Page images
PDF
EPUB

de toutes choses, moi Pierre, apôtre de Dieu, et avec moi sa sainte Église catholique et apostolique, que le Seigneur m'a confiée, nous vous en prions instamment, ne laissez pas périr cette ville de Rome, où le Seigneur a établi mon corps, qu'il m'a donnée en garde, et qu'il a instituée le fondement de la foi : délivrez-la elle et son peuple romain, vos frères, et ne les laissez point envahir par la nation des Lombards. Déjà sont envahies vos provinces et vos possessions par des peuples que vous ignorez. Ne vous séparez pas de mon peuple romain; car ce serait vous séparer du royaume de Dieu et de la vie éternelle. Tout ce que vous me demanderez, secours et patronage, je vous l'accorderai. Secourez vous-mêmes mon peuple romain, secourez vos frères; bataillez en perfection et achevez leur délivrance. On n'obtient la couronne qu'après avoir combattu comme il convient : combattez donc avec courage pour la délivrance de la sainte Église de Dieu, de peur que vous ne périssiez pour l'éternité. Je vous en conjure, comme il a été dit ci-dessus, très-chers amis, par le Dieu vivant, et je vous en supplie tout à fait; ne permettez aucunement que cette cité romaine et le peuple qui l'habite, soient plus longtemps déchirés par la gent lombarde, de peur que vos corps et vos âmes ne subissent les mêmes tourments dans le feu éternel et inextinguible du Tartare, avec le diable et avec les anges pestiférés; empêchez qu'on ne disperse les brebis du troupean du Seigneur, troupeau à moi confié, c'est-à-dire le peuple romain, de peur que le Seigneur ne vous disperse et ne vous jette au loin, comme a été dispersé le peuple d'Israël. Sur toutes les nations qui sont sous le ciel, la vôtre, ô Français! a primé aux yeux de Pierre, apôtre de Dieu; et c'est pourquoi je vous ai recommandé, par les mains de mon vicaire, l'Église que le Seigneur m'a donnée, afin qu'il vous plaise de la délivrer des mains de l'ennemi. Croyez ferme et tenez pour sùr que moi, serviteur de Dieu, appelé à l'apostolat, je vous ai subvenus

dans toutes vos nécessités, dès que vous m'en avez prié, et que, par la vertu de Dieu, je vous ai accordé la victoire sur vos ennemis, et que dorénavant, je vous l'accorderai de même, n'en doutez pas, si vous accourez bien vite pour délivrer ma cité romaine. Souvenez-vous encore que j'ai renversé devant vous les ennemis de la sainte Eglise de Dieu, contre lesquels vous combattiez en petit nombre. Hâtez-vous d'accomplir aujourd'hui mes ordres, et méritez plus parfaitement mon secours, en vertu de la grâce qui m'a été donnée par le Seigneur notre Dieu. Fils très-chers, me voici qui vous prêche, qui vous admoneste. Si vous m'obéissez promptement, mes suffrages vous obtiendront une grande récompense dans cette vie présente, vous surmonterez tous vos ennemis, vous vivrez longtemps, vous mangerez les biens de la terre, et vous jouirez sans nul doute de la vie éternelle. Si, au contraire, ce que nous ne croyons pas, vous tardez un seul instant, si, par quelque artifice, vous différez d'accomplir nos ordres, et de délivrer notre ville de Rome et le peuple qui l'habite, et la sainte Église apostolique de Dieu, à moi confiée par le Seigneur, et le pontife de cette Église, sachez que, par l'autorité de la sainte et unique Trinité, par la grâce de l'apostolat, grâce que m'a donnée notre Seigneur JésusChrist, vous serez, pour avoir méprisé notre exhortation, éloignés du royaume de Dieu et de la vie éternelle. Mais que Jésus-Christ notre Dieu et Seigneur qui, nous rachetant de son sang précieux, nous a conduits à la lumière de la vérité, nous a constitués les prédicateurs et les flambeaux de tout le monde, que Jésus-Christ vous donne la sagesse, l'intelligence et l'activité nécessaires pour accourir, sans le moindre délai, à la délivrance de cette ville de Rome et de son peuple, c'est-à-dire de la sainte Église de Dieu, à moi confiée par le Seigneur, afin que, traités miséricordieusement comme des fidèles, vous obteniez de sa puissance, par l'intervention de mes suffrages, d'abord la

faveur de vivre longtemps sains et victorieux sur la terre; ensuite, dans le siècle futur, des récompenses infinies avec ses saints et ses élus. Portez-vous bien. »

VII

Donation prétendue de Louis le Débonnaire'.

Dans son mémoire déjà cité (Piena esposizione de i diritti imperiali, cap. 4, p. 42-49), Muratori a surabondamment démontré que cette prétendue donation de Louis le Débonnaire ne mérite pas plus de confiance que celle attribuée à Constantin.

