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«ment de venir vous justifier sur tous ces chefs. Si vous craignez l'insolence du peuple, nous vous promettons, « avec serment, qu'il ne sera rien fait que selon les canons.» Pour toute réponse Jean XII excommunia quiconque oserait coopérer à l'élection d'un nouveau Pontife. Cette menace n'empêcha point le concile assemblé par Othon de déposer Jean XII et d'élire à sa place Léon VIII.

Après la mort d'Othon le Grand et pendant la longue absence de son successeur, Othon II, nouvelle éclipse du pouvoir impérial. Aussitôt les nobles turbulents de Rome, fortifiés dans leurs palais de ville ou leurs chàteaux de la campagne, recommencent à se disputer la Papauté. Un certain Albéric, comte de Tusculum, peutêtre petit-fils de l'Albéric dont nous venons de parler, et Crescentius, qui prenait le titre de consul, font alternativement dominer leur faction de Benoît VI à Jean XV, de 972 à 996.

A la même période appartient Jean XIX, qui fut chassé par les Romains, puis rétabli en 1033 par l'Empereur Conrad, qu'il avait couronné en 1027.

A Jean XIX succéda son neveu (1033), qui prit le titre de Benoît IX: c'était certainement un très-jeune homme, quoiqu'il soit peu vraisemblable qu'il n'eut que dix ans, ainsi que l'affirme Glaber (liv. IV, c. v, et V, v). Voici ce qu'en dit le Pape Victor III, l'un de ses successeurs et de ses contemporains :

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« J'ai horreur de dire combien honteuse fut la vie de « Benoît IX, combien dissolue, combien détestable; aussi, ne commencerai-je mon récit qu'à l'époque où « Dieu prit en pitié la sainte Église. Après que Benoît IX « eut longtemps fatigué les Romains par ses vols, par « ses meurtres, par ses abominations, l'excès de sa scélératesse devint insupportable; il fut chassé le par peuple et, pour le remplacer, on élut, à prix d'argent « et au mépris des saints canons, Jean, évêque de Sa« bine, qui n'occupa que trois mois le Saint-Siége, sous << le nom de Silvestre III. Benoît IX, qui descendait des

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<< consuls de Rome et qu'un parti puissant rappelait, « dévasta les environs de la ville et, à l'aide de ses soldats, contraignit Silvestre de retourner ignominieuse« ment dans son évêché de Sabine. Benoît IX, en re« prenant la tiare, ne changea point de mœurs; mais, toujours odieux au clergé, au peuple que ses désordres continuaient de révolter; effrayé lui-même des clameurs qui s'élevaient contre ses crimes; livré d'ailleurs aux voluptés et plus enclin à vivre en épi⚫ curien qu'en pontife, il prit le parti de vendre le pontificat à un archiprêtre, Jean, qui lui en compta une somme considérable. Ce Jean néanmoins passait dans << la ville pour l'un des meilleurs ecclésiastiques; et « tandis que Benoît IX habitait des maisons de plai«sance, Jean, sous le nom de Grégoire VI, gouverna l'Église deux ans et trois mois, jusqu'à l'arrivée de « Henri III, Roi d'Allemagne.» (Dialog., 1. III, in App. Chron. Cassin.)

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Comme on l'a déjà dit, Henri III intervint très-utilement et fit cesser le désordre, en élevant successivement à la Papauté quatre évêques allemands, Clément II, Damase II, Léon IX et Victor II, qui rétablirent l'honneur de la chaire de saint Pierre, et présagèrent, s'ils ne la préparèrent pas, la réforme morale de l'Église, que Grégoire VII devait bientôt inaugurer avec une si indomptable énergie1.

Nous regrettons d'avoir eu à entrer dans les tristes détails consignés dans cet appendice, mais ils étaient nécessaires pour établir ces trois points, à savoir : 1° Combien, au dixième et jusque vers le milieu du on

1. Quelques années plus tard, le grand réformateur Grégoire VII n'hésitait pas à attribuer à l'ambition des choses temporelles ce relâchement général du clergé : « Cum mentis intuitu partes occi« dentis, sive meridiei, aut septentrionis video, vix legales episco«pos introitu et vita, qui christianum populum Christi amore et a non seculari ambitione regant, invenio. » (Epist. lib. II, 49, ad Hugon. abb. Clun.)

zième siècle, furent incontestées, quoique intermittentes, non-seulement la souveraineté des Empereurs sur Rome et l'Italie, mais encore leur immixtion dans les affaires de l'Église; - 2o que loin d'être nuisible à la religion, l'intervention impériale rétablit deux fois l'ordre dans l'Église; 3o enfin qu'à cette époque la Papauté n'échappait au pouvoir impérial que pour tomber sous l'action désordonnée des factions.

XV

Donation de la comtesse Mathilde.

Mathilde, fille de Béatrix, héritière du duché de Toscane, que les Italiens ont appelée la grande comtesse, la grande Italienne, avait épousé Gottfried le Bossu. Grégoire VII ayant cassé le mariage (1074), Mathilde se montra pour le Saint-Siége l'amie la plus dévouée, la plus ferme et la plus persévérante, durant les longues luttes qui éclatèrent, entre le Sacerdoce et l'Empire, pendant la fin du onzième siècle et une partie du douzième.

