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nistres tous ceux qui se donnent cette qualification en vertu des réglemens ou usages adoptés par leurs coreligionnaires, ou en vertu du choix d'une autorité étrangère ; autrement le trésor public serait à la merci des divers cultes. Il lui appartient de déterminer le nombre de ministres dont l'entretien est nécessaire à la pratique de chaque religion, et de fixer le taux de leurs traitemens; si les individus attachés à telle ou telle croyance jugent que l'Etat s'est montré trop parcimonieux, ils sont libres d'y suppléer par des sacrifices personnels. Il résulte de là que si les sectateurs d'un culte se trouvaient en trop petite quantité, l'obligation d'entretenir ses ministres cesserait d'exister. - Il ne suffit pas qu'un culte soit qualifié chrétien par ses partisans pour que le législateur soit tenu de le salarier. La Charte n'a pu entendre parler que des cultes chrétiens existant à l'époque où elle a été rédigée ; toutes les croyances schismatiques qui surviendraient à l'avenir, ne seront admises à réclamer une subvention du trésor public qu'à titre de faveur, de même que le culte israélite.--Le but de l'Etat, en s'engageant à fournir des traitemens, n'a pas été de récompenser l'oisiveté ; aussi les ecclésiastiques qui n'exercent pas de fait dans la commune qu'on leur a désignée, ne peuvent toucher leur salaire (Loi du 28 avril 1833, art. 8).

L'obligation de solder les ministres ne renferme pas celle d'encourager leur multiplication, en payant les frais de leurs études ecclésiastiques; cependant le budget consacre annuellement une allocation d'un million de francs aux bourses des séminaires; ce qui contribue, ainsi que la certitude d'échapper au service militaire, à jeter des jeunes gens peu aisés dans une carrière où ils regrettent plus tard d'être entrés. Une pareille dépense est impolitique sous un antre rapport, en ce qu'elle tend à donner au culte favorisé une puissance factice, je veux dire dispro

portionnée avec le nombre réel de ses partisans. L'article 6 n'impose pas davantage l'obligation de fournir les édifices nécessaires à l'exercice du culte. Il en résulte que si un temple a été concédé par l'Etat, cette concession peut être retirée en faveur d'une autre religion; la même faculté appartient aux communes pour les édifices dont elles sont propriétaires.

Les traitemens du clergé catholique figurent au budget de 1836 pour la somme de 27,885,000 francs; plus un million pour les cardinaux, archevêques et évêques. Le total des dépenses des cultes s'élève à 35 millions, sans compter trois millions de pensions ecclésiastiques. En 1820, ils'élevait seulement à 23 millions. Malgré les progrès que l'esprit religieux a dû faire sous la restauration, il est permis de croire à la possibilité de reprendre cette position favorable. Dans ce but, il faudrait, au fur et à mesure des extinctions, rentrer dans les limites tracées par la loi du 18 germinal an x, qui avait établi 10 archevêques à 15,000 fr. d'appointemens, 50 évêques à 10,000 fr. (1), et 2846 curés, dont une partie de première classe à 1,500 fr., et les autres de seconde classe à 1,000 fr. Ces traitemens ont été augmentés par de simples ordonnances (V. Ordon. du avril 1817), que les chambres ont, il est vrai, tacitement ratifiées, en allouant les fonds nécessaires dans les lois de finances. Il faudrait aussi enlever aux conseils généraux et municipaux la faculté de voter des supplémens aux traitemens ecclésiastiques. En effet, l'article 6 renferme `une anomalie qui ne doit pas être étendue: dès que le trésor

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(1) L'article 5 de la loi da 28 juin 1855, annonce l'intention de supprimer les siéges épiscopaux et métropolitains non compris dans le concordat de l'an ix; inais il semble indiquer que la participation de la cour de Rome est nécessaire à cet effet; on peut très bien, selon moi, supprimer les traitemens sans son autorisation.

public a acquitté l'obligation qui lui est imposée, on se retrouve sous l'empire du principe de la liberté religieuse qui s'oppose à ce que l'on force les sectateurs d'une croyance de subvenir aux frais d'une autre. Les ministres mécontens peuvent recourir à la munificence de leurs coreligionnaires.-Une ordonnance du 21 octobre 1830 avait sagement supprimé les traitemens accordés aux cardinaux. Quoi de plus bizarre en effet que de salarier des fonctions exercées en Italie sans mission du gouvernement? On a depuis changé d'avis.

ARTICLE VII. Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions en se conformant aux lois. La censure ne pourra jamais étre rétablie.

