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PROTESTATIONS DES CATHOLIQUES.

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Aux yeux de plusieurs, les articles de Londres euxmêmes étaient violés par les agissements du souverain. Ces articles ne prescrivaient-ils pas que la constitution hollandaise devait, pour régir le royaume, être « modifiée d'un commun accord »?

«< Or, faisait remarquer l'évêque de Gand, ce commun accord n'a pas eu lieu, les Belges ayant rejeté la nouvelle Loi fondamentale à une grande majorité. Mais, quelque ait pu être, d'ailleurs, l'objet direct de ce commun accord dans l'intention de Vos Majestés, il n'en est pas moins incontestable que la première, la plus essentielle des conditions de la réunion n'a pas été exécutée (1). »

Une nouvelle série de brochures ne tarda pas à attaquer la politique royale (2). L'une d'elles allait jusqu'à comparer l'injustice commise envers les Belges, en leur imposant une loi dont ils ne voulaient pas, à celle dont se rendrait coupable le prince qui imposerait, malgré sa constitution, l'absolutisme à la libre nation anglaise (3). C'était, du reste, à cette même nation anglaise, considérée comme la gardienne de la liberté en Europe, qu'antérieurement au vote des notables une autre brochure avait adressé un éloquent appel (4).

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(1) Réclamation respectueuse adressée par S. A. le prince M. de Broglie à LL. MM. les empereurs d'Autriche et de Russie et à S. M. le roi de Prusse, p. 57.

(2) Epitre au bon sens par un Tournaisien; Tournai, 3 novembre 1815, in-12°, 12 pp. — Courtes dissertations sur quelques intérêts religieux, politiques, sociaux et individuels et examen de la garantie qu'on peut attendre à leur égard du projet de Loi fondamentale rejeté par les Belges, s. 1., 1816, in-8°, 166 pp. (3) Qu'en pensez-vous? par G. P. B., s. 1. n. d., in-12°, 16 pp. (4) Adresse du peuple belge à la nation anglaise, par le chevalier PANGAERTVAN DER STEGEN DE PUTTE; Bruxelles, 12 août 1815 (RAEPSAET, 0. c., pp. 211217).

A cette opposition politique allait se joindre une opposition religieuse. La nouvelle constitution exigeait des membres des Etats Généraux, nouvellement nommés par le Roi, un serment ainsi conçu :

« Je jure d'observer et de maintenir la Loi fondamentale du royaume, et qu'en aucune occasion ou sous aucun prétexte quelconque, je ne m'en écarterai ni ne consentirai à ce qu'on s'en écarte (1). »

Un serment analogue était exigé des ministres, des conseillers d'Etat et des membres des Etats provinciaux (2)..

Cette obligation inquiétait les catholiques. Pouvaientils prêter ce serment de fidélité à une constitution qui proclamait des principes condamnés par les évêques, notamment ceux de l'égalité des religions et de la protection de tous les cultes?

Déjà les Belges voyaient leurs provinces envahies par des fonctionnaires protestants et hollandais, même par des ministres réformés, qui, au grand scandale des populations, s'y installaient avec femmes et enfants, et ils exprimaient hautement la crainte de voir bientôt le pays contaminé par les plus funestes erreurs (3).

(1) Art. 84 et 88.

(2) Art. 76 et 137, § 3.

(3) Voici comment s'exprimait un catholique des plus influents, le comte Paul van der Vrecken: « Il giuramento prescritto dalla Costituzione a molti impiegati portando di maintenir et faire maintenir la Loi fondamentale ou constitution sans s'en écarter sous aucun prétexte, ni en aucune manière, è naturalissimo che tutti i buoni Cattolici vi si ricusano fin' tanto che la Santa Sede abbia deciso diversamente, ciò che mi pare difficile atteso che l'indifferenza (e qui si tratta di più, cioè della protezzione) di tutte le religioni preconizzata e stabilita della Legge fondamentale è gia stata condannata da Pio VII nell' Istruzzione ai Vescovi della Marca. — Questa circos

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Aussi, de toutes parts, les évêques étaient-ils consultés sur la conduite à suivre.

* * *

C'est en réponse à ces demandes, de plus en plus pressantes, que, dans les premiers jours de septembre 1815, les évêques et vicaires capitulaires de la Belgique publièrent le fameux Jugement doctrinal sur le serment prescrit par la nouvelle constitution.

« C'est, déclaraient-ils, pour remplir un des devoirs les plus essentiels de l'épiscopat, pour nous acquitter envers les peuples sur lesquels le Saint-Esprit nous a établis évêques pour gouverner l'Eglise de Dieu, de l'obligation qui nous a été strictement imposée par l'Eglise, que nous avons jugé nécessaire de déclarer qu'aucun de nos diocésains respectifs ne peut, sans trahir les plus chers intérêts de sa religion, sans se rendre coupable d'un grand crime, prêter les différens sermens prescrits par la Constitution, par lesquels on s'engage à observer et à maintenir la nouvelle Loi fondamentale ou à concourir au maintien et à l'observation de la dite loi. >>

Voici en quels termes les évêques signalaient à leurs ouailles les diverses dispositions constitutionnelles tombant sous leur censure:

