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L'effet du retour de don Pedro sur la nation portugaise devint pour don Miguel une source de vives inquiétudes : bientôt l'explosion d'une insurrection, la plus formidable à laquelle il eût encore été exposé, vint le convaincre qu'il y avait une grande partie de ses troupes en qui il ne pouvait pas avoir confiance.

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Dans la nuit du 21 au 22 août, environ 800 hommes du 2o régiment de ligne, en garnison à Lisbonne, et qui passait pour avoir des opinions libérales, se révoltèrent. La voix des chefs fût méconnue : les insurgés étaient armés, et malgré la résistance des officiers qui barraient la porte de la caserne, ils sortirent dans la rue, après avoir tué leur major et blessé plus ou moins dangereusement la plupart de leurs officiers. Ils se divisèrent en trois colonnes, la première marchant au Val de Pereiro, quartier du 16° régiment; la seconde vers Alcantara, quartier du 1o régiment de cavalerie; et la troisième vers la place do Rocio, dans le centre de la basse-ville. Lear musique jouait l'hymne constitutionnel, et ils criaient: Vive don Pedro! vive dona Maria! mort au tyran! vive la charte! Les patrouilles qu'ils rencontrèrent, et qui ne se déclarèrent pas pour eux, furent massacrées. Mais la première colonne, au lieu de trouver des alliés dans le 16o régiment, fut reçue par une déchargé de mousquetérie. Les révoltés répondirent par une autre décharge; après un violent combat, ils se dirigèrent sur la place do Rocio, où ils rejoignirent leurs camarades.

Le parti qui s'était avancé sur Alcantara fut rencontré par des troupes de royalistes et d'hommes de police qui l'écrasèrent sous leur nombre, non sans avoir fait aussi de grandes pertes pour leur propre compte. Sur la place do Rocio, lés mutins eurent à combattre tout le 16° régiment, que les officiers y avaient conduit, deux compagnies de cavalerie et des corps considérables d'hommes de police et de royalistes. Des deux côtés, on fit pendant deux heures un feu vigoureux; mais tes insurgés, voyant leurs munitions s'épuiser et les forces de leurs ennemis aller toujours en augmentant, furent obligés de

battre en retraite. Plusieurs personnages de distinction avaient été tués. Le nombre total des morts, dans cette affaire, a été porté à plus de trois cents. Les soldats et les sous-officiers qui survécurent furent presque tous pris. Une cour martiale fut convoquée immédiatement pour leur procès, et quarante d'entre eux furent bientôt après fusillés en masse.

La prompte et sanglante répression de cette révolte prématurée n'empêcha pas le gouvernement de don Miguel et ses sbires de redoubler de brutalité, de cruauté. Tous ceux qu'ils soupçonnèrent de pencher pour don Pedro et pour sa fille furent ouvertement maltraités ou emprisonnés. Les forteresses et les prisons de chaque ville regorgeaient de prétendus criminels d'État, sans compter ceux qui étaient en fuite. A Lisbonne, les donjons et les pontons, vers le milieu de septembre, ne contenaient pas moins, a-t-on dit, de 3,000 personnes, dont l'incarcération n'avait pas d'autre motif que les opinions qu'on leur supposait. La terreur était profonde, la misère générale, et les craintes des étrangers au comble, surtout chez les Anglais. Ils en appelèrent de nouveau à leur gouvernement, d'une tyrannie qui, bien que s'exerçant plus directement sur les Portugais, ne les en atteignait pas moins eux-mêmes de la manière la plus dommageable pour leurs intérêts commerciaux, en ruinant ceux avec qui ils étaient en relations d'affaires.

Cependant la cause de dona Maria et de la liberté était plus heureuse ailleurs. Tandis que don Pedro rassemblait des forces pour reprendre la couronne usurpée de sa fille, la régence qui, au nom de la jeune reine, gouvernait Terceira et les Açores, ne restait pas inactive. Déjà le 9 mai, une expédition était partie d'Angra, sous les ordres du comte de Villaflor; elle avait réussi à s'emparer de l'île de Saint-Georges. Une nouvelle expédition se prépara ensuite contre l'ile Saint-Michel, qui avait une garnison de 3,000 hommes, et menaçait d'opposer une résistance plus opiniâtre. Le comte de Villaflor prit encore la direction des opérations. Il mit à la voile d'Angra, le

