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LA CIRCULAIRE DU 7 MARS 1814.

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entraves mises à l'exercice de la religion catholique, apostolique et romaine, le Gouvernement, conformément aux intentions de leurs hautes puissances alliées, maintiendra inviolablement la puissance spirituelle et la puissance civile dans leurs bornes respectives, ainsi qu'elles sont fixées par les lois canoniques de l'Eglise et les anciennes lois constitutionnelles du pays.

En conséquence, les affaires ecclésiastiques resteront en main des autorités spirituelles, qui soigneront et surveilleront en tout les intérêts de l'Eglise. C'est donc aux autorités ecclésiastiques que l'on devra s'adresser pour tout ce qui concerne la religion.

En transmettant cette résolution à votre clergé, vous pouvez, Messieurs, lui assurer la protection spéciale du Gouvernement » (1).

Comme on le conçoit, cette circulaire, qui paraissait rétablir l'ancien régime en matière ecclésiastique, eut un retentissement immense dans tout le pays (2). Les idées qui animaient le clergé s'accentuèrent encore davantage.

* *

Ces illusions et ces espoirs dans le retour des beaux jours du règne de Marie-Thérèse, illusions qui ne firent que grandir lorsque la nomination du lieutenant général autrichien baron de Vincent, en qualité de gouverneur général, eut fait croire à beaucoup de gens le retour certain de la Belgique à la maison

(1) Circulaire du gouverneur civil de Belgique aux évêques, concernant les biens de l'Eglise, 7 mars 1814. Journal officiel, t. I, no ví, p. 61; Pasinomie, 2 s., t. I. p. 53.

(2) COMTE DE MERODE WESTERLOO, Souvenirs, t. I, p. 333. BruxellesParis, 1864.

d'Autriche (1), devaient avoir les plus funestes conséquences.

Les hautes puissances alliées eussent pourtant dû se rendre compte du danger qu'il y avait à faire naître et à encourager ces idées, alors que, dans leurs plans, le sort de la Belgique était déjà fixé.

D'après le traité secret signé à Chaumont, le 1er mars 1814, la réunion de la Belgique à la Hollande, en un Etat indépendant, avait été décidée, sur la proposition de l'Angleterre (2).

Mais cette stipulation était restée secrète et le champ restait libre en Belgique aux intrigues des partisans de l'union avec la Hollande, comme à celles des partisans de la restauration autrichienne.

La fidélité des conservateurs aux principes de l'ancien régime avait eu pour résultat de rallier à l'idée de réunion à la Hollande les libéraux et tous les partisans, peu nombreux il est vrai, des idées modernes.

Pour cette minorité de Belges, ce projet n'avait, du reste, rien de nouveau. Dès 1790, une partie des Vonckistes, à laquelle le journal La République belge avait 'servi d'organe, préconisait l'union des deux pays (3) et, à en croire les rapports des préfets impériaux, cette combinaison avait conservé des partisans dans les départements annexés (4).

Les défenseurs de la réunion avaient, dès le départ des Français, inondé nos provinces de brochures dans

(1) COMTE DE MERODE WESTERLOO, 0. c., t. I, p. 334.

(2) POULLET, 0.c., p. 14.

(3) COREMANS, o. c., p. 14. (4) POULLET, l. c.

LA RÉUNION A LA HOLLANDE.

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lesquelles ils avaient eu beau jeu de montrer l'impos sibilité d'un retour complet aux anciennes institutions et aux anciens usages et dans lesquelles ils exaltaient les avantages moraux et matériels que les Belges retireraient d'une union avec la Hollande, sous le gouvernement éclairé des princes de la maison d'Orange (1).

Malheureusement, les moyens employés par la propagande orangiste n'étaient pas toujours adroits. En heurtant les sentiments religieux des populations, loin de faire des prosélytes, ils affermissaient les catholiques dans la pensée que, seul, le rétablissement de l'ancien régime offrait des garanties efficaces aux droits et aux libertés de l'Eglise (2).

