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cution des travaux; 2° dans l'acte du préfet qui désigne les territoires sur lesquels les travaux doivent avoir lieu; 3° dans l'arrêté ultérieur qui détermine les propriétés auxquelles l'expropriation est applicable, après que les parties intéressées ont été mises à même de présenter leurs observations. Les chemins et canaux de plus de 20,000 mètres et autres travaux d'importance majeure, ne peuvent être exécutés qu'en vertu d'une loi rendue sur une enquête administrative (ibid. art. 3). Si on s'était borné à les autoriser par une simple ordonnance, l'autorité judiciaire devrait se refuser à prononcer l'expropriation, car l'utilité publique n'est pas alors légalement constatée.

La Charte veut que l'Etat paie une indemnité préalablement au sacrifice qu'il exige. Mais quand doit-on considérer le sacrifice comme accompli? Au moment où le tribunal prononce que le propriétaire a cessé de l'être; le dédommagement devrait donc précéder la sentence d'expropriation ou au moins être fixé par elle. La loi de 1833 adopte un autre système : d'après l'art. 14, l'expropriation doit être prononcée dans les trois jours de l'envoi par le préfet des pièces qui constatent l'utilité publique. L'indemnité n'est déterminée que postérieurement; l'art. 55 suppose même que l'administration peut laisser écouler six mois sans poursuivre la fixation; les parties ont alors droit d'exiger qu'il y soit procédé : et lorsque l'indemnité est enfin fixée, six autres mois peuvent s'écouler sans qu'elle soit acquittée. Au bout de ce temps les intérêts courent de plein droit à titre de dédommagement. A la vérité, la loi veut que l'Etat ne puisse prendre possession avant l'acquittement ou la consignation de l'indemnité, d'où il est permis de conclure que la jouissance de l'immeuble reste, jusque-là, à l'ancien propriétaire; mais il n'en est pas moins vrai que le sacrifice du droit en luimême a été consommé par le jugement du tribunal. —

L'innovation la plus remarquable qu'ait introduite la loi du 7 juillet 1833 consiste dans l'attribution à un jury de la fixation des indemnités. Le conseil général désigne à cet effet dans sa session annuelle, sur les listes ordinaires de jurés, 36 personnes au moins et 72 au plus pour chaque arrondissement (600 pour le département de la Seine). La cour royale ou le tribunal du chef-lieu, extrait de ce premier choix 16 jurés principaux et quatre supplémentaires. L'administration et la partie adverse ont le droit de faire chacune deux récusations sans motifs, de manière à réduire les jurés à douze, nombre nécessaire pour qu'ils se constituent; mais comme les opérations sont généralement fort longues, la loi leur permet de délibérer au nombre de neuf. (V. dite loi, art. 29, 30, 34, 35.) Leur décision est prise, sans désemparer, à la majorité des voix; elle fixe le montant de l'indemnité (art. 38). Lorsque l'Etat réclame seulement le sacrifice d'une portion d'un bâtiment, il est obligé de l'acquérir en entier si le propriétaire le requiert; la règle est la même pour les fonds de terre, lorsque, par suite du morcellement, ils se trouvent réduits au quart et à une étendue moindre de dix ares (ibid. art. 50). Si l'exécution des travaux doit augmenter immédiatement la valeur de la partie non expropriée, on en tient compte dans l'évaluation de l'indemnité. Au contraire, on néglige d'y faire entrer les améliorations faites par le propriétaire dans des vues intéressées (ibid. art. 51, 52).

L'expropriation, en cas d'urgence, pour des travaux de fortifications, est réglée par la loi du 30 mars 1831.

Il est clair que l'art. 9 de la Charte n'est pas applicable aux expropriations faites au nom de l'Etat en qualité de créancier.

ARTICLE X, Toutes recherches des opinions et des votes!

émis jusqu'à la restauration sont interdites: le même oubli est commandé aux tribunaux et aux citoyens.

Cet article n'a de sens que dans la Charte de 1814 (V.p. 31): transporté à la date de 1830, il ne signifie absolument rien. Puisqu'on voulait le laisser subsister, il fallait au moins mettre jusqu'à la révolution au lieu de jusqu'à la rèstauration. Ainsi corrigé, il était encore inutile, puisque l'inviolabilité des députés a été proclamée par toutes les constitutions antérieures, et qu'un gouvernement n'a aucun motif de poursuivre judiciairement des opinions émises contre le gouvernement qu'il a remplacé. Après cela, il est superflu d'examiner pourquoi l'article parle seulement des opinions et des votes, et se tait sur les actes. (V. l'art. 107 du projet de constitut. du 29 juin 1815.) On ne peut comprendre, je le répète, cette disposition, qu'en se rappelant la prétention affichée par la monarchie restaurée de frapper de nullité tout ce qui avait précédé sa venue. Il était d'autant plus utile, en 1814, de commander l'oubli des votes, que l'ordre même n'a pas empêché de bannir de France à perpétuité les régicides qui avaient voté l'acte additionnel, ou accepté des fonctions pendant les cent jours. (Loi du 12 janvier 1816, art. 7). Cependant l'art. 10 déclare en termes exprès que l'interdiction de rechercher les votes ne s'adresse pas seulement aux tribunaux et aux citoyens: donc elle s'adresse aussi au législateur.

