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L'avertissement donné aux fonctionnaires pour amener enfin un vote régulier et discipliné n'avait rien produit, et dès-lors le gouvernement fut décidé à user de ses droits. Il s'agissait des pensions accordées aux Vendéens, et certes ceux-là mêmes qui ne partageaient pas les sentimens d'admiration sur l'héroïsme de la Vendée, devaient au moins reconnaître l'utilité pour le gouvernement d'avoir dans ses mains les moyens d'éteindre la guerre civile, en maintenant aux vieux paysans vendéens les pensions acquises. Un amendement avait été proposé, tout empreint de l'esprit de réaction pour enlever les pensions à ceux qui avaient servi dans la Vendée, dans l'émigration, ou dans la maison civile de la branche aînée des Bourbons. Cet amendement, soutenu par M. Dubois, conseiller de l'Université, contre l'opinion du cabinet, avait trouvé l'appui de toute la gauche, sans en excepter M. Odilon-Barrot. M. Baude, conseiller d'état, l'avait sous-amendé, et je n'ose dire les termes qu'il avait employés contre un officier supérieur, absent et

n'avait pas trouvé assez de secours pour ses affaires, dans la liste civile; la pièce suivante authentique indique pourtant tout ce que le roi avait fait pour lui.

<< La banque de France ayant consenti, par l'arrêté du conseil général du 10 de ce mois, à fournir à la maison J. Laffitte et compagnie de cette ville la somme de six millions de francs pour éteindre entièrement ses acceptations actuellement en circulation, moyennant que j'assure à la banque la rentrée de cette somme, je m'engage, dans le cas où les

paiemens n'auraient pas été faits en tout ou en partie par M. Laffitte lui-même, à rembourser la banque de ces six millions qui ne pourront être pris que sur les revenus de la liste civile, sans qu'il puisse en résulter aucun engagement de ma part sur mes biens particuliers sur mon domaine privé, encore moins sur les biens de mes enfans, aux époques ci-après: 1,300,000 francs le 31 décembre prochain; 4,300,000 francs le 31 décembre 1832; 1,300,000 fr. le 31 décembre 4833; 4,300,000 fr. le 31 décembre 1834; 800,000 fr. le 34

proscrit; le bon goût et l'instinct parlementaires avaient abandonné M. Baude, qualifiant de misérable, de traître, un nom, dont les torts militaires et historiques avaient été exagérés ou travestis par l'esprit de parti. Sur ces discussions, au reste, et par cette désertion de votes, le ministère avait éprouvé un échec: il y avait donc péril dans le doute, et ne fallait-il pas prendre un parti? Le cabinet devait ou donner sa démission ou frapper de destitution MM. Baude et Dubois, afin de ramener une obéissance salutaire. C'était son droit et son devoir, il le fit sans hésiter; le jour même de la séance, M. Baude et M. Dubois furent révoqués ('); ils n'avaient pas seulement dit leurs colères historiques contre la Restauration, ils avaient manqué à la bonne discipline parlementaire. Le système représentatif ne marche que par la majorité, tout acte qui la compromet est une sorte de délit politique punissable. Qu'on se représente les grands cris dans la presse, au sein de la Chambre, étonnées de cet acte de vigueur; mais le coup était porté : comme il avait sa valeur, il devait avoir ses conséquences. Souvent il est nécessaire que le pouvoir montre qu'il

décembre 1835; avec les intérêts à raison de 5 pour 0/0 l'an, lesquels seront joints au capital à chaque époque de paiement.

« Approuvé l'écriture ci-dessus. « Paris, le 15 janvier 1834.

<< LOUIS-PHILIPPE. »

() M. Baude était un esprit doux, inoffensif, mais toujours sous des préventions historiques inimaginables. Depuis il est revenu à des idées d'obéissance administra

tive. Il publia alors dans les journaux la lettre suivante :

