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dans ce tribunal qu'on pourra l'assigner. Or, s'il arrive des contestations, soit sur la qualité de la marchandise, soit sur le payement de sa valeur, le défendeur y aura toujours un désavantage sensible moins instruit des affaires moins versé dans l'art de développer ses idées, il aura moins de facilité pour transmettre ses moyens de défense; il sera souvent obligé de consulter un homme de loi dans le lieu de son domicile, et d'en choisir un autre dans celui où il sera assigné; il perdra l'avantage si précieux de plaider lui-même sa cause et d'être entendu dans sa défense: il sera jugé ensuite par des négocians qui, ne connoissant ni sa probité ni ses principes, vivant familièrement avec ses adversaires, faisant souvent le même commerce qu'eux, ayant le même intérêt, et pouvant se trouver tous les jours dans le même cas, seront naturellement portés à décider en leur faveur. Ainsi, déjà grêvés par les octrois, les patentes, les nombreux crédits qu'exige le commerce des marchands en détail, la longueur et la difficulté des recouvremens, tandis qu'euxmêmes sont obligés de payer, à un jour conle prix entier de leurs marchandises, ils seront encore exposés, dans ces tribunaux étrangers, à des injustices continuelles et inévitables: Tome IX.

venu,

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ils auront reçu de mauvaises marchandises, ou ils en auront reçu une toute différente de celle qu'ils demandoient, ou les envois auront excédé leurs demandes, et ils ne seront pas reçus à s'en plaindre » (1).

« Sous tous les rapports, l'article paroît une des plus dangereuses dispositions qu'on puisse tenter d'introduire dans un Code de commerce » (2).

Si l'on objecte que l'ordonnance de 1667 admettoit aussi l'option, il sera facile de répondre que l'art. 17 tit. 12 de l'ordonnance alloit moins loin *: « il ne permettoit d'assigner le défendeur que devant le tribunal du lieu où la promesse avoit été faite et la marchandise livrée, et il exigeoit impérieusement le concours de ces deux conditions pour pouvoir l'arracher à ses juges naturels » (3). « Il ne s'entendoit que du fait de marchandise, et non pas de celui de la banque et du change, et il étoit en quelque sorte commandé, pour le fait de marchandises, par les priviléges des villes de Paris, d'Orléans, de

(1) Tribunal et conseil de commerce de Saint-Brieuc, observations des tribunaux, tome i1, 2. partie, page 453. — (2) Ibidem. (3) Ibidem.

* Le projet divisoit ces deux conditions, voyez ci-après, §. 2.

Lyon tous les priviléges étant aujourd'hui anéantis, les dispositions qu'ils ont suggérées doivent être abolies pour revenir en tout au droit commun » (1). « Encore cet article n'étoit-il pas même observé dans la pratique » (2).

Par ces considérations on demandoit que l'article fut rédigé ainsi qu'il suit : le demandeur ne pourra traduire le défendeur que devant le tribunal de commerce dans l'arrondissement duquel le défendeur réside, s'il n'y a pas stipulation contraire (3).

Au surplus, «< il pourroit être fait des exceptions à l'égard des étrangers, et de ceux dont le domicile n'est pas connu » (4).

La commission de commerce de Guéret ne rejetoit l'option que dans une seule hypothèse. « Cet article, disoit elle, ne souffre aucune difficulté dans le cas où l'acheteur a choisi luimême la marchandise dans le magasin du vendeur. Mais, si le vendeur, par lui ou par ses com

(1) Conseil de commerce de Nancy, observations des tribunaux, tome II, 2o. partie, page 128. - (2) Tribunal et conseil de commerce de Saint-Brieuc, ibidem, page 453. (3) Conseil de commerce de Vezoul, ibidem, page 592; - Cour d'appel de Pau, ibidem, tome 1"., page 469.(4) Cour d'appel de Pau, ibidem.

mis, a fait choisir, en voyage, sur échantillon, et qu'il ait expédié une fausse couleur, une marchandise avariée, ou s'il y a manque d'aunage, alors la section de commerce pense que l'acheteur doit faire vérifier la marchandise qu'il a reçue par le tribunal de sa résidence; et que, d'après la notification qu'il en fera au vendeur, ce dernier doit être astreint à ne former demande contre l'acheteur que devant le tribunal de la résidence dudit acheteur. La disposition demandée est fondée sur ce qu'en général l'acheteur n'est pas assez aisé pour faire la dépense d'un long voyage, et qu'il peut éprouver de la difficulté à trouver un fondé de pouvoir dans la résidence du fabricant, qui, étant riche, connoissant tous les négocians ou marchands du chef-lieu du tribunal duquel dépend l'acheteur, a toutes sortes d'avantages pour se défendre » (1).

L'expérience a paru plus forte que tous les raisonnemens que je viens de rapporter. L'option accordée par l'ordonnance n'avoit entraîné aucun des inconvéniens qu'on se plaisoit à prévoir. Cependant le tribunal de Saint-Brieuc ob

(1) Commission d'agriculture et de commerce de Guéret, observations des tribunaux, tome 11, 1. partie, page 443.

servoit avec raison qu'on n'étoit pas entièrement dans les termes de l'ordonnance. Mais on y est rentré depuis, ainsi que je vais l'expliquer dans le paragraphe suivant.

S. II.

De la disposition qui permet d'assigner devant le tribunal de l'arrondissement où la promesse a été faite et la marchandise livrée.

Les rédacteurs du projet de Code de commerce n'exigeoient que la première de ces deux conditions. Leur article portoit: le demandeur pourra assigner..... devant le tribunal dans l'ar rondissement duquel la livraison de la marchandise a été faite (1).

Le tribunal et le conseil de commerce de Colmar proposèrent de dire: devant le tribunal dans l'arrondissement duquel la marchandise a été reçue (2). Cette rédaction leur paroissoit plus « conforme à la jurisprudence commerciale suivie jusqu'alors » (3).

(1) Projet de Code de Commerce, art. 450.- (2) Tribunal et conseil de commerce de Colmar, observations des tribunaux, tome 11, 15. partie, page 319. — (3) Ibidem.

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