Il paraît que, dès l'année 1077, pendant un séjour de trois mois que Grégoire VII fit dans ses États, Mathilde aurait déjà fait au Saint-Siege une donation dont l'étendue n'est pas connue. C'est du moins ce qui résulte de la donation nouvelle qu'elle fit en 1102 et que Fleury traduit ainsi d'après Baronius, en omettant seulement le préambule et la partie finale (Hist. ecclés., livre LXV, n° 24):

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« Au temps du Pape Grégoire VII, dans la chapelle de Sainte-Croix, au palais de Latran, en présence de

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« plusieurs nobles Romains, je donnai à l'Eglise de Saint-Pierre, le Pape acceptant, tous mes biens présents * et à venir, tant deçà que dela les monts; et j'en fis « faire une charte. Mais, parce que cette charte ne se « trouve plus, craignant que ma donation ne soit révoquée en doute, je la renouvelle aujourd'hui, entre les mains de Bernard, cardinal-légat, avec les cérémonies usitées en pareil cas, et me dessaisis de tous mes biens au profit du Pape et de l'Église romaine, sans ⚫ que moi et mes héritiers puissions jamais venir à l'en« contre, sous peine de mille livres d'or et quatre mille livres d'argent. Fait à Canossa, l'an 1102, le dix-septième de novembre. »

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Voici, du reste, le texte original complet de cette donation célèbre, tel que le donne Muratori, Script. rer. Ital., V, 384.

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cima.

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« In nomine sanctæ et individuæ Trinitatis, anno ab Incarnatione Domini nostri Jesu Christi MCII, quinto decimo die Kal. Decembris, Indictione deTempore domni Gregorii septimi Papæ, in Lateranensi palatio, in capella Sanctæ Crucis, in præsentia Cencii Frangipane, Gratiani, Cencii Franculini, et Alberici de Petro Leone, et Benincasa, fratris ejus Uberti de Tuscia, et aliorum plurium. Ego Mathilda, Dei gratia, comitissa, pro remedio animæ meæ, et parentum meorum, dedi et obtuli ec« clesiæ Sancti Petri, per interventum domini Gregorii Papæ VII, omnia bona mea, jure proprietario « tam quæ tunc habueram, quam ea, quæ in antea acquisitura eram, sive jure successionis, sive alio quocunque jure ad me pertinent, et tam ea quæ ex hac parte montium habebam, quam illa quæ in ultramontanis partibus ad me pertinere videbantur, omnia, « sicut dictum est, per manum domini Gregorii VII, Papæ romanæ Ecclesiæ dedi, et tradidi, et chartulam inde fieri rogavi. Sed quia chartula nusquam apparet,

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et timeo, ne donatio, et oblatio mea in dubium re« vocetur, ideo ego, quæ supra, comitissa Mathilda, iterum a præsenti die dono et offero eidem Romanæ Ecclesiæ, per manum Bernardi cardinalis et legati ejusdem romanæ Ecclesiæ, sicut in illo tempore dedi, per manum domini Gregorii omnia bona mea, tam quæ nunc habeo quam quæ in posterum, Deo propitio, acquisitura sum, et tam ea quæ ex hac parte montium, quam in ultramontanis partibus habeo, quam quæ in posterum, Deo propitio, acquisitura sum, « alio quocumque jure, pro mercede, et remedio animæ « meæ, et parentum meorum. Quæ autem ista mea «bona juris mei superius dicta, una cum accessionibus, seu cum superioribus, et inferioribus suarum, qualiter supra legavi, in integrum, ab ea die, in eadem ecclesia, dono et offero, et per præsentem chartu«lam offersionis ibidem habendam confirmo. Insuper « per cultellum, festucam nodatam, gantonem et vas<«cionem terræ, atque ramum arboris, (tradidi) et me «<exinde foras expuli, garpivi, et absentem me feci, «et a parte ipsius Ecclesiæ habenda reliqui, fa<< ciendum exinde pars ipsius Ecclesiæ a præsenti die quicquid voluerit, sine omni mea, et heredum ac prohæredum meorum contradictione. Si quid vero (quod futurum esse non credo) sive ego comitissa « Mathilda, quod absit, aut ullus de hæredibus, ac prohæredibus meis, seu quælibet opposita persona <«< contra hanc chartulam quandoque offersionis ire, agere tentaverimus, aut tam per quodvis ingenium infringere quæsierimus, tunc inferamus ad illam par<< tem, contra quam exinde litem intulerimus, mulc<< tam, quod est pœna auri optimi libras mille; argenti pondera quatuor millia, et quo repetierimus, vindi«< care non valeamus; sed præsens hæc chartula offer«sionis omnibus temporibus firma permaneat, atque persistat, et pergamena cum atramentario de terra levavi, pagina Guidonis notarii tradidi, et scribere

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