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et l'on sait combien la perspective d'une place de magistrature a été funeste au commerce dans l'ancien régime.

>> Tout se réunit donc pour faire proscrire la formation d'une chambre de commerce dans la cour d'appel » (1).

Les commissaires-rédacteurs, discutant ces observations, s'exprimèrent ainsi :

<«< Plusieurs cours d'appel ont réclamé contre cette innovation; ils considèrent comme inadmissible, unc section de commerce dans les cours d'appel.

» La presque totalité des villes de commerce y ont applaudi; elles ont, presque toutes, demandé le nombre des juges commerçans fût

que

porté à quatre.

>> Cette idée ne nous appartient plus ; l'assentiment général du commerce en a pour ainsi dire sanctionné l'utilité, et nous avons cru devoir persister sur ce point. C'est au Gouvernement à décider s'il est aussi contraire qu'on le prétend, à la marche de la justice et à l'institution des cours d'appel.

>> Nous présenterons cependant les principales

(1) Cour d'appel de Paris, observations des tribunaux, tome 1. pages 408, 409 et 410.

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raisons sur lesquelles on se fonde pour faire rejeter cette partie du projet.

>> Nous devons faire remarquer que cette désapprobation n'est pas générale, à beaucoup près, et qu'un grand nombre des cours d'appel n'a point regardé cette institution comme inadmissible.

» Nous ne nous attacherons, dans cette analyse, qu'aux observations des cours d'appel; leur opinion nous paroissant très-importante sur une institution qui les touche, et dont ils peuvent, mieux que personne, démontrer les dangers et reconnoître les avantages » (1).

Les commissaires résument ensuite les observations qui viennent d'être rapportées; puis ils

continuent ainsi :

« Il résulte de toutes ces observations, que l'établissement d'une section de commerce dans les cours d'appel présente plusieurs inconvéniens,

» 1°. Que l'admission des commerçans dans une cour d'appel est inutile et même dangereuse; » 2°. Que cette section dénature l'organisation des cours d'appel, en l'autorisant à juger cinq juges;

(1) Analyse raisonné des observations des tribunaux, pages 181

et 182.

» 3°. Que les commerçans sont inhabiles juger des questions de droit;

pour

» 4°. Que les commerçans appelés dans les tribunaux n'auront pas l'expérience de tous les

commerces.

>> Tel sont les objections faites contre l'institution.

» Sur la première, notre réponse ne peut être embarrassante; car nous ne concevons pas comment les lumières de l'expérience peuvent nuire ou devenir dangereuses. On dit que des commerçans instruits sont consultés sur les questions pour lesquelles on sent la nécessité de s'entourer de leur expérience, et l'on refuse d'en admettre l'assistance dans tous les cas qui intéressent le commerce! Cependant cet aveu même justifie l'institution, puisqu'elle tend à rendre des décisions plus promptes que celles subordonnées à l'avis d'un commerçant, lequel n'ayant point entendu les parties, peut souvent s'égarer dans son jugement.

» Il nous semble qu'on pourroit considérer cette opposition comme une sorte de préjugé, puisque les raisonnemens dont on s'autorise pour désapprouver l'institution, semblent au contraire la justifier

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>> On dit que les commerçans sont inhabiles à juger des questions de droit.

» Il y aura nécessairement peu de ces questions portées à la section chargée de connoître de l'appel des jugemens des tribunaux de commerce; ces questions ne seront jamais qu'incidentes au fond, l'objet principal sera toujours un fait de commerce que des commerçans peuvent aussi bien juger en cause d'appel qu'en première instance, puisque l'on convient, dans beaucoup de villes, qu'il est rare qu'il y ait appel de jugemens des tribunaux de commerce; c'est dire, en d'autres termes, que la justice de ces tribunaux est bonne en elle-même, et satisfait plus souvent les parties.

>> On dit que les commerçans admis dans les cours d'appel n'auront pas l'expérience de tous les commerces, et, que le secours que l'on en attend ne pouvant être que relatif à la connoissance du commerce qu'ils auront exercé, il sera sans fruit et sans résultat pour les opérations qui leur seront inconnues.

>> Nous ne croyons pas que ce soit la connoissance matérielle des diverses sortes de marchandises qui doive, en cause d'appel, constituer l'expérience du juge. Nous savons que le ban

quier n'est pas instruit des usages qui régissent le commerce des bestiaux;

» Que le marchand de cuir ne connoît pas les règles du commerce maritime;

» Mais on conviendra avec nous que le commerçant-juge, étant choisi dans l'arrondissement de son tribunal, il aura toutes les connoissances des usages et des principes qui régissent le commerce dans cet arrondissement, et qu'il ne sera étranger à aucune question, attendu la relation intime qui existe entre toutes les branches de

commerce.

>> Il faut croire que, si, dans les tribunaux de première instance, on rencontre des négocians instruits, on en trouvera aussi qui seront dignes d'être admis dans les cours d'appel » (1).

La proposition des commissaires-rédacteurs n'a pas même été présentée par la section de législation du Conseil d'état, et elle n'a été relevée par personne.

(1) Analyse raisonnée des observations des tribunaux, pages 184, 185 et 186.

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