Entre autres raisons, il se fonde sur les différences considérables qui existent entre les copies qu'en ont publiées Baronius et Raphaël Volaterran. En second lieu, il fait remarquer que la seule copie, que la cour de Rome ait jamais consenti à en produire, est comprise dans un manuscrit daté de 1192, deux cent soixantequinze ans après la date qu'on donne à cette donation. En troisième lieu, Anastase, qui enregistre avec tant d'exactitude tous les titres de cette espèce, ne dit rien de la donation de Louis le Débonnaire.- En quatrième lieu, Louis donne la Sicile et la Calabre, qui ne lui avaient jamais appartenu, et appartenaient, au contraire, aux empereurs de Constantinople. En cinquième lieu, l'acte donne aux Romains le droit d'élire et de consacrer les papes, sans le consentement de l'empereur; tandis

1. Comme pour la donation de Constantin et par les mêmes raisons, nous donnons seulement la traduction française de M. Daunou ; le texte latin se trouve dans l'ouvrage déja cité: Essai historique sur la puissance temporelle des Papes.

qu'il sera démontré ci-après, appendice XIII, par une foule de témoignages, que Muratori paraît n'avoir pas connus, que, jusqu'au milieu du onzième siècle, le droit des empereurs de confirmer les élections des papes fut maintenu en fait comme en droit.

Ajoutons que les Bénédictins, dans le Recueil des historiens de France (tome VI, p. 509), ont rejeté la pièce comme apocryphe, et que telle est aussi l'opinion du très-savant P. Pagi, dans son grand ouvrage critique sur Baronius, ad ann. 817, p. 7 : « Donatio, quæ a Gratiano dicitur facta Ecclesiæ romanæ a Ludovico Pio, « non minus commentitia quam quæ Constantino magno affingitur. »

[ocr errors]
[ocr errors]

En admettant au surplus, ce qui paraît bien prouvé, que la pièce soit entièrement fabriquée, ou tout au moins tellement interpolée qu'elle ne puisse inspirer aucune confiance, il faut reconnaître que le faussaire fut un peu moins maladroit que ne l'avait été le fabricateur de la donation de Constantin. Au surplus en voici la teneur :

« Au nom du Seigneur, Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, moi Louis, empereur auguste, je donne, concède et confirme par le présent pacte, à toi, bienheureux Pierre, prince des apôtres, et par toi, à ton vicaire, dom Pascal, souverain pontife et pape universel, et à ses successeurs, à perpétuité, ce que vous avez reçu de nos prédécesseurs, ce que vous tenez en votre puissance et disposition, la ville de Rome, avec son duché, sa banlieue, ses aboutissements, ses territoires montagneux, ses rivages maritimes et ports, toutes les villes, châteaux, bourgs et villages, du côté de la Toscane; savoir Porto, Civita-Vecchia, Céré, Bleda, Maturano, Sutri, Nepe, Castello-Gallesi, Horta, Polimartio, Amelia, Todi, Pérouse, avec les trois autres îles, c'est-àdire la grande, la petite, Pulvenza et le lac, Narni, Otricoli, avec tous les confins et territoires appartenant aux susdites villes; de même, du côté de la Campanie, Segni, Anagni, Ferentino, Alatri, Patrico, Frosinone,

et autres lieux de la Campanie; aussi Tivoli, avec tous les confins et territoires qui appartiennent aux mêmes villes; de plus l'exarchat de Ravennes tout entier, avec les villes, cités, bourgs et châteaux, que le roi dom Pépin, de pieuse mémoire, et notre père, d'honorable memoire aussi, l'empereur Charles, ont jadis restitués, par donation écrite, au bienheureux Pierre, apôtre, et à vos prédécesseurs; savoir, la ville de Ravennes, la province Émilienne, Bobio, Césène, Forlimpopoli, Forli, Faenza, Imola, Bologne, Ferrare, Comacchio, Adria, Gavelo, avec tous les confins, territoires et îles appartenant sur terre et sur mer aux susdites cités; ensemble la Pentapole, savoir, Rimini, Pesaro, Fano, Sinigaglia, Ancône; en outre, Umana, Jesi, Fossombrone, Montefeltri, Urbino, le territoire de Gualdo, Calli, Luceolo, Gubbio, avec toutes les limites et terres dépendantes desdites villes; de même la Sabine, ainsi qu'elle a été accordée dans son intégrité, par une donation écrite de notre père l'empereur Charles, au bienheureux apôtre Pierre, et conformément aux limites tracées entre le territoire sabin et Rieti, par les abbés Ithère et Macénaire, envoyés dudit empereur; item, dans les parties de la Toscane occupées par les Lombards, Felicità, Orvieto, Bagnorea, Ferento, Viterbe, Marta, Toscanella, Porto-Ferrajo, Soana, Rosella; et les îles de Corse, de Sardaigne et de Sicile1, dans leur intégrité, avec toutes leurs dépendances et territoires maritimes, rivages, ports, appartenant aux susdites cités et îles; item, dans les parties de la Campanie, Sora, Arci, Aquino, Arpino, Teano, Capoue, et les patrimoines qui nous appartiennent et sont en notre puissance, tels que ceux de Bénévent, de Salerne, de la Calabre inférieure et supérieure, et de Naples; et tous

de

1. La Sicile appartenait alors, sans conteste, aux empereurs Constantinople; les rois francs n'y avaient jamais eu aucun droit : la donation est donc ou fausse en entier ou tout au moins interpolée.

« PreviousContinue »