30 juillet, emmenant 1,500 hommes à bord de dix-neuf petits bâtiments. If débarqua à Saint-Michel le 1 août : le jour même, il attaqua l'avant-garde des miguelistes; elle fut mise en déroute, et abandonna une pièce d'artillerie et 20 prisonniers aux assaillants, Le 2, au point du jour, l'armée d'invasion marcha sur Ribeira-Grande, où les miguelistes. l'attendaient avec toutes leurs forces, dans une bonne position. Ils avaient en ligne 2,600 hommes, 8 pièces d'artillerie et a obusiers, sous les ordres d'un lieutenant-colonel, Le comte de Villaflor ne possédait qu'un seul canon, celui qui avait été pris la veille. Le combat s'engagea aussitôt ei dura jusqu'à deux heures de l'après-midi, sans que les constitutionnels vinssent à bout de forcer le passage. En ce moment, ils exécutèrent une charge générale avec une telle vigueur, que les miguelistes enfoncés se mirent à fuir, laissant un grand nombre de morts et de blessés sur le champ de bataille, quatre pièces de campague et plus de 60 barils de poudre. Les villes de RibeiraGrande et de Ponte-Delgada se soumirent à l'instant; le lendemain l'ile entière s'était rangée sous le pouvoir de la régence.

Alarmé de ces succès obtenus avec de si faibles ressources, le gouvernement de don Miguel commença à craindre que Madère elle-même ne fût bientôt l'objet d'une attaque. Mais trois cents hommes seulement allèrent, vers la fin de septembre, renforcer la garnison de cette ile; car l'attente de l'invasion de don Pedro et la dernière insurrection commandaient de ne pas trop dégarnir Lisbonne de troupes. On fit de grands efforts pour mettre les tours et les forteresses du Tage sur un pied de défense formidable, efforts souvent paralysés par le manque d'argent sous un gouvernement qui avait perdu tout crédit, et dont la conduite ne tendait qu'à appauvrir le pays. Dans cet état de choses, don Miguel ne trouva rien de mieux que d'ordonner, au mois de novembre, un emprunt forcé de six millions de francs environ, portant 5 pour cent Ann. hist. pour 1831.

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d'intérêts, et qui serait réparti parmi les Portugais en propor "tion de leurs richesses. Cette nouvelle éxaction rendit les vœux encore plus ardents en faveur de don Pedro, dont on eût pu dès lors regarder le triomphe comme assuré, si ce prince, pour réussir, n'avait eu besoin que des vœux et non de la coopération des habitants.

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Rentrée du parlement.

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Question de la réforme parleArrestation et procès de M. O'Con

Mesures de finances. Liste civile. Présentation à la Chambre des communes d'un bill pour la réforme parlementaire de l'Angleterre. Questions incidentes. État des

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partis. Seconde lecture du bill. Défaite du ministère dans la discussion en comité. - Dissolution du parlement.

S'il suffisait qu'un pays parvint à un haut degré de gloire et de puissance pour que sa constitution fût à l'abri de tout reproche, celle d'Angleterre mériterait tous les éloges qu'elle á reçus des publicistes. Mais lorsque, recherchant jusqu'à quel point les faits répondent aux théories, et cé que cette constitution a produit pour le bonheur de la communauté en général, on arrive à des résultats tels que ceux-ci : une détresse commerciale et manufacturière sans exemple; unè dette qui effraie l'imagination; un clergé dévorant une immense part du revenu national; le sol de la Grande-Bretagne possédé tout entier par quelques centaines de familles privilégiées; des millions de prolétaires affamés et nus, dont il faut étouffer périodiquement les cris de révolte à coups de fusil, alors on doute sérieusement de la perfection de ces institutions si vantées; alors on conçoit que des hommes sages aient proclamé la nécessité de les réformer, en faisant une part plus large à la démocratie dans un gouvernement qui n'a été, après tout, qu'une aristocratie représentative.

Lè besoin et la justice d'une réforme dans la Chambre des communes étaient sentis depuis long-temps en Angleterre. Cependant, sans la révolution de juillet, qui imprima une si remarquable impulsion à l'opinion publique dans ce pays sur cette grave question politique, combien d'années encore ce besoin serait-il resté sans satisfaction? combien d'années encore eut-on attendu un ministère capable d'accomplir cette

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