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majesté a repris les rênes de l'Etat, la France n'avait, ponr échapper à l'anarchie, d'autres ressources que celles de son propre génie. (1)

» Abandonné à des transfuges, que les préjugés, la vengeance et les passions dominaient, le gouvernement n'était plus un moyen de protection nationale, mais l'instrument d'une faction.

» On voulait remuer les cendres du camp de Jalès et de la Vendée, rallier les débris de l'insurrection de la Bretagne et de la Normandie, comprimer le peuple par la terreur, et ramener la violence à la barbarie des siècles féopar daux..... Tout se dirigeait vers l'accomplissement de ce plan. Le trésor se dissipait en récompenses pour des services criminels (2); les emplois, les pensions, les honneurs étaient prodigués à des individus obscurs, chargés de la haîne publique, flétris dans l'opinion; tandis

que des

(1) Ne croirait-on pas, à entendre le rapporteur, qu'en 1814, sous Louis XVIII, on vivait, comme en 1793, sous Fouché et sous Robespierre ?

(2) Dans un autre rapport, fait le mois précédent, Fouché se plaignait que les trésors de la nation avaient été employés, sous Louis XVIII, au salaire des plus honteux trafics, et à la liquidation d'une guerre faite contre le peuple français, c'est-à-dire, contre les factieux qui privaient la France de son souverain.

écrivains, des ministres même de la religion, alarmaient les consciences timides et ébranlaient le système des propriétés.

» Cette violation de l'ordre social, ce mépris de la morale commune, devaient amener un mouvement général : il était imminent; il allait entraîner la perte des hommes imprudens et présomptueux qui le provoquaient ; ils vous doivent leur salut. »

Ainsi, d'après le langage de Fouché, les transfuges, les violateurs de l'ordre social, en un mot, les amis de Louis XVIII, et par conséquent les ennemis-nés de l'usurpateur, doivent à ce même usurpateur leur salut, Et qu'on ne pense pas que Fouché se bornât à des paroles; il appuyaît de toutes ses forces le Corse qui était venu sauver tant d'hommes imprudens et présomptueux.

On a cru généralement que c'était Carnot qui envoyait dans les départemens des émissaires secrets, chargés d'y surveiller et d'y diriger adroi tement ce qu'on appelait l'esprit public. Nous pouvons assurer qu'un étranger, pressé par le besoin, ayant demandé une de ces missions a Carnot, celui-ci lui répondit qu'il devait adresser sa pétition au ministre de la police, que c'était à ce dernier seul qu'appartenait le choix de ces agens; ce qui ferait présumer que, Carnot ayant été compris dans l'ordonnance du 24 juillet 1815,

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craignant sans doute d'user de récriminations envers un ministre encore trop puissant, Fouché se comporta, à l'égard de ce collègue. comme il s'était comporté jadis à l'égard de Robespierre, qu'il accusa, non-seulement des crimes que ce monstre avait commis, mais encore de ceux que lui-même et ses complices avaient pu

commettre.

Des écrivains plus initiés dans les secrets des cabinets, diront de quelle manière Fouché servit d'abord Bonaparte, et le roi plus tard, pendant l'interrègne ; mais ici se présente un trait de lumière, qui jette une espèce de clarté dans ce labyrinthe d'intrigues et de perfidies. Nous avons connaissance d'une lettre dans laquelle un pharmacien de la Vendée prie un de ses amis d'aller sur-le-champ prévenir M. de la Roche-Jaquelin.

Ce mot prévenir, qui pourrait d'abord n'indiquer, ne prescrire qu'une mesure de précaution, a cependant une signification bien plus étendue, s'il faut en croire celui qui nous a communiqué cette lettre. Il avait été offert à ce pharmacien une somme de trente mille francs, pour empoisonner M. de la Roche - Jaquelin, lors du renouvellement des hostilités dans la Vendée cet apothicaire rejeta cette offre. C'est au ministre de la police, dont la sagacité a souvent été comparée à celle de M. de Sartine, à

nous apprendre qui avait pu offrir ces trente mille francs, et le châtiment qu'il a infligé, ou qui doit être infligé au coupable.

Les trois mois de la dernière dictature de Bonaparte furent marqués par une suite de mensonges officiels, d'autant plus dangereux, qu'ils étaient répandus par les deux personnes en place, qui jouissaient de la plus absolue confiance dans leur parti, Carnot, et surtout Fouché. Il est impossible de lire saus une profonde indignation, pour ne pas dire exécration, le rapport insidieux et de la plus inique mauvaise foi, que ce dernier fit le 29 mars 1815, au conseil des ministres, sur la déclaration du congrès de Vienne, du 15 du même mois, ainsi conçue :

« Les puissances qui ont signé le traité de Paris, réunies en congrès à Vienne, informées de l'évasion de Napoléon Bonaparte, et de son entrée à main armée en France, doivent à leur propre dignité et à l'intérêt de l'état social une déclaration solennelle des sentimens que cet éyénement leur a fait éprouver.

>> En rompant ainsi la convention qui l'avait établi à l'île d'Elbe, Bonaparte détruit le seul titre légal auquel son existence se trouvait attachée. En reparaissant en France avec des projets. de troubles et de bouleversemens, il s'est privé lui-même de la protection des lois, et a mani

festé à la face de l'univers qu'il ne saurait y avoir ni paix ni trève avec lui.

» Les puissances déclarent en conséquence, que Napoléon Bonaparte s'est placé hors des relations civiles et sociales, et que, comme ennemi et perturbateur du repos du monde, s'est livré à la vindicte publique.

il

» Elles déclarent en même temps que, fermement résolues de maintenir intact le traité de Paris, du 30 mai 1814, et les dispositions sanctionnées par ce traité, et qu'elles ont arrêtées ou arrêteront comme pour le compléter ou le consolider, elles emploieront tous leurs moyens et réuniront tous leurs efforts pour que la paix générale, objet des voeux de l'Europe et but cons. tant de leurs travaux, ne soit pas troublée de nouveau, et pour la garantir de tout attentat qui menacerait de replonger les peuples dans les désordres et les malheurs des révolutions.

>> Et quoique intimement persuadés que la France entière se ralliant autour de son souverain légitime, fera incessamment rentrer dans le néant cette dernière tentative d'un délire criminel et impuissant, tous les souverains de l'Europe, animés des mêmes sentimens et guidés par les mêmes principes, déclarent que si, contre tout calcul, il pouvait résulter de cet événement un danger réel quelconque, ils seraient prêts

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