Page images
PDF
EPUB

toujours fidèle à sa religion (1). Il avait donc pu se persuader que le seul moyen de se faire accepter par ses nouveaux sujets était de s'attacher, par des mesures favorables, l'Eglise catholique, ses fidèles et ses ministres.

Il se hâta de ramener la paix à l'intérieur, en écartant définitivement, au moyen de pensions, les évêques intrus établis par Napoléon à Malines (2), à Liége et à Bois-le-Duc (3), et, dans le but de faire croire à son désir d'établir des rapports amicaux avec le chef suprême de l'Eglise, il accrédita, dès le 2 septembre 1814, un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès de la cour de Rome (4).

Cet envoyé d'un prince protestant fut accueilli avec la plus grande cordialité par le Pape (5) et cette nomination causa le meilleur effet en Belgique (6).

(1) M Ciamberlani au cardinal Pacca, Amsterdam, 1° octobre 1814. RS, tit. IX. n° 256, PAESI-BASSI, Vice-superiore delle missioni di Olanda, 1814. (2) Le Gouvernement provisoire de 1814 avait déjà refusé de reconnaître de Pradt en qualité d'archevêque de Malines et lui avait supprimé son traitement.-Lettre du gouverneur général à l'intendant des Deux-Nèthes, publiée sans date par COREMANS (0. c., p. 83).

(3) M de Pradt, ne pouvant obtenir le placet gouvernemental à ses bulles d'institution canonique, donna librement sa démission d'archevêque, entre les mains du Souverain Pontife, et se retira dans ses terres d'Auvergne, moyennant une pension de 6,000 florins servie par le gouvernement des Pays-Bas. De même, l'abbé Lejeas, pourvu d'une pension de 6,000 francs, se retira à Bruxelles, où il mourut en 1827. Van Camp, l'évêque impérial de Bois-le-Duc, fut également pensionné par le roi Guillaume et mourut à Anvers en 1824.

(4) Lettres de créance pour M. Reinhold, données à Bruxelles le 2 septembre 1814. Copie. L, Recueil de Jonghe, t. I, p. 418.

(5) Le pape Pie VII à S. A. le prince souverain des Pays-Bas unis. Rome, près Sainte-Marie Majeure, le 21 novembre 1814. Copie. L, ibidem, t. 1, p. 427.

(6) Le vicaire général Lesurre à M" Mazio, Gand, 4 mars 1815. BA, Correspondance de Mor Mazio, carton II.

ARRÊTÉS SUR LES MARIAGES.

47

Les premières mesures législatives de Guillaume. constituèrent aussi des avances significatives aux catholiques et au clergé.

Par arrêté du 1er octobre 1814, « considérant, que, par un effet des principes révolutionnaires que la réunion de la Belgique avec la France y a propagés et au mépris des lois divines, ecclésiastiques et civiles, on y néglige l'observance des dimanches et fêtes d'une manière frappante, » le prince souverain interdisait tout travail, toute vente, dans des lieux publics ou à portes ouvertes, les dimanches et jours fériés. Tous les débits de boissons devaient être fermés pendant la durée des offices paroissiaux et aucun divertissement public ne pouvait avoir lieu pendant les dits offices (1).

Un arrêté du 21 octobre 1814, tout en maintenant les lois existantes sur l'état civil, prescrivit, comme condition préalable au mariage des catholiques, l'exhibition d'un certificat de leur curé, constatant qu'il n'existait aucun empêchement canonique à l'union des futurs époux (2).

Le 4 novembre, l'invocation expresse de la Divinité était rétablie, comme sous l'ancien régime, dans le serment judiciaire (3).

Enfin, par l'arrêté du 7 mars 1815, interprétatif de celui du 21 octobre précédent, le prince souverain abrogeait toutes les dispositions qui exigeaient que le mariage

(1) Journal officiel, t. 3, n° XCIV, p. 205; Pasinomie, 2 s., t. I, p. 287. Cet arrêté fut interprété par un nouvel arrêté du 30 novembre suivant, non inséré au Journal officiel; Pasinomie, 2 s., t. I, p. 382.

(2) Journal officiel, t. 3, n° XCVIII, p. 281; Pasinomie, 2° s., t. I, p. 299. (3) Journal officiel, t. 3, n° CIV, p. 475; Pasinomie, 2° s., t. I, p. 346.

devant l'officier civil fût préalable « à la bénédiction nuptiale ou cérémonie religieuse du mariage ». Néanmoins, l'acte de mariage devant l'officier de l'état civil pouvait seul établir la légitimité des enfants, les droits entre les contractants comme époux et les autres effets civils du mariage (1).

Cette attitude était très politique. Une partie du clergé, influencée sans doute par l'évêque de Gand, prince de Broglie, Français de naissance, semblait tourner les yeux vers la France, où la Restauration venait de déclarer la religion catholique religion d'Etat (2), et cette disposition d'esprit était d'autant plus dangereuse qu'un grand nombre de militaires et de fonctionnaires civils rentrés à la chute de l'empire faisaient, dans des vues différentes, du prosélytisme en faveur des idées françaises (3).

La constitution d'un parti français en Belgique inspirait les plus vives craintes au nouveau Gouvernement, surtout après que Napoléon, revenu de l'île d'Elbe et installé aux Tuileries dès le 20 mars 1815, eût restauré l'empire, menace permanente pour nos provinces (4).