<< Trop de personnes m'ont demandé s'il était vrai qu'à la suite de la séance du 5, j'eusse insulté les ministres à leur banc, pour que je puisse me dispenser de démentir, en rétablissant les faits, un bruit auquel une mesure dont je n'ai point l'intention de me plaindre paraît donner quelque crédit. Après la séance, j'ai été violemment interpellé par deux ministres

existe et qu'il agit, autrement quand il doute de luimême, tout le monde se joue de lui; rarement on voit tomber un ministère par les coups de force, c'est par la faiblesse et les condescendances qu'il périt. Il ne faut pas oublier quelle était la situation d'alors : les périls ne venaient pas tous des ennemis du gouvernement, mais de ses propres fonctionnaires; quelques-uns lui étaient hostiles, d'autres restaient neutres; la majorité n'avait pas foi: il fallait donc contenir les uns, raffermir les autres, et prouver à tous qu'on avait de la vie, de la force et de la durée.

et quelques députés du centre sur la manière dont j'avais parlé à la tribune d'un transfuge de Waterloo... Je ne trouverai jamais, aije répondu, de tribune trop haute pour flétrir des gens qui passent à l'ennemi la veille d'une bataille;

la réconciliation est faite entre les
Français qui se sont combattus; il
n'en est point de possible avec ceux
du parti de l'étranger.

« J'ai l'honneur, etc.
<< 7 mars 1833.

« J.-J. BAUDE. >>

CHAPITRE II.

LA FRANCE ET SES PARTIS. AFFAIRE DE MADAME

LA DUCHESSE DE BERRI.

(NOVEMBRE 1832 A JUIN 1833.)

Les fils des vieux ja

L'école américaine.

Ses organes à Paris et

Attitude du parti républicain. - Ses fractionnemens. cobins. Les mutuellistes. Les démocrates élégans. La société des Droits de l'homme. Ses manifestes. dans les provinces. — Les légitimistes. — Leur situation politique depuis l'arrestation de madame la duchesse de Berri. - Protestations. · Brochures. M. de Kergorlay. — M. de Châteaubriand. — Dévoûment chevaleresque pour Madame. Heurtement de partis. Les duels. - Histoire de la captivité de

Blaye.

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La question du mariage. déclaration.

Effet qu'elle

Le général Bugeaud. Inquiétude sur la santé de Madame. Première déclaration. Négociations difficiles. Correspondance avec Naples. Publicité de la produit. Paris dans l'hiver de 1833. - Les bals. Théâtres. La littérature. Les arts. -Salon de 1833. — Finances et Bourse. Industrie. Tendance de la société vers les affaires.

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-Les soirées politiques.

Nulle victoire n'avait été plus complète que celle du pouvoir dans les journées des 5 et 6 juin sur la partie armée de l'opinion républicaine : un combat engagé dans les rues, violemment soutenu avec tant d'énergie, suivi d'une défaite à coups de mitraille, c'était certes un échec profond pour tout un parti. Mais si les forces matérielles de la république étaient vaincues, si la lutte en bataille rangée s'était terminée au profit et à l'honneur du pouvoir, il n'en était pas

de même de la force morale de ce parti républicain. Ses principes, ses opinions, étaient non-seulement dans les lois, mais encore dans l'esprit des masses, dans l'éducation publique, si bien qu'il se trouvait des jurys pour acquitter les coupables, des clubs pour propager leurs principes, des journaux, enfin, pour faire leur éloge avec le retentissement d'une immense publicité.

Quelques mois à peine s'étaient écoulés depuis ces terribles journées que déjà le parti républicain reprenait son attitude menaçante; chassé des rues de Paris il s'organisait en sociétés secrètes, fractionnées elles-mêmes en mille sections différentes, sous des noms bizarres ou significatifs, afin d'échapper à l'application des lois répressives; et dans ce fractionnement, il ne fallait pas croire qu'il se révélat unité de principe, unanimité de vue pour l'application des idées de gouvernement ou même pour la pratique de l'opposition. Le parti républicain se divisait en sectes diverses ('), toutes hostiles à quelques-unes des idées de sociabilité : la propriété, l'héritage, la famille; seulement le caractère spécial de ces opinions professées pourtant par de jeunes hommes, c'est qu'elles n'étaient qu'une imitation, une singerie de l'époque révolutionnaire, une contrefaçon du type de 1793, avec ses nuances, ses énergiques divisions. D'abord les fils des vieux jacobins, les admirateurs de l'époque conventionnelle (*) : et ceux-ci, comme à

(') Les principes de l'associa- Convention nationale en 1793. tion des Droits de l'homme reposaient essentiellement sur la déclaration de Robespierre à la

(2) Les deux comités étaient dirigés par MM. Raspail et Lebon;

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