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GUILLAUME Ier

ROI DES PAYS-BAS

ET L'ÉGLISE CATHOLIQUE

I.

II.

CHAPITRE I

Les catholiques belges et la formation

du royaume des Pays-Bas.

Le Gouvernement provisoire de 1814. Sentiments des Belges à l'égard du régime impérial; entrée des alliés en Belgique; constitution d'un Gouvernement provisoire; sa composition. - Idées professées par toutes les classes de la société belge. Le Gouvernement provisoire et le clergé; circulaire du 7 mars 1814. La réunion de la Belgique à la Hollande secrètement décidée par les puissances; les articles de Londres. Guillaume d'Orange nommé gouverneur général des provinces belges; inquiétudes des catholiques; garanties qu'ils réclament. Difficulté de la mission confiée à Guillaume d'Orange par les puissances; son caractère le rend inapte à la remplir; sa fausse conception de la religion catholique et du caractère belge.

- Première phase de la politique religieuse de Guillaume d'Orange. - Situation juridique, matérielle et morale de l'Eglise catholique aux Pays-Bas en 1814; les missions de Hollande; les évêchés belges; les évêques intrus: de Pradt à Malines; Lejeas à Liége; l'abbé de Saint-Médard à Tournai; La Brue de Saint-Bauzille à Gand. Nécessité d'un nouveau concordat ou d'une revision du concordat de 1801.- Mesures prises par le prince d'Orange pour se concilier le clergé et les catholiques: composition du Gouvernement; mesures législatives sur le repos dominical et sur la célébration des mariages; augmentation des traitements du clergé. - Proclamation du 16 mars 1815. - Les Belges se groupent autour de la dynastie pour résister à Napoléon; heureux effets de la victoire de Waterloo.

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III. L'expulsion de M" Ciamberlani. Les dissensions continuent dans le diocèse de Malines; mission de M" Ciamberlani en Belgique; son expulsion. - Le Gouvernement lui demande des lettres de créance.

- Le Saint-Siège y consent. Le Roi refuse de recevoir les lettres de créance qu'il avait lui-même demandées; correspondance échangée à ce sujet. - Mansuétude du Saint-Siège. Fâcheux effets de cet incident sur les destinées du royaume des Pays-Bas.

-

I

La nouvelle des revers des armées françaises en Allemagne, en octobre 1813, et de la marche victorieuse des alliés sur le Rhin avait été accueillie avec allégresse dans nos provinces et y avait réveillé des idées d'indépendance et de liberté.

Longtemps les sévérités de la censure et les brutalités de la police impériale avaient dompté l'opinion publique, mais nos populations étaient fatiguées des sacrifices d'hommes et d'argent que leur imposait l'étranger.

Les catholiques des provinces belges, où le concordat de 1801 lui-même avait eu quelque peine à se faire admettre, réprouvaient hautement les vexations dont l'empereur avait accablé le souverain pontife, détenu à Fontainebleau, et les évêques fidèles à leur premier pasteur.

D'autre part, les libéraux belges, les anciens Vonckistes de 1790, après avoir accueilli avec joie les innovations révolutionnaires, s'étaient rapidement dégoûtés des soi-disant bienfaits d'une liberté apportée par l'étranger et devenue bientôt la plus lourde des tyrannies.

Sauf chez ses fonctionnaires, presque tous Français de naissance et sans influence sur la population, l'em

LA LIBÉRATION DU TERRITOIRE.

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pire ne trouvait guère de partisans en Belgique. Aussi, dès que les alliés eurent passé nos frontières, furent-ils accueillis partout avec enthousiasme et avec reconnais

sance.

Tenue en respect par le canon d'Anvers et par le corps d'armée du général Maison, privée par vingt années de conscription de sa vaillante jeunesse, la Belgique n'avait pu, comme la Hollande, contribuer ellemême à secouer le joug impérial et c'était de l'étranger que lui était venue la délivrance.

Le 1er février 1814, les Prussiens, précédés de quelques cosaques, entraient à Bruxelles et le lendemain, les clefs de la ville étaient remises au comte de Winzingerode, commandant en chef de l'armée des alliés opérant en Belgique, dont le quartier général était à Liége.