Ces craintes confirmèrent le prince souverain, devenu roi des Pays-Bas, dans sa politique envers les catholiques. Plus que jamais, il comprit la nécessité de s'attacher le clergé, auquel certains actes de ses ministres

(1) Journal officiel, t. 4, no CXXVII, p. 171; Pasinomie, 2a s., t. I, p. 478. (2) DELPLACE, La Belgique sous Guillaume I, p. 51; COLENBRANDER, De Belgische omwenteling, p. 129.

(3) Dépêche du chargé d'affaire d'Autriche du 1o décembre 1814. (POULLET, 0. C., p. 22.)

(4) La correspondance des agents diplomatiques accrédités à La Haye montre sur le vif toutes les inquiétudes du Gouvernement à ce sujet. (POULLET, 0. c., pp. 42 et ss.)

TRAITEMENTS DU CLERGÉ.

49

avaient pu faire entrevoir son intention de ne pas maintenir les principes énoncés dans la circulaire du 7 mars 1814 (1).. .

Il essaya de s'attacher les ecclésiastiques belges par l'intérêt, comme il l'avait tenté, sans succès du reste, à l'égard du clergé hollandais (2).

Déjà, par arrêté du 2 octobre 1814, un crédit extraordinaire de 200,000 francs avait été ouvert sur le trésor au commissaire général de l'intérieur pour secourir les ministres du culte catholique et une augmentation de traitement leur avait été promise pour l'année suivante (3). Cette promesse fut tenue et, le 5 mars 1815, les traitements du clergé catholique romain furent augmentés de 30 p. c., à dater du 1er janvier précédent (4).

Le 2 juin 1815, le roi décida encore, qu'indépendamment de cette augmentation de 30 p. c. accordée à tous les ecclésiastiques salariés par le Gouvernement, les desservants des succursales jouiraient, à partir du 1er janvier 1815, d'une nouvelle augmentation de traitement de 100 francs à la charge du trésor (5).

(1) Notamment la circulaire du 25 novembre 1814 du commissaire génėral de l'intérieur, duc d'Ursel, relative à l'administration des communes, qui déterminait provisoirement, entre autres, les obligations des communes à l'égard du culte catholique et de ses ministres. Pasinomie, 2 s., t. I, p. 361.

(2) L'article 138 de la Constitution hollandaise du 29 mars 1814 accordait des subsides à toutes les communions religieuses; mais la réserve pour le souverain du droit de surveiller la gestion de ces subsides, stipulée par l'article 139, et d'autres conditions posées par le Gouvernement n'avaient pas permis au clergé catholique d'accepter ces faveurs budgétaires. Une longue correspondance s'établit à ce sujet entre M Ciamberlani et le Saint-Siège. RS, tit. IX, no 256; PAESI-BASSI, Sussidj ai parocchi di Olanda, 1814-1816.

(3) Journal officiel, t. 3, no XCIV, p. 213; Pasinomie, 2° s., t. I, p. 289.
(4) Non inséré au Journal officiel; Pasinomie, 2° s., t. I, p, 478.
(5) Non inséré au Journal officiel; Pasinomie, 2° s.,

t. II, p. 205.

Cependant, plus encore que ces largesses, qui avaient, aux yeux du clergé, le tort d'être en contradiction avec le retour à l'ancien système proclamé par la circulaire du 7 mars, les promesses formulées dans la proclamation du 16 mars 1815 vinrent assurer au roi l'attachement des catholiques, dans la situation critique où l'invasion française allait mettre la jeune monarchie.

En ceignant la couronne royale, Guillaume s'efforçait, en ces termes, de rassurer ses sujets du Midi :

« Vous tous, compatriotes, qui habitez ce territoire, ouvrez vos cœurs à l'espoir et à la confiance. Les éléments du bonheur public se trouvent en vos propres mains! Dévoués à la patrie, unanimes et exempts de tout esprit de rivalité, vous serez assez forts pour écarter les dangers qui pourraient vous menacer. L'Europe contemple votre réunion avec intérêt et bienveillance. La Loi fondamentale, déjà obligatoire pour un grand nombre d'entre vous, subira bientôt les modifications qui doivent la mettre en harmonie avec les intérêts et les vœux de tous. C'est là que vous trouverez cette garantie de la religion à laquelle nous attachons tous le plus haut prix. Des institutions bienfaisantes favoriseront, sous la bénédiction divine, le développement de tous ies genres d'industrie et la renaissance de vos arts jadis si célèbres. Et si vos sentiments et vos efforts répondent à ceux que votre roi vous consacre aujourd'hui, de la manière la plus solennelle et la plus irrévocable, la splendeur qui vous attend, sera pendant plusieurs siècles l'héritage d'une reconnaissante postérité (1). »

Cette proclamation provoqua une grande joie chez les catholiques; le clergé y vit la certitude de retrou

(1) Proclamation du prince souverain, donnée à La Haye, le 16 mars 1815, portant déclaration que tous les pays réunis sous son gouvernement formeront le royaume des Pays-Bas. Journal officiel, 1815, n° I, p. 3; Pasinoinie, 2 s., t. II, p. 5.

« PreviousContinue »