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les promesses du Gouvernement provisoire et des puissances alliées :

<< Depuis l'établissement de la religion prétendue réformée en divers pays de l'Europe, déclaraient les vicaires généraux, on ne connaît aucun peuple qui, devant être gouverné par un prince d'une religion différente de la sienne, n'ait pris auparavant toutes les précautions possibles pour mettre l'exercice libre de son culte, tous les droits et privilèges qui y étaient attachés hors de toute atteinte de la part du souverain. »

A titre d'exemples historiques, les vicaires généraux citaient l'acte d'assurance qu'avait dû signer l'électeur de Saxe, Frédéric-Auguste, le 25 juillet 1697, avant de se convertir au catholicisme pour devenir roi de Pologne, et les actes du même genre signés en faveur des protestants du Wurtemberg, par le duc CharlesAlexandre, en 1733, et de Hesse-Cassel, par le landgrave Frédéric II, en 1754.

« Les habitans de la Belgique pourraient-ils être moins empressés à obtenir par une transaction publique les mêmes avantages en faveur de leur sainte religion d'un prince protestant, appelé à les gouverner non par les droits de la naissance, mais par suite d'une convention à laquelle ils sont absolument étrangers? »

D'autant plus que la religion catholique avait été constamment et authentiquement approuvée de tout temps et que son exercice exclusif avait toujours été assuré par les traités les plus solennels. L'intérêt du prince devait donc le porter à donner satisfaction sur ce point aux Belges, très attachés à leur religion et très jaloux de ses droits et de sa liberté, comme

DESIDERATA DU CLERGÉ.

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ils l'ont prouvé par leur révolte contre Joseph II. Tel est enfin, disaient les vicaires généraux, l'intérêt de l'Europe:

« I importe infiniment au succès du nouveau système politique que la Belgique soit aussi tranquille, aussi heureuse qu'elle peut l'être, et que par conséquent, on ne laisse point germer dans l'esprit de ses habitants des semences de défiance, de division et de troubles, dont il serait un jour extrêmement difficile d'arrêter le funeste développement, si l'on ne pourvoit d'avance à la stabilité inaltérable de l'état de la religion tel qu'il existait autrefois! Il entrerait donc dans le plan d'une saine politique de rétablir dans ces provinces les anciennes constitutions dont une si longue expérience a prouvé les merveilleux effets, telles qu'elles furent garanties dans le traité de La Haye du 10 décembre 1790 par Leurs Majestés Britannique et Prussienne et les Etats Généraux des Provinces-Unies. >>

Au moins, ajoutaient-ils, il faudrait un acte rationnel d'assurance du maintien de l'ancien état de religion avec tous ses droits et prérogatives, inscrit dans un pacte inaugural, renouvelé par chaque prince à son avènement, et les puissances assemblées dans le Congrès de Vienne étaient priées de stipuler, dans le traité définitif de cession des provinces belgiques au prince d'Orange, les articles suivants de garantie en faveur de la religion catholique :

I. Tous les articles des anciens pactes inauguraux, constitutions, chartes, jurés par les anciens souverains relativement à la religion et ses droits, seront main

tenus.

II. Le décret du 7 mars 1814 sera adopté comme loi fondamentale; les affaires ecclésiastiques resteront aux

mains des autorités spirituelles, sauf à recourir dans les matières mixtes au conseil d'Etat.

III. Ce conseil d'Etat sera composé de catholiques; il serait à désirer qu'il comptât au moins deux évêques parmi ses membres.

IV. Le libre recours du clergé et des fidèles au SaintSiège sera permis et facilité par le rétablissement de la nonciature de Bruxelles.

V. On conclura un concordat relativement au mode de nomination aux évêchés, à la circonscription des diocèses, à la collation des dignités et bénéfices.

Il serait convenable d'établir par ce concordat que, lors de la vacance d'un siège épiscopal, le métropolitain et les évêques cosuffragants de celui que l'on doit remplacer, unis au chapitre de l'Eglise vacante, élisent trois sujets, qui seront présentés au choix du souverain par l'intermédiaire du conseil d'Etat.

VI. La dotation du clergé sera fixée d'une manière irrévocable et indépendante du pouvoir civil. L'on pourrait, à cet effet, rétablir la dîme, que le Gouvernement grèverait d'un cinquième à son profit, ce qui constituerait pour lui un avantage financier, tout comme l'économie résultant de la suppression du budget des cultes.

VII. L'université de Louvain sera rétablie. S. M. l'Empereur d'Autriche sera suppliée de donner mainlevée des fonds que la dite université possède sur la Banque de Vienne.