ARTICLE XI. La conscription est abolie. Le mode de recrutement de l'armée de terre et de mer est déterminé par une loi.

Lorsque les Bourbons rentrèrent en France, en 1814, ils s'écrièrent: Plus de conscription! plus de droits-réunis!

ce qui signifiait à la rigueur pour les gens crédules : plus de service militaire forcé! plus d'impôts sur les objets de consommation! L'illusion fut de courte durée, et bientôt on vit succéder à la conscription le recrutement, aux droits-réunis les contributions indirectes. Il est difficile de trouver entre le recrutement et la conscription, telle que la loi du 19 fructidor an vi l'avait établie, une différence qui justifie la création de l'un et l'abolition de l'autre. A vrai dire, les plaintes qu'excitait la conscription, s'adressaient moins à l'institution elle-même qu'aux rigueurs et aux extensions illégales, que le gouvernement impérial y avait ajoutées, afin de pouvoir suffire à l'effrayante consommation d'hommes que faisait la passion guerrière du héros de l'époque. Les levées étaient ordonnées par le sénat conservateur qui en fixait la quotité; « mais les préfets dépassaient le nombre légal, soit par ordre, soit pour capter la faveur, soit afin de punir arbitrairement des discours, des actions non prévues au code pénal. Les faux extraits de naissance, les faux certificats, les perceptions concussionnaires étaient multipliés à l'infini : les conscrits réfractaires formaient une nouvelle sorte de galériens, et un chef pouvait, sans sortir de sa chambre, les envoyer au supplice. Ni l'âge trop tendre ou trop avancé, ni les infirmités les plus graves, ni le premier, ni le second rachat ne garantissaient du second et du troisième réappel. Les terribles colonnes mobiles et les garnisaires en recherche de conscrits réels ou imaginaires, la responsabilité désespérante des pères et mères et des collatéraux; enfin, la solidarité des communes désolaient les départemens (1). » Dans ce tableau, dont les couleurs sont peut-être un peu trop rembrunies, on aperçoit des maux qui résultent d'excès de pouvoir ou

(1) Lanjuinais, Essai sur la charte, no 229.

d'illégalités, et d'autres qui sont la conséquence forcée de la fureur des conquêtes. Mais on ne fait pas une loi constitutionnelle pour disposer qu'il ne sera plus commis d'illégalités, ou que le gouvernement suivra une marche pacifique. La meilleure garantie contre l'humeur belliqueuse des ministres consiste à prescrire l'intervention du pouvoir législatif dans les déclarations de guerre ; et cependant, chose étrange, elle a disparu de la constitution, lorsque la paix a remplacé la guerre. (V. art. 13.) Le nom de conscription étant devenu odieux, il était peut-être convenable d'y substituer celui de recrutement, de même qu'on a changé les procureurs en avoués; mais cela ne valait pas la peine d'en faire une disposition expresse de la constitution. Cela était surtout inutile en 1830, puisque le changement était réalisé depuis 15 ans ; d'ailleurs l'abolition de la conscription équivaut à la défense de la rétablir, et peut gêner le législateur qui craindrait de la violer en réglant le mode du recrutement. Néanmoins je crois que la latitude reste aussi entière que possible sous ce rapport, si ce n'est que la dénomination de recrutement est seule constitutionnelle.

La formation de l'armée de terre est aujourd'hui ré- · glée par la loi du 21 mars 1832 (1). Elle fixe à sept années la durée du service militaire. Le sort détermine entre les jeunes gens de 20 ans, ceux sur lesquels en doit peser l'obligation, dans les limites du contingent annuellement voté par les chambres, et déduction faite des engagemens volontaires. La loi admet un certain nombre d'exclusions, d'exemptions et de dispenses. La dispense consiste à être considéré comme ayant satisfait à l'appel et compté nu

(1) Celle de l'armée de mer l'est encore par la loi du 3 brumaire an iv, sur l'inscription maritime, qui comprend tous ceux qui font la navigation de la pêche, en mer et dans les rivières, jusqu'à une certaine limite.

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