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du XVIe siècle lui avait enlevé. En toute situation M. de Metternich disait : « Venez à moi, je serai le centre, le point dominant de toutes négociations; ayez confiance parce que je suis désintéressé; 3° L'esprit anglais, celui-ci marchait de concert avec la France, non pas sur tous les points, car il n'y avait pas une seule question, un seul intérêt, qui ne dût susciter une querelle, un embarras, un défaut de concert et d'intelligence; l'esprit anglais voulait à-la-fois soutenir la souveraineté indépendante de la Porte Ottomane contre la Russie et l'influence du czar; puis commercialement elle prétendait dominer le pacha d'Égypte parce que, comme le disait lord Palmerston, Mehemet-Ali avait la clef des magasins de l'Inde dans sa poche et que ce n'était pas soutenable. »

Il restait l'esprit français dans.ces négociations, et celui-ci a besoin d'être expliqué avec quelque étendue. La France, vieille alliée de la Porte Ottomane, ne voulait pas, ne pouvait pas l'abandonner; c'est ce que l'amiral Roussin avait constaté diplomatiquement par son intervention hardie, impérative auprès de Mehemet-Ali. Mais je l'ai dit, le parti du pacha en France était soutenu par l'opinion des journaux, par la popularité de sa cause; l'amiral Roussin, le gouvernement même ne restaient pas complétement maîtres dela question. La France aurait dû également soutenir les chrétiens d'Orient selon les traditions politiques; mais tout acte religieux, toute façon de voir catholique, faisaient jeter les hauts crisau libéralisme passionné qui dominait la presse et la tribune; et on redoutait jusqu'à un certain point ces accusations de politique ultra-religieuse même sur la question d'Orient. Dans

cette situation si complexe, la France ne pouvait espérer à elle seule le protectorat; bridée par tant de circonstances exceptionnelles, elle devait tendre à un système plus facilement accepté par tous, c'est-à-dire à un protectorat commun sur la Porte Ottomane; il fallait que celle-ci fût enlevée à l'influence exclusivement russe pour passer sous la protection simultanée de toutes les autres puissances. Désormais les négociations devaient se suivre en commun à Constantinople; tout se traiterait de concert, de manière à repousser tous les dangers, à résoudre toutes les difficultés, à imposer la paix ou à empêcher la guerre à Constantinople il y aurait une conférence comme à Londres. Ce système serait-il accepté, et les événemens si imprévus de la question d'Orient ne devaient-ils pas briser ce faisceau joint si imparfaitement. La situation intérieure de la France lui permettait-elle d'ailleurs le développement de ses forces et de son énergie de nation?

CHAPITRE VIII.

LA SESSION RÉPRESSIVE DE 1834.

(DÉCEMBRE 1833 A AVRIL 1834.)

Animosité des partis dans la Chambre.

Les mécontens.

de la session. - Discussion de l'adresse.

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- Les conspirateurs. — Les complices, Les amendeurs. Nuances de la majorité. — Ouverture La diplomatie de M. Bignon. Adhésion de M. de Broglie. Situation délicate en Europe. Notes sur les sociétés secrètes et le désarmement. — Projet de loi contre les crieurs publics. Système de personnalité. - Duel du général Bugeaud et de M. Dulong. Démission de M. Dupont (de l'Eure). - Projet contre les associations. Discussion ardente. Les différens partis. — Le maréchal Soult et la commission du budget. M. d'Argout et M. Thiers. Découragement de M. Barthe.

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Le traité avec les États-Unis. - Rejet du projet. — Démission de M. de Broglie et du général Sébastiani. - Nécessité d'un nouveau cabinet. Démissions de M. Barthe et de M. d'Argout. nouvelé.

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Le ministère reFraction doctrinaire. — M. Guizot, M. Duchâtel, M. Humann. Entrée de M. Persil. — L'amiral de Rigny aux affaires étrangères. — Caractère essentiellement provisoire de cette combinaison.