« ART. 190 et 191. - Jurer de maintenir la liberté des opinions religieuses et la protection égale accordée à tous les

tanza è ancora favorevolissima ai Protestanti Olandesi, i quali vengono a centinaia per occupare tutti gli empieghi nel Brabante. Figuratevi la rabbia de' Belgi, che non hanno mai tollerato fra loro i settarii nel vedere i Ministri Protestanti colle loro mogli e figli impadronirsi delle nostre Chiese per farvi li loro funzioni. Alcuni Signori Belgi hanno scritte delle lettere fortissime al Re e le hanno pure pubblicate, ma inutilmente. In somma la schiavitù della nostra Religione pare decisa e le belle nostre provincie, in cui ha sempre fiorito la Religione cattolica, sarano fra poco la residenza di tutti gli errori. » A M" Mazio, le 2 septembre 1815. RS, tit. IX, n° 256; PAESI-BASSI, Vice superiore delle missioni di Olanda, 1816.

cultes, qu'est-ce autre chose que de jurer de maintenir, de protéger l'erreur comme la vérité; de favoriser le progrès des doctrines anticatholiques; de semer, autant qu'il est en son pouvoir, dans le champ du père de famille, l'ivraie et le poison qui doivent infecter la génération présente et les générations futures; de contribuer ainsi, on ne peut plus efficacement, à éteindre peu à peu dans ces belles contrées le flambeau de la vraie foi?.....

ART. 192. Jurer de maintenir l'observation d'une loi qui rend tous les sujets du Roi, de quelque croyance religieuse qu'ils soient, habiles à posséder toutes les dignités et emplois quelconques, ce serait justifier d'avance et sanctionner les mesures qui pourront être prises pour confier les intérêts de notre sainte Religion dans ces provinces, si éminemment catholiques, à des fonctionnaires protestans...

ART. 193. — Jurer d'observer et de maintenir une loi qui met dans les mains du Gouvernement le pouvoir de faire cesser l'exercice du culte catholique, lorsqu'il aura été une occasion de trouble, n'est-ce pas faire dépendre à l'avenir, autant qu'il est en soi, l'exercice de notre sainte Religion de la volonté de ses ennemis et de la malice des méchans?... ART. 196. Jurer d'observer et de maintenir une loi qui suppose que l'Eglise catholique est soumise à toutes les lois de l'Etat et qui donne au souverain le droit d'obliger le clergé et les fidèles à obéir à toutes les lois de l'Etat, de quelque nature qu'elles soient, c'est s'exposer manifestement à coopérer à l'asservissement de l'Eglise catholique... C'est, au fond, soumettre, suivant l'expression de notre SaintPère le Pape, la puissance spirituelle aux caprices de la puissance séculière. (Bulles du 10 juin 1809.)

ART. 226. - Jurer d'observer et de maintenir une loi qui attribue au souverain, et à un souverain qui ne professe pas notre sainte Religion, le droit de régler l'instruction publique, les écoles supérieures, moyennes et inférieures, c'est lui livrer à discrétion l'enseignement public dans toutes ses

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branches, c'est trahir honteusement les plus chers intérêts de l'Eglise catholique. En effet, au moyen d'une loi conçue en termes aussi généraux, jusqu'où ne doivent pas s'étendre les droits du monarque à ce sujet? et quel évêque ne craindra pas avec fondement, d'après le texte de la loi, l'invasion de ses droits sacrés sur l'enseignement dans son diocèse et spécialement sur ces hautes et moyennes écoles destinées à recevoir et à former le cœur et l'esprit des élèves du Sanc

tuaire?...

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ART. 145. Jurer d'observer et de maintenir une loi qui autorise les Etats provinciaux à exécuter les lois relatives à la protection des différens cultes, à leur exercice extérieur, à l'instruction publique, n'est-ce pas confier les plus grands intérêts de la Religion à des laïques qui n'ont et ne peuvent avoir aux yeux de l'Eglise catholique aucune qualité, soit pour reconnaître la justice ou l'injustice des lois de ce genre,... soit pour en diriger l'application, soit pour en ordonner l'exécution?...

ART. 2 addit. —- Jurer de regarder comme obligatoires jusqu'à ce qu'il y soit autrement pourvu et de maintenir toutes les lois qui sont maintenant en vigueur, ce serait coopérer évidemment à l'exécution éventuelle de plusieurs lois anticatholiques et manifestement injustes que renferment les Codes civil et pénal de l'ancien gouvernement français....

Il est encore d'autres articles qu'un véritable enfant de l'Eglise ne peut s'engager par serment à observer et à maintenir;... tel est, en particulier, le 227e, qui autorise la liberté de la presse et ouvre la porte à une infinité de désordres, à un déluge d'écrits antichrétiens et anticatholiques (1). >>

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(1) Jugement doctrinal des Evêques du royaume des Pays-Bas sur le serment prescrit par la nouvelle Constitution. Onderwijzende uytsprack der Bisschoppen... nopens den eed... (s. I. n. d., in-8°, 27 pp.). Ce document a été publié également dans divers recueils, notamment dans la Collectio epistolarum pastoralium... dioecesis Mechliniensis, t. I, pp. 353-358.

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