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comme compléments de la justice sociale; mais encore de choisir des peines réparables et rémissibles. Toutefois, ce n'est point là un principe absolu; c'est seulement un précepte de sagesse, une règle de prudence, dont il est permis de s'écarter, lorsque la nécessité de la conservation sociale le commande. La qualité de mal réparable et rémissible n'est point une condition de la légitimité de la peine; elle est désirable, à cause des imperfections de la justice humaine et des dangers qui en résultent. La peine de mort ne cesse donc pas d'être conforme à la notion abstraite du juste, parce qu'elle constitue un châtiment irréparable et irrémissible; elle est légitime en elle-même, lorsqu'elle est en proportion avec la gravité du crime, et qu'elle frappe le vrai coupable.

LIVRE PREMIER.

DES LOIS PÉNALES.

TITRE PREMIER.

DES LOIS QUI COMPOSENT LE DROIT PÉNAL BELGE.

86. Le droit pénal en vigueur dans le royaume se divise en droit commun et droit particulier. Le droit commun est renfermé dans le Code pénal de 1867, qui forme la loi générale en matière de pénalité. Le droit particulier se compose de lois spéciales, qui répriment des infractions non prévues par ledit Code.

CHAPITRE Ier.

DU DROIT PÉNAL COMMUN.

SECTION PREMIÈRE.

DU DROIT PÉNAL EN BELGIQUE AVANT LA RÉUNION DE CE PAYS A LA FRANCE.

SI. Sources du droit pénal. En théorie.

87. Les bases sur lesquelles reposait, en théorie, l'administration de la justice répressive dans les Pays-Bas, étaient l'édit du 5 et l'ordonnance du 9 juillet 1570, publiés par ordre de Philippe II. Le premier avait pour but de réorganiser cette branche de la justice; la seconde établissait, en matière crimi

nelle, une procédure uniforme pour tout le pays. Les délits et les peines n'étaient réglés par aucune loi générale. Philippe II avait, il est vrai, déclaré l'intention de faire recueillir toutes les ordonnances pénales alors en vigueur dans les Pays-Bas (1); mais ce projet resta sans exécution. Il fallait done, en matière de pénalité, avoir recours non seulement aux édits, placards et ordonnances, publiés isolément par les divers souverains; mais encore aux coutumes locales et aux usages généraux des provinces, aux statuts et règlements des villes et châtellenies; à défaut de ces sources, au droit romain, et, dans certains cas, au droit canonique.

88. Dans le silence des coutumes particulières, ou lorsque celles-ci étaient douteuses, on suivait, préférablement au droit romain, la coutume générale de la province. La disposition appuyée sur trois coutumes particulières de la mème province était, d'après la jurisprudence du parlement de Flandre, considérée comme une coutume générale (2). Les villes et les châtellenies avaient des statuts et des règlements particuliers pour maintenir la police et protéger les intérêts de leurs communautés, statuts qui établissaient des pénalités contre les infracteurs. Ces ordonnances politiques, comme on les appelait alors, pouvaient ètre réformées par les juges supérieurs, en cas où le souverain ne les eût pas confirmées; cependant elles avaient force de loi, aussi longtemps qu'elles n'étaient pas révoquées ou abolies par un usage contraire (5). Dans tous les cas non réglés par le droit national, le juge devait consulter le droit romain, non comme raison écrite, mais comme loi supplémentaire et obligatoire. En matière criminelle, plusieurs ordonnances avaient mème attribué

(1) Art. 2 de l'édit du 5 juillet 1570.

(2) DE GHEWIET, Institutions du droit belgique, p. 11 et 12. (5) DE GHEWIET, 1. c. p. 15, 16, et 555.

au droit romain force de loi à défaut des édits des souverains (4). Quant au droit canonique, son autorité, en matière criminelle, était d'autant plus grande, que la connaissance des crimes commis par des cleres était réservée aux juges ecclésiastiques, qui suivaient les dispositions de ce droit (5).