* * *

Le 30 mai 1814, l'article 6 du traité de Paris venait stipuler que « La Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d'Orange, recevra un accroissement de territoire (3). » Dans l'intention des alliés, cet accroissement de territoire devait comporter la plus grande partie de la Belgique et, le 20 juin 1814, une conférence réunie à Londres fixait, dans un arrangement qui devait être tenu secret, les conditions de la réunion

(1) La principale de ces brochures, intitulée : La réunion de la Belgique à la Hollande serait-elle avantageuse ou désavantageuse à la Belgique? par A. B. C. (J.-J. VAN BOECKHOUT), (Bruxelles, Weissenbruch [1814], in-12, 83 pp.), souleva une polémique violente et fut combattue par plusieurs écrivains catholiques. (Voyez DELPLACE, La Belgique sous Guillaume I, Louvain, Istas, 1899. Appendice bibliographique.)

(2) POULLET, o. c., p. 19.

(3) 30 mai 1814. Traité de paix entre la France et les puissances alliées. Journal officiel, t. II, n° Lv1, p. 344; Pasinomie, 2° s., t. I, p. 143.

des deux pays, sous forme de huit articles, dont les deux principaux stipulaient :

« ART. 1er. Cette réunion devra être intime et complète, de façon que les deux pays ne forment qu'un seul et même État, régi par la constitution déjà établie en Hollande et qui sera modifiée d'un commun accord d'après les nouvelles circonstances.

ART. 2. Il ne sera rien innové aux articles de cette constitution qui assurent à tous les cultes une protection et une faveur égales et garantissent l'admission de tous les citoyens, quelle que soit leur croyance religieuse, aux emplois et offices publics. »

Le prince d'Orange, déjà souverain, depuis la fin de 1813, des anciennes Provinces-Unies, accepta, le 21 juillet, le traité secret de Londres et fut immédiatement nommé gouverneur général de la Belgique au nom des puissances alliées (1); mais il se garda bien, dans la proclamation qu'il adressa aux Belges, le 1er août 1814, en prenant les rênes du gouvernement (2), de leur faire connaître les conditions de ce traité, qui devait mettre obstacle à la réalisation des espérances permises à la grande majorité des Belges par la politique des puis

sances.

La nomination du prince d'Orange comme gouverneur général causa un vif désappointement en Belgique.

(1) 21 juillet 1814. Acceptation de la souveraineté des provinces de la Belgique, par S. A. R. le prince souverain des Pays-Bas unis (non inséré au Journal officiel). Pasinomie, 2° s., t. I, p. 199.

(2) 1er août 1814. Proclamation du prince souverain des Provinces-Unies. Journal officiel, t. II, n° LXX, p. 480; Pasinomie, 2° s., t. I, p. 205.

INQUIÉTUDES DES CATHoliques.

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Ce n'était pas sans appréhension que les Belges voyaient s'établir, pour la première fois, dans leurs provinces, le gouvernement d'un prince non catholique, et beaucoup prévoyaient déjà, malgré leur ignorance des stipulations du traité de Londres, que celui qui allait les gouverner au nom des puissances alliées conserverait le pouvoir après l'établissement du régime définitif sur lequel le Congrès de Vienne délibérait en ce moment.

Beaucoup y voyaient les plus sinistres présages pour la religion Comment maintenir la paix et la concorde entre des sujets de religions différentes? Les Belges n'avaient-ils pas droit à un gouvernement assorti à leur religion, à leurs besoins et à leurs inclinations (1)?

Si l'on ne pouvait obtenir des puissances un souverain catholique et si l'on devait se résigner à passer sous le sceptre du même souverain que la Hollande, au moins fallait-il entourer cette union de toutes les garanties requises par les droits et la liberté de la religion (2).

Ces garanties, les vicaires généraux du diocèse de Gand les indiquaient au Congrès de Vienne dans le mémoire qu'ils lui adressèrent, le 8 octobre 1814, en même temps qu'ils exprimaient les voeux et les revendications du clergé belge, tels que les lui avaient inspirés

(1) Protestation d'un catholique belge contre le projet de réunion à la Hollande. M, VICARIAT DE FORGEUR ET HULEU, Documents relatifs à la Loi fondamentale.

(2) Réflexions d'un Belge catholique romain sur les précautions à prendre au cas que, par le prochain traité de paix, les Pays-Bas ci-devant Autrichiens vinssent à échoir au souverain de la Hollande. Sur feuille volante. Malines, V Van der Elst [1814].

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