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duire avec fermeté, en présence du peuple français et de l'Europe, de consacrer les principes et les lois pour lesquels le peuple a versé son sang depuis vingt-cinq années. (1)

« Je ne recommanderai pas à l'assemblée les égards qu'elle doit à l'Empereur Napoléon: ce n'est pas au moment où il est malheureux que vous l'abandonnerez à la malveillance. »

XXV. FOUCHÉ ET LE DUC WELLINGTON.

Nota. En réimprimant la lettre attribuée à M. Fouché, on a seulement voulu la rétablir dans son intégrité, et la purger des fautes littéraires et grammaticales qui altèrent cet écrit dans d'autres éditions. Quant aux principes, aux opinions, à l'exposé même des faits, on s'est bien gardé de s'en rendre garant. On les recueille, on les expose, mais on ne les justifie pas.

(1) Si un étranger, qui n'aurait aucune idée de notre révolution, demandait quels sont ces principes et ces lois pour lesquels le peuple français a versé son sang depuis vingt-cinq ans, et que Fouché veut faire consacrer aux représentans, quelle serait sa surprise, en apprenant que ces prétendues lois, ouvrage informe d'une anarchie effrénée et d'un despotisme absolu, sont dès ce moment abolies par le même Fouché, grâces à ses intelligences secrètes avec les restaurateurs de l'ordre social !

Un législateur de l'antiquité, célèbre par sa sagesse, Solon, étant parvenu à rétablir la tranquillité dans son pays, mit la paix publique et la réconciliation sous la garantie et la sauvegarde du ciel. C'est là, milord, l'exemple que je recommandais au roi de France.

J'interpelle votre témoignage, d'autant plus important qu'il a pour garantie votre gloire et votre caractère. Les maux étaient grands, il ne fallait pas se tromper dans le choix des remèdes. Notre existence sociale et notre bien-être en dépendaient; mais ma voix fut étouffée par celle des passions. Les conseils de la modération furent interprétés comme autant de piéges, et les insensés calomnièrent mon ministère sous la république, sous Napoléon et sous Louis XVIII.

Je ne voudrais pas ennuyer le public du récit d'une longue et pénible administration, si elle ne tenait pas étroitement à des fins dont la vérité mérite d'être connue. Je les rapporterai avec ordre, et les présenterai dans leur clarté, car plusieurs ont été mal interprétés, et d'autres sont restés entièrement inconnus. J'indiquerai les véritables causes de tant d'événemens passés sous nos yeux; je découvrirai les ressorts les plus secrets des passions qui les ont amenés; je répandrai la clarté sur les révolutions successives qui changèrent une vieille monarchie en

république, et la république en un empire; dont on fit enfin le royaume des Bourbons.

Tandis que je m'occupe de cet important travail, je sens le besoin de croire qu'en fournissant de tels matériaux à l'histoire, je donne un nouveau témoignage de mon amour pour la pa-. trie; mais, milord, le temps s'écoule, et je ne sais si les choses ne seront pas changées avant que mes mémoires aient vu le jour.

En attendant, je tâcherai de satisfaire aux désirs de ceux qui voudraient avoir des éclaircissemens sur des circonstances qui me sont personnelles, et qu'on a tant défigurées. Personne ne peut mieux rendre justice à mes principes et à mes intentions que Votre Grâce. Depuis le 19 juin, jour où j'eus, pour la première fois, l'honneur de correspondre avec vous, jusqu'au moment où j'ai quitté la France, toute ma conduite est ouverte devant vos yeux. Je sais, milord, que vous m'avez toujours rendu la justice que j'invoque, voilà ce qui me détermine à vous adresser le compte de ma conduite, afin que vous puissiez trouver de nouvelles armes pour me défendre. Je ne crains pas de vous donner de nouveaux droits à ma reconnaissance, parce que je sens que mon cœur peut y satisfaire.

Les circonstances sur lesquelles on demande dés explications, sont: 1°. le retour du Roi;

2o. mon acceptation du ministère de la police; 3o. l'ordonnance du 24 juillet; 4°. ma mission à Dresde; 5o. les causes qui m'ont empêché d'entrer dans la Chambre des députés.

J'étais président du gouvernement français lorsque les alliés avancèrent sur Paris; Napoléon avait abdiqué, mais se trouvait encore au palais de l'Elysée, et voulait se mettre comme général à la tête de l'armée française. Cette offre ne put être acceptée. Onze cent mille baïonnettes étrangères s'avançaient sur notre territoire, et nous n'avions pas cent mille hommes. sous les armes. Ainsi la retraite fut conclue, et Napoléon invité à quitter Malmaison où il s'était retiré, et à s'embarquer pour les Etats-Unis. Il a pu, à cet égard, mal interpréter mes sollicitations pressantes, car dans l'infortune l'âme s'ouvre facilement au soupçon; mais je suis assuré de ne mériter aucun reproche. Je ne l'avais pas servi comme les autres courtisans; je ne suivis pas leur exemple en l'abandonnant lorsque la fortune lui fut contraire. Personne plus que moi n'admirait la puissance de son génie, mais aussi personne mieux que moi n'était persuadé que sa présence jetterait la France dans les plus grands malheurs; c'est pourquoi je le conjurai de quitter le continent. L'armée française se ressouyenant de sa gloire ne comptait

pas ses ennemis : elle brûlait de les combattre. Milord, vous connaissez la valeur des soldats français; vous avez su apprécier leur résignation, lorsqu'avec les regrets les plus amers ils se déterminèrent à une retraite affligeante. Dans la crise épouvantable où nous nous trouvions, il était difficile de prendre un parti sans faire naître de soupçons. En France, l'opinion était bien partagée, relativement au choix du monarque qui devait succéder à Napoléon. On craignait que l'arrivée des Bourbons n'amenât des réactions et des vengeances; on ne pouvait se persuader qu'une dynastie qui avait tant souffert pendant la révolution, pût pardonner de bon cœur. Les maux qu'on craignait pouvaient n'être qu'imaginaires; mais ce sont ceux-là qui sont le plus à redouter, parce que l'imagination n'a pas de bornes.

Tons ceux qui depuis vingt-huit ans ont parcouru la carrière civile ou militaire, et qui ont acquis de la considération, de la fortune et de la gloire, ne pouvaient voir le retour des Bourbons sans éprouver des inquiétudes trop fondées. Les uns voulaient un prince étranger qui n'eût point d'intérêt à renverser ce qui existait; d'autres se déclaraient pour la régence; mais une raison au nom de l'impératrice et de son fils rappelait trop le souvenir de Napoléon.

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