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hongrois, pour apprendre d'eux que leur pays appartenait à l'Église romaine. (Epist. II, 13, 63; — Fleury, loc. cit.)

Aux princes espagnols, il écrivait que saint Pierre était seigneur suzerain de tous leurs petits États; et qu'il vaudrait mieux que l'Espagne tombât au pouvoir des Sarrasins que de ne pas rendre hommage au Vicaire de Jésus-Christ. (Fleury, loc. cit.)

Du duc de Bohême, il exigeait un tribut de 100 marcs d'argent.

Imitez

Il dénonçait le Roi de France, Philippe I, aux évêques français comme un tyran plongé dans le crime, et auquel ils devaient résister vigoureusement. (leur disait-il) l'Église romaine, votre mère; séparezvous du service et de la communion de Philippe, s'il demeure endurci; que la célébration des saints offices soit interdite dans la France entière; et sachez qu'avec l'aide de Dieu, nous délivrerons la France d'un tel oppresseur.» (Epist. II, 5.— Fleury, liv. LXII, no 16.)

Quant à l'Empereur Henri IV, on a vu ci-dessus, à l'occasion des investitures, comment, après l'avoir excommunié trois fois, les Papes soulevèrent contre lui ses deux enfants Conrad et Henri, depuis Henri V.

Voici en quels termes Grégoire VII avait prononcé la déposition de cet Empereur, qui expia par tant de malheurs les fautes de sa jeunesse ; ils méritent d'être notés, car, suivant Othon de Frisingue, c'est le premier exemple d'un Roi déposé par un Pape1: - « De la part

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de Dieu tout-puissant et de ma pleine autorité, je dé«fends à Henri, fils de Henri, de gouverner le royaume « teutonique et l'Italie; j'absous tous les chrétiens des «< serments qu'ils lui ont faits ou lui feront; il est interdit

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1. Quant à la sentence d'excommunication, véritablement trèséloquente, que prononça Grégoire VII, sous la forme d'une invocation aux apôtres Pierre et Paul, en voir le texte, trop étendu pour être reproduit ici, dans Mansi, XX, 476.

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à toute personne de lui rendre aucun service comme « à un Roi. » (Concil. X, 536.)

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Plus tard, il excommunie de nouveau Henri IV et donne sa couronne à Rodolphe de Souabe : « Je lui aôte la couronne (dit-il) et je la donne à Rodolphe. Il fit même présent à ce dernier d'un diadème sur lequel était ce vers latin :

Petra dedit Petro, Petrus diadema Rodolpho.

Urbain II souleva contre Henri IV son fils Conrad. Né sujet du Roi de France, et y recevant asile, Urbain excommunia aussi Philippe Ier pour avoir répudié Berthe et épousé Bertrade.

Pascal II excommunie de nouveau Henri IV et soulève contre lui son fils Henri. Il renouvelle contre le Roi de France les censures de son prédécesseur.

Avec moins de sauvage grandeur dans la forme, Innocent III, ce Pontife d'ailleurs si éminent par la vertu et l'esprit, étendit plus qu'il ne les restreignit les maximes de Grégoire VII.

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Comme Grégoire VII, il pense que le prêtre a pouvoir non-seulement sur les choses spirituelles, mais encore sur les choses temporelles : - Dominus Petro non solum universam Ecclesiam, sed totum reliquit sæculum gubernandum. » (Epist. II, 209, ad Patriarch. Constant.)

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Rex regum et Dominus dominantium Jesus Chris<< tus.... ita regnum et sacerdotium in Ecclesia stabilivit « ut sacerdotale sit regnum et sacerdotium sit regale... (Epist. XVI, 131, ad Joann. Angl. reg.)

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Dans l'épître 101 du livre I, reprenant une comparaison déjà faite par Grégoire VII, il compare le pouvoir spirituel au soleil et le pouvoir royal à la lune, qui n'a pas de lumière propre, mais seulement celle qu'elle reçoit du soleil, puis il en tire la conséquence :

Porro sicut luna lumen suum a sole sortitur, quæ revera minor est illo quantitate simul et qualitate,

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« situ pariter et effectu; sic regalis potestas ab aucto«ritate pontificali suæ sortitur dignitatis splendorem. De cette comparaison favorite, les théologiens du treizième siècle avaient tiré le singulier raisonnement que voici Comme la terre est sept fois plus grande que la lune et le soleil huit fois plus grand que la terre (disaient-ils), il en résulte que la dignité pontificale est quarante-sept fois plus grande (ils auraient dù dire cinquante-six fois) que la royale; et, par un autre calcul, ils montraient que le Pape est sept cent mille fois plus qu'un roi.