$9. De même qu'en Allemagne, la législation romaine était considérée, dans la principauté de Liége, comme le droit commun du pays, tant en matière civile, que dans les affaires criminelles; les lois et même les coutumes de l'empire germanique y étaient obligatoires, à cause de la liaison plus intime de cette principauté avec l'empire, auquel elle était attachée comme faisant partie du cercle de Westphalie. C'est pour ce motif, que la constitution criminelle, donnée par Charles-Quint à l'empire en 1552 et appelée Caroline, avait force de loi dans le pays de Liége; elle y jouissait d'une grande autorité, et l'on appliquait ses dispositions, préférablement au droit romain, dans tous les cas non prévus par les lois et coutumes du pays. Il n'en était pas de même dans les provinces des Pays-Bas autrichiens. Les lois de l'empire n'y avaient aucune autorité, et le Code criminel de Charles-Quint n'eut à aucune époque force de loi dans aucune de ces provinces.

SII. Des sources du droit pénal.

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En pratique.

90. Telles étaient les sources où les tribunaux belges devaient puiser leurs décisions en matière répressive. Mais, dans la pratique, on s'écartait entièrement des dispositions légales; on ne suivait d'autres règles que celles qui étaient établies par la juris

(4) Art. 57 et 59 de l'édit du 5 juillet 1570. Art. 50 et 75 de l'ordonn. du 9 juillet 1570. L'autorité de ce droit fut confirmée, dans la suite, par plusieurs dispositions de l'édit perpétuel de 1611, et par l'ordonnance du 3 mars 1649.

(5) On observait, en ce point, la constitution de l'empereur Frédéric. L. 33, C. de episcopis et clericis (1, 5). Auth. Statuimus. Toutefois, on n'appliquait pas les peines sous lesquelles cette constitution avait défendu de traduire des ecclésiastiques devant les tribunaux séculiers. ZYPAEUS, Notitia juris belg. Antverp., 1635, p. 18 et 69.

prudence des cours de justice. En théorie, on distinguait deux espèces de peines: les unes, appelées ordinaires ou légales, étaient déterminées par les édits des souverains ou les statuts locaux ; les autres, nommées extraordinaires ou arbitraires, comprenaient celles dont la fixation étaient laissée par la loi au pouvoir discrétionnaire des juges (6). L'édit du 5 juillet 1570 (art. 59) ayant ordonné aux tribunaux de suivre les dispositions du droit romain dans tous les cas non prévus par les ordonnances des souverains, les juges étaient obligés de choisir, dans les recueils de Justinien, les peines qu'il convenait d'appliquer aux crimes extraordinaires. Mais cette prescription ne fut point observée. Lorsque la peine était arbitraire, les tribunaux choisissaient telle punition qui leur paraissait proportionnée au crime, sans consulter le droit romain.

91. Dans la suite, la pratique changea en peines arbitraires le plus grand nombre de celles qui étaient déterminées par les édits des souverains. Ce changement parait déjà s'ètre opéré au commencement du dix-septième siècle (7). Au reste, les peines dont on faisait alors usage en Belgique, étaient aussi barbares, que partout ailleurs. Quant aux infractions, les juges s'étaient attribué le droit de punir non seulement les faits prévus par la loi, mais toutes les offenses qui leur paraissaient mériter un châtiment. D'ailleurs, ce droit extraordinaire de punir était conféré aux juges par la législation romaine (8), et consacré par la jurisprudence

(6) L'édit du 5 juillet 1570 (art. 58) prescrivait aux tribunaux « d'estimer et d'arbitrer ces sortes de peines équitablement et justement, et de prendre, dans les matières plus importantes, avis de gens de bien, doctes et lettrés, non suspects, qui jureront donner avis à leur meilleur jugement, selon Dieu, le droit et leur conscience; de peser les délits selon les circonstances des cas, et, en ceci, user de telle sorte que la peine n'excède la qualité des délits, ni aussi qu'iceux ne demeurent impunis et le châtiment illusoire. »>

(7) VANDER ZYPEN (Zypaeus) écrivait en 1653: Poenae pleraeque sunt hodie arbitrariae. quod valde etiam receptum est quoad poenas legales, praesertim in Belgio; maxime in casibus quibus desunt poenae statutariae. Notitia jur. belg. p. 252. (8) L. 8, D. de publ. judiciis (48,1). L. 15, D. de poenis (48,19).

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