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départemens, arrondissemens et communes. L'administration centrale a naturellement des agens dans chacune de ces diverses circonscriptions pour surveiller l'exécution des lois. Mais les collections d'individus qui résultent de la division du territoire ont un assez grand nombre d'intérêts particuliers, distincts de l'intérêt général du pays : ces intérêts doivent-ils être réglés par les agens du pouvoir exécutif supérieur, conformément au système tant critiqué et tant préconisé tour-à-tour sous le nom de centralisation? ou bien par des mandataires que les départemens ou les communes délégueront à cet effet? La Charle paraît résoudre la question dans le dernier sens, en promettant aux départemens et aux communes des institutions électives. Et en effet, pourquoi une communé ne pourrait-elle, sans l'intervention ministérielle, gérer ses affaires privées, s'il est permis de parler ainsi? L'administration des biens communaux, les travaux d'assainissement et d'embellissement des villes on des bourgs, seront faits mieux et plus vîte par des fonctionnaires domiciliés sur les lieux et choisis par les intéressés euxmêmes. Il en est autrement de l'exécution des lois de sûreté générale, par exemple de la loi de recrutement : il serait imprudent peut-être de l'abandonner à des officiers municipaux. L'expérience montre, au moins en France, que les localités font tous leurs efforts pour atténuer leur part dans les sacrifices communs; à plus forte raison cherchent-elles à repousser tous ceux qui leur sont spécialement imposés par leur situation ou la nature des choses.

Il était permis d'espérer que le législateur, en réglant les élections municipales et départementales, ne prendrait pas pour point de départ la richesse des citoyens. Les conseils municipaux sont hors d'état, par la nature de leurs attributions, de porter atteinte au droit de propriété.

Tous les habitans de la commune sont également inté ressés à leurs décisions, même ceux qui ne paient de contributions d'aucune espèce, si toutefois il en existe. Tous ont un égal avantage à ce que la commune soit pourvue de fontaines et de réverbères; à ce que l'école et le temple soient bien entretenus, et les chemins vicinaux en bon état. Les plus imposés, dit-on, font un sacrifice pécuniaire plus considérable, et ont, en conséquence, un titre particulier à intervenir dans les affaires générales; on oublie apparemment que, d'après la Charte elle-même (art. 2), les sacrifices ne sont égaux en matière d'impositions, que lorsque les charges sont réparties proportionnellement aux facultés: celui qui paie un impôt double n'éprouve pas une perte plus grande que celui qui paie le simple, s'il a une fortune double. La qualification de plus imposés est donc tout-à-fait impropre, si l'on persiste attacher l'idée d'un sacrifice plus étendu, et de nature à mériter à son auteur un dédommagement ou un avantage politique.

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y

La loi du 21 mars 1831 en a jugé autrement. Elle appelle (art. 11) à l'assemblée des électeurs communaux, les citoyens les plus imposés au rôle des contributions directes de la commune, âgés de 21 ans; en nombre égal au dixième de la population, si elle est moindre de 1000 habitans; plus 5 par 100 habitans en sus de 1000 jusqu'à 5000; plus 4 par 100 habitans de 5000 jusqu'à 15000; plus 3 par 100 habitans au dessus de 15000. Il faut y joindre un certain nombre de fonctionnaires publics, et de capacités. On voit que, dans ce système électif, les électeurs diminuent progressivement à mesure que la population augmente, c'est-à-dire en raison inverse des lumières. Les membres du conseil municipal sont choisis aux trois quarts parmi les électeurs domiciliés et aux deux tiers parmi les plus imposés (D. loi, art. 15-16). Ils doivent être âgés de 25

ans: ils sont élus pour 6 années, et renouvelés par moitié tous les trois ans (ib. art. 17). — Les conseils généraux de département et les conseils d'arrondissement sont élus

par

les citoyens portés sur la liste du jury (V. p. 395); si leur nombre est au dessous de 50 dans un canton, le complément est formé par l'appel des plus imposés (Loi du 22 juin 1833, art. 3). Pour être éligible, il faut avoir l'âge de 25 ans, et payer 200 fr. de contributions directes dans le département, depuis un an au moins; 150 fr. suffisent pour être élu conseiller d'arrondissement. Si le nombre des éligibles n'est pas six fois. plus grand que celui des membres à élire, on le complète avec les plus imposés (ib. art. 4, 23. Les membres des conseils généraux sont élus pour 9 ans et renouvelés par tiers: ceux des conseils d'arrondissement sont élus pour 6 ans et renouvelés par moitié (ib. art. 8, 25). Dans le département de la Seine, le conseil général, moins les 8 membres élus par la banlieue, devient le conseil municipal de la ville de Paris qui n'a point de conseil d'arrondissement (Loi du 20 avril 1834, art. 2, 9, 11).