C'est sur des raisonnements non moins singuliers qu'Innocent revendique, pour le Saint-Siége, le droit d'être arbitre de la paix ou de la guerre, entre les princes. Nous ne sommes sans doute pas juges des intérêts terrestres (de feudo) mais nous le sommes du péché : or, dans toute guerre, l'une des parties, souvent les deux, sont injustes et partant en péché; donc nous avons le droit de juger. «Non enim intendimus. judicare de feudo, sed decernere de peccato, cujus ad nos pertinet sine disputatione censura, quam in quemlibet exercere possumus et debemus. Non igitur « injuriosum sibi debet regia dignitas reputare, si super hoc apostolico judicio se committat. Prælat. Francia.)

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(Epist. ad

Dans le débat entre Othon IV et Philippe de Souabe, qui se disputent l'Empire, Innocent III ne se fait aucun scrupule d'excommunier Philippe, au profit de son concurrent, et de délier de leur serment ceux qui lui avaient juré fidélité « Personam Philippi tanquam indignam quoad Imperium.... reprobamus et juramenta quæ ratione regni sunt ei præstita decernimus non esse « servanda. » Puis il accorde la couronne à Othon, son fils chéri, qui, en récompense, jure d'honorer le Pape et de lui obéir, comme avaient coutume de faire les Empereurs catholiques. (Registr. imper., epist. 33 et 77.)

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Les princes et évêques partisans de Philippe répondirent comme l'avaient fait, au neuvième siècle, Hincmar, archevêque de Reims, et plus récemment les évêques de France sous Grégoire VII, en renvoyant le Pape au sanctuaire et en lui prouvant que, comme il ne peut être en même temps roi et évêque (Quia rex simul et episcopus. esse non potest), il ne doit pas s'occuper des affaires de l'État. (Ecclesiasticum ordinem, quod suum est et non rempublicam quod regum est disponat.) (Dom Bouquet, VII, 537. — Cf. Registr. imper., epist. 61.)

Cependant tel était alors l'effet des excommunications1 que Philippe s'efforça de faire sa paix avec le Pape, en lui offrant la restitution des biens de la comtesse Mathilde, la Toscane, Spolète et la marche d'Ancône. (Raynaldi, Annal. eccl. ad ann. 1203.)

Je crois inutile de pousser plus loin les citations, que j'aurais pu multiplier presque sans fin; celles qui précèdent suffisent pour justifier ce que j'ai annoncé au commencement de ce XVII appendice, à savoir qu'égarés par leur triomphe dans l'affaire des investitures, les Papes, même les meilleurs, s'étaient laissé emporter au delà de toutes les bornes; et, après avoir combattu la confusion du spirituel et du temporel dans les investitures par la crosse et l'anneau, avaient reconstitué cette confusion, en proclamant la suprématie théocratique universelle. Je croirais peu digne d'un travail sérieux de relever la partie anecdotique de cette mémorable époque, où la Papauté nous apparaît si grande, malgré ses égarements ambitieux.

1. Du moins hors de l'Italie; car, en Italie, ainsi que nous le verrons page 194 et 374, les Papes avaient déjà considérablement perdu de leur influence morale: Henri IV en fournit un exemple frappant. Ce prince qui, en Allemagne, s'était vu abandonné de tous, après son excommunication, vit, au contraire, accourir audevant de lui, à son arrivée en Italie, une foule de prélats italiens.

XVIII

De la véritable date de la fondation de la Souveraineté temporelle des "’apes.

J'avais dit, dans mon Discours, qu'Innocent III avait jeté les premiers fondements de la Souveraineté temporelle de la Papauté. A la séance du 3 mars, Mgr de Besançon a paru disposé à contester cette proposition, et sans doute à attribuer à la Souveraineté temporelle une date plus ancienne. C'est en effet le langage ordinaire des défenseurs de la Souveraineté temporelle d'affirmer que son origine se perd dans la nuit des temps, qu'elle est la plus ancienne et par conséquent la plus respectable souveraineté de l'Europe.

Quant à sa respectabilité, c'est un point que je ne veux pas traiter, ou que, du moins, je ne me résoudrais à traiter que si j'y étais très-fortement provoqué. Quant à son ancienneté, je me crois pleinement autorisé à maintenir le point de vue indiqué dans mon Dis

cours.

Ce n'est pas que j'entende nier qu'on ne puisse, bien avant Innocent III, trouver des Papes qui aient fait des actes ressemblant à des actes de souveraineté. J'avais moi-même signalé le fait, en disant qu'à partir de Charlemagne les Papes possédèrent des territoires, non à titre souverain, mais comme vassaux de l'Empire, avec un pouvoir subordonné en droit, plus ou moins étendu en fait, selon que l'Empereur était faible ou fort (Discours, ci-dessus, page 28). Ce fait n'a rien qui soit particulier aux Papes; c'était le caractère général de l'orga

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