VIII. Les corporations religieuses seront libres. Le meilleur moyen d'assurer à la jeunesse une éducation

DESIDERATA DU CLERGÉ.

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pieuse et savante serait le rétablissement des Jésuites (I). Ces desiderata, partagés par tout le clergé belge (2), cadraient mal avec les stipulations du traité secret de Londres et semblaient présager de graves difficultés au futur souverain.

(1) A leurs hautes puissances assemblées dans le Congrès de Vienne. Gand, le 8 octobre 1814, en l'absence de l'évêque de Gand, malade, J. Le Surre, vicaire général; F.-A. Martens, vicaire général; A.-C. Goethals, vicaire général. RS, tit. IX, n° 256; PAESI-BASSI, Concordato. Ce document fut imprimé sous le titre de Mémoire adressé, le 8 octobre 1814, aux Hautes Puissances assemblées dans le Congrès de Vienne, par MM. les vicaires généraux du diocèse de Gand, dans l'absence et suivant l'intention expresse de Mgr le Prince de Broglie, évêque de Gand. Gand, Poelman, 1814, in-8°, 20 pp. Ce mémoire fut attribué à l'influence des Jésuites par M. Defacqz, grand-maître de la Franc-Maçonnerie, Lettre. . . à M. Nothomb, 1845. (DELPLACE, 0. c., appendice bibliographique, no 11.)

(2) Les demandes formulées par le clergé du diocèse de Malines ne différaient pas sensiblement de celles des vicaires généraux de Gand, à preuve les Observations suivantes :

« I. Il serait à désirer que la religion catholique fût la dominante dans la Belgique, comme ci-devant; si cela ne peut s'obtenir, on insistera pour qu'on la déclare au moins la religion d'Etat, avec toute liberté nécessaire à cet effet.

» II. Qu'on rende aux évêques et autorités ecclésiastiques tous les droits, immunitės, etc., dont ils jouissaient avant la révolution.

» III. Il nous paraît qu'il faudrait demander que, quand un siège vient à vaquer, le chapitre ait le droit de désigner trois personnes, desquelles une sera désignée pour occuper le siège vacant.

» IV. Il faudra insister pour que le sort du clergé soit amélioré et que le traitement de chaque membre soit non seulement honnête, mais assuré et permanent par le rétablissement des dîmes ou quelque autre moyen convenable.

» V. Le rétablissement d'une université catholique convenablement dotée est absolument nécessaire pour la Belgique, d'autant plus qu'il en existe déjà trois ou quatre en Hollande pour les protestants.

» VI. Il est désirable que les humanitės soient enseignées par des religieux ou des ecclésiastiques plutôt que par des séculiers,qui ne sont ordinairement que des mercenaires.

» VII. Qu'on admette les Jésuites dans toute la Belgique et qu'on permette aux autres religieux et religieuses de se rétablir en suivant les instructions que le Saint-Père promet de donner à cet égard.

» Fait à Malines, le 17 septembre 1814. »

M, VICARIAT DE FORGEUR ET DE HULEU, Documents relatifs à la Loi fondamentale.

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Jamais, peut-être, aucun prince n'avait été chargé d'une mission plus délicate que celle confiée par les puissances à Guillaume Ier.

Intérêts économiques, situation commerciale et industrielle, charges et ressources financières, organisation et traditions politiques, langues, mœurs, religion paraissaient non seulement opposés, mais même inconciliables entre les deux pays.

Forcément, l'amalgame, la réunion intime et complète, que prescrivaient les articles de Londres, ne pourrait se faire qu'en sacrifiant l'une des nationalités à l'autre.

L'œuvre du Congrès de Vienne portait, dès sa naissance, le germe destructeur qui devait causer sa perte!

Ce fut seulement le 14 février 1815 que les alliés réglèrent définitivement les questions relatives aux Pays-Bas. En dehors des provinces que le prince d'Orange administrait déjà depuis plus de six mois, en qualité de gouverneur général, les puissances réunirent à la Hollande les anciens territoires belges et liégeois situés sur la rive droite de la Meuse. Le Luxembourg, érigé en grand-duché, était appelé à faire partie intégrante de la Confédération germanique, tout en étant confié au sceptre des Nassau.

Un mois après, le 16 mars, le prince souverain prenait le titre de roi des Pays-Bas (1).

(1) Proclamation du 16 mars 1815. Journal officiel, 1815, n° 1, p. 3; Pasinomie, 2 s., t. II, p. 5.

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