En décidant que les conseils généraux et municipaux seraient électifs, la Charte a implicitement reconnu que leurs actes devraient être livrés à la publicité. Il faut bien que les commettans puissent surveiller la conduite de leurs mandataires (V. p. 261). Cependant, aux termes des articles 13 et 28 de la loi de 1833, les séances des conseils généraux et d'arrondissement ne sont pas publiques. La loi de 1831 ne résout pas la question à l'égard des conseils municipaux; mais l'administration n'a pas manqué d'interpréter son silence dans le sens défavorable à la publicité. On attend encore les lois qui régleront les attributions des conseils municipaux et de département. L'utilité de ces conseils dépend presque entièrement de l'esprit dans lequel elles seront faites.

8° L'instruction publique et la liberté de l'enseigneme

On divise l'instruction publique en primaire, secondair et supérieure. L'instruction primaire est celle qui embrasse les connaissances tellement indispensables à l'homme civilisé, que celui qui en est privé est en quelque sorte placé dans une situation inférieure, dans un état de dépendance à l'égard de ses semblables. La lecture, l'écriture et les premières notions de l'arithmétique sont évidemment de ce nombre. C'est vainement qu'on espérera parvenir à un certain degré de perfection dans l'exécution des lois, tant que les citoyens ne seront pas tous à même d'en prendre con naissance autrement que par ouï-dire. Qu'importe que le Bulletin des lois soit envoyé à toutes les communes, et que les actes de l'autorité publique y soient affichés, si leurs habitans sont incapables de profiter de cette publication? Pour obtenir que tous les Français sachent lire et écrire, il est nécessaire d'employer quelques mesures coërcitives. Par exemple, on pourrait condamner le père ou le tuleur d'un enfant ne sachant pas lire, à une amende légère qui croîtrait progressivement les années suivantes jusqu'à une certaine limite. Les hommes faits devraient être exclus des droits civiques, et même de plusieurs droits civils, faute de justifier qu'ils possèdent l'instruction première. Il est clair qu'en revanche, le législateur serait tenu de rendre gratuit dans chaque commune l'enseignement de la lecture et de l'écriture. La loi du 28 juin 1833 (art. 9), se borne i obliger les communes, soit par elles-mêmes, soit en s réunissant à une ou plusieurs communes voisines, d'entre tenir une école primaire élémentaire. Les communes chefslieux de département, et celles dont la population excède 6000 habitans, doivent avoir en outre une école primaire supérieure, où sont enseignés des élémens de géométrie, d'histoire naturelle, de chant, d'histoire et de géographi

(art. 1, 10). Il y a près de chaque école normale, un comité de surveillance, dans lequel figurent assez mal à propos les ministres des différens cultes; il est chargé spécialement de s'assurer qu'il a été pourvu à l'enseignement gratuit des enfans pauvres désignés par les conseils municipaux (art. 14, 17, 21). Il y a aussi un comité supérieur dans chaque arrondissement (art. 18). Les fonds votés au budget de 1836, en faveur de l'instruction primaire, s'élèvent à 5 millions de francs. La restauration consacrait annuellement, à la même dépense, une somme de 50,000 fr. (1).

La loi relative à l'instruction secondaire n'est pas encore faite. Elle peut être fort utile à la portion aisée de la classe agricole et manufacturière, à laquelle elle procurera une éducation convenable, en l'empêchant de se précipiter vers les professions dites libérales qui sont véritable.nent encombrées aujourd'hui.— Le législateur devra porter soñ attention sur l'éducation des femmes, beaucoup trop négligée, cu égard à l'influence que les mœurs françaises leur accordent. Il serait temps qu'on y fit entrer quelques unes des connaissances propres à exercer le raisonnement, et même des idées élémentaires de législation.

On attend aussi la loi qui organisera la liberté de l'enseignement; toutefois elle peut très bien se trouver comprise dans les lois sur l'instruction publique. Il ne faut pas prendre à la lettre la promesse de rendre l'enseignement libre; on n'a pas voulu dire que le premier venu, fût ce un homme condamné pour une conduite immorale, aurait la faculté de s'ériger ouvertement en instituteur. Les rédacteurs de la Charte songeaient au régime antérieur, sous lequel il existait un corps chargé exclusivement de l'éducation et de l'enseignement publics (Loi du 1 6 mai 1 806):

(1) Cette somme fut portée à 100,000 fr. dans le budget de 1829 par les soins de M. Vatimesnil.

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