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pour intermédiaire; ainsi, les ministres devraient seuls prononcer des discours en présence des chambres; réciproquement ils devraient s'interdire d'alléguer la volonté du roi, comme raison de leurs actes; par exemple, de proposer un projet de loi en ces termes : le roi nous a ordonné de vous présenter... ou bien : après avoir pris les ordres du roi, nous venons... L'ordre du roi, verbal ou par écrit, ne peut soustraire, dans aucun cas, un ministre à la responsabilité (constitat. de 1791, tit. 11, ch. 11, sect. iv, art. 6). Personne n'est obligé d'accepter le ministère; personne n'est obligé de le garder. Lorsqu'on l'accepte ou qu'on le garde, il faut donc se résigner à subir la responsabilité imposée par la Charte. Elle a suffisamment pourvu à la sauve-garde qu'exigent des fonctions aussi difficiles, en réservant le droit d'accuser les ministres à la chambre des députés, et à la chambre des pairs celui de les juger (art. 47).

La maxime que le roi règne et ne gouverne pas, est difficile à concilier avec l'usage d'apposer aux ordonnances une double signature: celle du roi et celle du ministre. Quel peut être, en effet, l'objet de la signature du roi? De garantir que l'acte dont il s'agit, est conforme au système général de l'administration ?

Mais alors le roi s'immisce dans le gouvernement et la maxime est violée. Il s'empare des fonctions de premier ministre ou de président du conseil. Pour que la maxime reprît son empire, il faudrait que le roi se bornât à participer aux ordonnances de convocation et de dissolution des chambres, à celles de nomination et de renvoi des ministres; par ce moyen, la fiction se rapprocherait autant que possible de la réalité. En effet, dissoudre une chambre dont la majorité désapprouve le ministère, c'est faire un appel aux électeurs pour manifester leur opinion définitive sur la marche du gouvernement; dis

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soudre un ministère qui a perdu la majorité dans la chambre, c'est se conformer au vœu de cette majorité : ce sont des actes préalables au gouvernement plutôt que des actes de gouvernement proprement dit. A l'égard des autres ordonnances, la pensée gouvernementale serait exactement représentée par la signature du président du conseil, jointe à celle du ministre spécialement compé tent (1).

Il est à remarquer que la Charte pose le principe de la responsabilité ministérielle avant de parler du pouvoir exécutif donc les ministres sont responsables d'autre chose que de la non exécution ou de la violation des lois; ils le sont certainement des traités, des déclarations de des nominations de fonctionnaires publics; mais guerre, le sont-ils des actes qui appartiennent au pouvoir législatif proprement dit; c'est-à-dire de la proposition, de la sanction ou de la non sanction des lois (l'omission de proposer une loi ne saurait être un délit, depuis que l'initiative a été départie aux deux chambres)? Lors= qu'une loi proposée par le ministère a été rejetée par les chambres, le dommage étant nul, il n'y a pas lieu à accusation; lorsque la loi votée par les chambres est sanctionnée par le ministère, il y a bien dommage effectué; mais pour quel motif lui ferait-on un crime de s'être conformé à la volonté du pays exprimée par ses représentans? Il est clair qu'en accusant le ministre qui a contre-signé une loi, il faudrait mettre aussi en accusation les députés et les pairs qui l'ont appuyée de leur suffrage. Tout au

(1) On serait d'abord tenté de croire qu'il n'y a qu'un seul › système possible pour le pouvoir exécutif, celui d'exécuter les lois; mais, outre que les lois sont susceptibles de diverses interprétations, il faut se souvenir que le roi a, en dehors du pouvoir exécutif, des attributions fort importantes; telles que celles de faire la guerre et la paix, de nommer aux emplois, etc,

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plus peut-on le poursuivre pour avoir abusé les assemblées législatives par de faux rapports, de faux documens; pour avoir cherché à altérer leur majorité véritable en corrompant leurs membres, en introduisant la fraude dans les élections; mais le délit ne consiste pas précisément alors dans le fait d'avoir sanctionné une loi. Il en est autrement du refus de sanctionner un projet voté dans les deux chambres (1); ce refus ne doit pas être l'ouvrage du caprice, et les conséquences en pourraient être fort graves. La résistance personnelle du roi n'est pas une justification pour le ministre; en pareil cas, il doit, s'il veut mettre à l'abri sa responsabilité, donner immédiatément sa démission; son successeur avisera s'il veut prendre le refus de sanction sur son compte.