La parole, l'écriture, la presse sont des instrumens, des moyens de communication, dont on peut faire un usage nuisible; ce n'est pas une raison suffisante pour s'interdire d'imprimer, de parler ou d'écrire; car on ne comprend pas qu'une société puisse exister sans la parole, se civiliser sans l'écriture, se gouverner selon le vœu général des associés sans la presse. Ceci explique, soit dit en passant, pourquoi les gouvernemens qui prennent pour guide leur intérêt particulier, sont ennemis nés de la liberté d'imprimer. La communication de la pensée produit du bien ou du mal, suivant que la pensée est bonne ou mauvaise. Il serait à souhaiter qu'on pût interdire la communication des idées nuisibles, en laissant librement circuler les idées bienfaisantes. Telle est l'origine de la censure, qui résoudrait la difficulté s'il était possible de la confier à une autorité douée de lumières infinies et d'un désintéressement sans bornes. Mais quoi qu'on fasse, les censeurs seront des hommes. Toute pensée qui tendra à diminuer la puissance du gouvernement qui les constitue, sera réputée nuisible, fût-elle avantageuse au plus grand

nombre; toute pensée qui tendra à fortifier cette même puissance, sera proclamée utile, lors même qu'elle aurait pour but de tromper le public. Le plus sûr est donc de faire le public lui-même juge de ce qui lui est avantageux. L'erreur ne plaît guère aux hommes que sous la forme d'amusement et lorsqu'elle est présentée dans le but avoué de tromper; lorsqu'il s'agit d'intérêts positifs, ils recherchent naturellement la vérité. Ainsi, liberté entière de communication, sauf à punir l'injure ou la provocation à des actes nuisibles. En d'autres termes, il faut, en matière de publication, renoncer à prévenir les délits, et. se borner à les réprimer. Le texte de 1814 l'exprimait assez nettement. « Les Français, disait l'article 8, ont le droit de publier... en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté. » Il est vrai qu'une foule de lois préventives sur la presse ont été néanmoins portées sous la restauration. Aussi a-t-on cru devoir, en 1830, rendre encore plus explicite la rédaction de l'article 8, devenu l'article 7. Il suffisait, pour cela, d'ajouter, comme le proposait M. Bavoux : « aucune loi préventive ne pourra la restreindre (cette liberté). » On préféra supprimer la dernière phrase (1), en ajoutant une prohibition expresse de la censure; mais la censure n'est pas le seul moyen préventif; il en résulte que les autres moyens du même genre, tels que les cautionnemens sont aujourd'hui permis par la Charte la liberté de blication a donc plus perdu que gagné (2).

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(1) Le motif donné par la commission était que « pendant longues années, une administration malveillante y avait trouvé le prétexte de toutes les lois d'exception qui ont entravé la presse ou qui l'ont opprimée. » Cette assertion est inexacte : c'est bien moins en s'appuyant sur le texte de l'article 8, qu'en s'efforçant de fausser sa signification, qu'on avait établi la censure.

(2) Heureusement qu'elle a acquis la garantie du jugement par jurés (art. 69 1o),

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Le premier paragraphe de l'article 7, considéré isolément, ne décide rien de plus en faveur de la liberté d'écrire, que l'article 4 en faveur de la liberté individuelle; c'est tout simplement un renvoi au pouvoir législatif. Cependant il est utile d'en déterminer l'étendue pour l'application du second paragraphe. Il comprend tous les modes de publication, soit par la presse, soit par l'écriture, la gravure, la lithographie, etc.; mais il est trop restreint en ce qui touche l'objet de la publication : le mot conception était préférable à opinion, comme expri- | mant une idée plus générale. Les ouvrages de de pure gination, ne contiennent pas des opinions à des opinions à proprement parler la conséquence subtile mais rigoureuse qu'on en peut déduire, c'est que la censure, ou le contrôle préalable des agens de l'autorité, pourrait être rétablie par la loi pour toute conception qui n'est pas une opinion. Mais qui fera la distinction entre les deux? distinction bien difficile dans une foule de cas. Si c'est l'autorité, autant vaut rétablir la censure pleine et entière. Confier ee soin aux tribunaux, c'est seulement reculer la difficulté: la Charte prohibe la censure, quels que soient les fonctionnaires qu'on en voudrait charger (1). Un autre parti consisterait à diviser les modes de publication selon leur but le plus ordinaire : la parole, l'écriture, l'écriture, la presse seraient dispensés absolument d'autorisation préalable; et en effet il est impossible de prononcer ou d'écrire une phrase où ne se cache pas une opinion, au moins indifférente; au contraire, le dessin, la gravure, la lithographie, la peinture, parlant aux yeux plutôt qu'au raisonnement, pourraient être soumis à une inspection

(1) Le décret du 7 germinal an xui, qui défend de publier les livres d'église, d'heures et de prières, sans la permission de l'évêque, est évidemment contraire à l'article 7.

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