Quelques jours plus tard, dans leur déclaration du 3 février, le duc régnant de Saxe-Weimar, commandant de l'armée réunie, russe, prussienne et saxonne, et le général prussien von Bülow invitaient les Belges à s'associer aux alliés et à devenir leurs propres libérateurs. « L'indépendance n'est plus douteuse, disaient-ils, mais allez la mériter par la conservation de l'ordre intérieur et par l'organisation de levées militaires qui combattront pour la liberté et pour l'honneur (1). »

Cette proclamation suscita le plus grand enthou

(1) Déclaration du duc de Saxe-Weimar, commandant de l'armée réunie russe, prussienne et saxonne dans le Brabant, et du général von Bülow, commandant le III corps prussien, au nom des puissances alliées aux habitants de la Belgique, 3 évrier 1814. Journal officiel, t. I, p. 4; Pasinomie, 2° s., t. I, p. 20.

siasme. Le 8 février, le duc de Saxe-Weimar, le prince d'Orange, le général von Bülow firent dans Bruxelles une entrée triomphale, qui devait leur laisser peu de doutes sur les sentiments de la population à l'égard du régime impérial (1).

Aussi, se rendant compte qu'il n'y avait aucun danger à laisser les Belges organiser leur indépendance, les commissaires des puissances alliées prirent-ils, le II février 1814, un arrêté organisant un Gouvernement provisoire national.

« Le Gouvernement provisoire, disait cet arrêté, sera organisé et constitué de la manière suivante :

Un gouverneur militaire et un gouverneur civil vont être désignés incessamment et formeront la plus haute instance au dernier ressort.

Il leur sera adjoint un composé :

conseil administratif qui sera

1o D'un secrétaire général pour la police de l'intérieur; un membre du clergé prendra soin de tous les objets de religion et se concertera avec le secrétaire général de l'intérieur sur les mesures qui y sont relatives;

2o D'un secrétaire général pour les finances;

3o D'un secrétaire général pour la justice ;...

4o D'un secrétaire général pour les armements à former dans ce pays.

Chaque secrétaire général devra faire son rapport sur les objets de son ressort, tant au conseil administratif réuni qu'aux deux gouverneurs.

Un comité, composé de plusieurs membres, sera donné à chacun des quatre secrétaires et on en choisira quelques

(1) COREMANS, Ephémérides belges de 1814, p. 7. Bruxelles, Hayez, 1847. (Extrait du Compte rendu de la Commission royale d'histoire, t, XII, p. 125.)

LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

uns parmi leur nombre qui feront partie du conseil administratif...

Le conseil administratif, une fois constitué, s'occupera de suite des arrangements nécessaires à l'organisation des différentes branches de l'administration » (1).

Le 15 février, cet arrêté recevait un commencement d'exécution et le Gouvernement provisoire entrait en fonctions (2). Le duc de Beaufort (3) était nommé gouverneur général pour la Belgique; à ses côtés, le comte de Lottum, pour la partie militaire, M. Delius, pour la partie civile, administraient, en qualité de commissaires généraux, les intérêts des « hauts alliés >>. Le conseil administratif général se composait de trois membres le comte Eugène de Robiano (4), chargé, en l'absence du duc de Beaufort, des fonctions de gouverneur général; M. Limpens, ancien chancelier de Brabant (5), et M. de le Vielleuze, père (6). Le baron

(1) Arrêté des commissaires des puissances alliées, baron de Wollzogen. et baron de Boyen, organisant le Gouvernement provisoire, 11 février 1814. Journal officiel, t. I, p. 7; Pasinomie, 2° s., t. I, p. 23.

(2) Installation du Gouvernement provisoire, 15 février 1814. Journal officiel, t. I, p. 15; Pasinomie, 2° s., t. I, p. 25.

(3) Le duc DE BEAUFORT-SPONTIN (Frédéric-Alexandre) était né à Namur en 1751 et avait été très attaché au prince Charles de Lorraine; resté à l'écart de la révolution brabançonne, il était devenu, au retour des impériaux, maréchal de la cour et président du tribunal aulique.

(4) Eugène-Jean-Baptiste comte DE ROBIANO, né en 1741, avait été nommé en 1775 conseiller au conseil de Brabant, puis, en 1794, membre du conseil d'État. Il mourut en 1820.

(5) Gaspard-Joseph Ferdinand LIMPENS, né en 1739, conseiller et procureur général au conseil souverain de Brabant, en 1770, membre du conseil privé, en 1777, avait été nommé, en 1794, chancelier de Brabant et fut le dernier titulaire de cette charge.

(6) Martial-Joseph-Louis DE LE VIELLEUZE, né en 1739, avait été, sous l'ancien régime, conseiller au grand conseil de Malines, en 1777,et membre du conseil privé en 1784. Il mourut le 7 février 1821.

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