M. Pinheiro-Ferreira fait observer avec raison que la qualification de ministres du roi (2) « est impropre sous un gouvernement constitutionnel. Quoique choisis par le roi, ils ne sont que des mandataires de la nation; car dans le système représentatif, on ne connaît d'autre origine du pouvoir que la nation; c'est en cela que consiste la souveraineté nationale » ( Observat. sur la Ch.

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,'P. 40).

Le roi possède seul la puissance exécutive, tandis qu'il exercé la puissance législative collectivement avec les deux chambres (art. 14). Il est toutefois une foule de dispositions légales qui chargent de leur exécution des fonctionnaires subalternes, tous revêtus d'ailleurs d'attributions qui leur sont propres. Le sens du texte est donc que le roi, par l'entremise des ministres, est chargé de surveiller d'une manière générale l'exécution des lois, et de la di

(1) On peut encore objecter que les chambres n'encourent aucune responsabilité pour le rejet d'une proposition de loi; mais l'objection est sans force en ce qui touche la chambre des députés, parce qu'elle est l'organe du vou public, base du gouvernement. (2) Ses ministres sont responsables (art. 12).

riger lorsque le pouvoir législatif ne l'a pas confiée directement à un magistrat spécial. Mais il est évident que dans l'hypothèse inverse, le fonctionnaire désigné pour agir n'a pas besoin d'attendre que le ministère ait confirmé la délégation immédiate qui lui vient de la loi.

La concentration de la puissance exécutive sur une seule tête est sans doute la raison pour laquelle on qualifie encore aujourd'hui le gouvernement français de monarchique. On la justifie d'ordinaire en disant qu'un seul homme est plus propre à l'exécution que plusieurs. L'allégation est peut-être exacte si l'on entend parler de la direction imprimée à l'administration suivant un système d'interprétation de la loi; elle est complétement inexacte, si l'on entend parler d'une application maté– rielle de tous les jours et de tous les lieux : la multiplicité des agens est alors indispensable; en France même, on les compte par milliers. Il n'y a pas de roi qui n'ait plusieurs ministres, et il serait impossible de composer un cabinet, si l'unanimité d'opinions et de vues entre tous ses membres était une condition essentielle (1).

Les fonctions ministérielles constituent évidemment un emploi d'administration publique : donc le roi nomme les ministres (art. 13). Du reste le législateur est libre, selon moi, d'en déterminer le nombre, ainsi que l'étendue de leurs attributions respectives; j'aurai occasion de revenir sur ce point. Voyez les articles 46-47, et l'article 69 2o qui promet, dans le plus court délai possible, une loi organique de la responsabilité des ministres et des autres agens du pouvoir.

ARTICLE XIII. Le roi est le chef suprême de l'état; il com=

(1) V. le commentaire de Destutt-Tracy, sur l'Esprit des lois, livre x1, ch. 2.

mande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce, nomme à tous les emplois d'administration publique, fait les réglemens et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur

exécution.

Toutefois aucune troupe étrangère ne pourra être admise au service de l'état qu'en vertu d'une loi.

L'expression chef de l'Etat, est trop vague (1). L'Etat c'est la nation, la généralité des individus, considérée comme formant un corps politique; mais que signifie le mot chef? maître? premier magistrat? Alors même que le sens en serait susceptible d'être précisé, la première proposition du texte me paraîtrait encore inutile; car je n'aperçois aucune induction positive à en tirer. Il est donc superflu de s'y arrêter davantage.

Le roi commande les forces de terre et de mer. Ceci ne veut pas dire que le roi est chargé, à l'exclusion du pouvoir législatif, de régler tout ce qui touche l'armée ; mais qu'il a droit de se mettre à la tête des troupes pour en diriger les opérations. C'est naturellement le ministre de la guerre qui en subit la responsabilité, et, à son défaut, le général le plus élevé en grade qui a reçu et exécuté les ordres. Lorsque le roi se borne à diriger l'armée de loin, sans la commander en personne, il fait un acte qui rentre dans ceux du pouvoir exécutif, et qui n'avait pas besoin d'une mention particulière du législateur; mais le principe de la responsabilité ministérielle n'en doit pas moins recevoir son application dans un cas

(1) La constitution de 1791 disait : le roi est le chef suprême de l'administration générale..... de l'armée de terre et de l'armée navale (tit, in, ch. Iv, art. 1).

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