Le caractère dominant de la session qui va s'ouvrir est surtout une animosité vive et profonde entre les diverses fractions de la Chambre des députés. Jusqu'alors majorité et minorité s'étaient presque entièrement préservées de ces haines de personnes; si l'irritation était dans les masses, au milieu des partis armés, la Chambre avait gardé un esprit de

calme, de douceur et de bons rapports, que désormais elle allait secouer; et cela s'explique par ce seul motif que la bataille décidée dans la rue allait maintenant se donner au sein des pouvoirs politiques. C'était par les lois qu'on marchait à la répression des partis; l'opposition avait espoir que d'ardentes paroles retentiraient au dehors; chacun avait quelque chose sur le cœur et voulait le dire. A cette époque, l'attitude de la Chambre des députés devait rappeler, expliquer ces temps de triste mémoire, où les représentans se proscrivaient entre eux; s'il n'y eut pas alors de caractère fatal et sanglant, c'est que les mœurs ne le voulaient pas; le tonnerre de la tribune ne faisait que gronder comme un bruit sourd, et la foudre n'éclatait pas sur les têtes.

Il faut dire aussi que presque tous les masques étaient tombés; on ne déguisait plus ni ses opinions, ni ses espérances, ni ses principes; il y avait à la Chambre un parti qui s'avouait complétement conspirateur; MM. de Ludre, Cabet, Audry de Puyraveau, Voyer d'Argenson, Garnier-Pagès et d'autres encore, disaient haut, avec franchise, qu'ils voulaient le renversement de l'ordre de choses; ils le manifestaient à la tribune, dans les livres, les journaux et les pamphlets. M. Audry de Puyraveau et M. Voyer d'Argenson avaient même signé la déclaration des droits de l'homme si menaçante pour la famille et la propriété; presque tous étaient liés aux sociétés politiques, et M. de Cormenin lui-même faisait partie des comités. Contre ce parti qui ne ménageait rien, pas même la loi du pays, le gouvernement avait pris une mesure qui avait son importance, c'était celle de la poursuite contre

M. Cabet ('). L'extrême gauche avait dit : « il n'osera pas, » et le ministère avait répondu par un projet d'autorisation de poursuite, et cela pour constater qu'aucune inviolabilité ne pouvait préserver le conspirateur de la responsabilité de ses propres actes. C'était non-seulement une mesure de force actuelle, mais encore une menace, qui s'étendait depuis M. Cabet jusqu'à M. Garnier-Pagès et même à M. de Lafayette.

S'il y avait aussi un peu de conspiration dans le petit côté légitimiste de la Chambre, celle-là était plus douce, moins redoutable, et à vrai dire même, on ne la surveillait que pour montrer un certain caractère impartial et tenir une juste balance, au moment où le côté gauche était harcelé par le parquet. Cette conspiration, depuis la facile pacification de la Vendée, consistait plus en paroles qu'en actions réelles sur la place publique ainsi, c'était sur la nature du serment, sur l'étendue de ses obligations, que se rattachait essentiellement l'innocent complot des légitimistes de la Chambre. M. de Gras-Préville faisait des petites malices en vertu de sa qualité de doyen. M. Berryer, plusieurs fois interpellé sur la nature et la sincérité de son serment, l'expliquait, le développait de manière à ne compromettre ni lui-même ni l'avenir de son parti. C'était souvent une lutte curieuse d'avocats qui s'engageait entre M. Dupin et M. Berryer, comme naguère au barreau, toujours avec le respect d'eux-mêmes et les souvenirs bienveillans d'une lon

(') La poursuite contre M. Cabet étaitdepuis long-temps arrêtéedans le conseil et l'on n'attendait qu'une occasion pour en user; M. Barthe

la lut à la Chambre sans exposer de motifs et comme par improvisation, parce qu'il crut la circonstance bonne pour frapper ce coup.

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