatre heures qu'à la condition. que l'armée belge abandonnerait Louvain, convint, le 13, avec le général Belliard, que l'armée hollandaise commencerait le lendemain son mouvement de retraite par les routes de Diest et de Tirlemont. Ce mouvement fut suivi par une partie de l'armée française: il s'acheva en six jours, sans aucun incident remarquable, et n'empêcha point les généraux français eux-mêmes de reconnaître la sagesse et l'habileté avec lesquelles le prince avait conduit sa courte campagne. Dans l'impossibilité de reconquérir la Belgique contre la volonté des puissances, ce que le gouvernement hollandais pouvait désirer, c'était de les convaincre qu'il en avait les moyens, c'était de détruire le prestige des victoires de la révolution belge; et ce but était atteint. Il l'était même si complétement, que, plus tard, uu ministre belge (M. Lebeau) n'hésita point à dire devant la Chambre des

représentants, que la campagne d'août 1831 avait été le Waterloo de la Belgique.

Quant à l'armée française entrée en Belgique, la conférence, par un protocole du 6 août, admit comme satisfaisante l'explication que la France, d'après l'extrême urgence du cas, n'avait pas eu le temps de remplir l'obligation d'agir de concert avec ses alliés. Néanmoins, il fut déclaré que les troupes françaises ne dépasseraient pas l'ancienne frontière de Hollande, que leurs opérations seraient confinées à la rive gauche de la Meuse, qu'elles n'investiraient ni Maëstricht ni Venloo, et qu'elles reviendraient en France aussitôt que les Hollandais auraient quitté le sol de la Belgique. Cette dernière stipulation ne s'accordait point avec les paroles du ministre de la guerre français, qui, en annonçant le 13 août, à la Chambre des députés, que l'évacuation hollandaise serait bientôt effectuée, ajouta : « Il n'en sera pas ainsi de la nôtre; nous attendrons, pour évacuer le territoire beige, que les questions pour lesquelles l'armée française s'est mise en mouvement soient tout-à-fait décidées, et que nul danger ne nous menace désormais de ce côté... » Quoiqu'il en soit, la conférence insista pour le rappel de l'armée française, dont la présence en Belgique, impatiemment supportée par les torys d'Angleterre, était exploitée contre le ministère de lord Grey. Ce rappel eut lieu, à la réserve d'un corps de 12,000 hommes qui esta quelque temps encore en Belgique, où l'armée était à réorganiser entièrement. Des officiers français furent autorisés à passer au service belge, afin de travailler à cette réorganisation, pour laquelle on commença par profiter d'un armistice de six semaines, accepté des deux parts, sur la proposition et la garantie de la conférence: elle s'occuperait pendant ce temps-là de poser les bases d'un arrangement définitif.

Dans l'intervalle, un fait important prit place dans l'histoire de la Belgique l'ouverture de la première session des Chambres élues en verin de la nouvelle constitution, l'une

sous le nom de Sénat, et l'autre sous le nom de Chambre des représentants, eut lieu le 8 septembre à Bruxelles.

Les élections s'étaient faites presque partout à l'avantage des catholiques. Le parti orangiste n'y eut aucun succès. A l'égard des libéraux, qui comptaient parmi eux les hommes les plus habiles et les plus éclairés, et à qui revenait la plus grande part dans la révolution, il s'en fallut de beaucoup qu'ils obtinssent autant de suffrages que ces deux circonstances semblaient leur en promettre. Il est vrai que le parti libéral était en grande minorité, comparativement aux catholiques, et que ceux-ci trouvèrent dans les curés un appui aussi actif que puissant. Aiusi, cette convention des partis, grâce à laquelle on s'était allié et poussé mutuellement pour parvenir à renverser la domination hollandaise, elle était déjà oubliée! Ainsi, l'union catholico-libérale n'existait plus. Tel était l'inévitable effet de la victoire; effet à remarquer, et qui aura plus tard ses conséquences. Pour le moment, c'était le différend avec la Hollande qui absorbait l'attention générale.

8 septembre. Ce différend n'étant pas près de sa conclusion, le discours du roi à l'ouverture des Chambres ne del vait pas offrir un grand intérêt (Voy. l'Appendice). Il contenait deux parties tout-à-fait distinctes : l'une qui concernait uniquement les affaires personnelles et domestiques de la Belgique, l'autre qui traitait de ses affaires extérieures. Quant aux premières, sa majesté ne pouvait que constater leur état de souffrance en annonçant l'intention d'y porter remède par tous les moyens possibles. Quant aux relations diplomatiques au dehors, elle parlait des rapports avec la France et l'Angleterre comme d'une certitude, des rapports avec les autres gouvernements comme d'une espérance. Les négociations avaient été ouvertes afin d'amener un arrangement définitif avec la Hollande. D'autres négociations auraient lieu pour régler l'exécution des mesures relatives à la démolition des places fortes élevées en 1815 contre la France.

Ici Léopold ne pouvait passer sous silence le service émi

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