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let), puis la rentrée des Autrichiens à Milan (7 août), qui, non sans quelque raison peut-être, furent attribués à la défection de la cause italienne par le premier des Italiens, ces désastres devaient exaspérer le mécontentement; et c'est ce qui arriva.

Nous surtout, Français, avons-nous donc perdu le souvenir de l'effet produit en France, en 1792, par la prise de Verdun?... et lorsque, dans notre patrie, l'éphémère victoire des Prussiens produisit les hideuses hécatombes de septembre et la grande immolation du 21 janvier, comment pouvons-nous juger si sévèrement l'exaspération des Italiens aux lamentables désastres de Vicence et de la Custozza?

La liberté italienne ne se défendait plus qu'à Venise.... et ce mémorable exemple de ce que peut le patriotisme, qui combat au lieu de calculer, ne servait qu'à exalter les passions partout où flottait encore le drapeau italien, à Rome surtout. Si, pour tous, le Roi de Naples était un traître à la cause nationale, le Pape n'était encore, pour tous, qu'une conscience trop timorée, au-dessous de la situation.

Le Gouvernement glissait, peu à peu, des mains du Pontife, quand il appella au ministère le seul homme peut-être qui fût à la hauteur d'une pareille tâche, si toutefois elle n'était pas au-dessus de toute force humaine, l'infortuné Rossi (15 septembre 1848).

Le 15 novembre, Rossi tombait assassiné devant la porte du parlement.

Le 25, le Pape quittait Rome pour se rendre à Gaëte; ce fut le voyage à Varennes de la Papauté.

III PÉRIODE.

Depuis le départ pour Gaëte.

Par ce départ, le parti modéré, qui dominait dans les Chambres représentatives, se trouva tout à coup paralysé et débordé; en quittant Rome, Pie IX avait livré la place à la révolution.

Le parlement romain fit d'honorables efforts pour conjurer la crise. Il députa à Gaëte, pour supplier le SaintPère ou de rentrer dans ses États ou de nommer une régence qui choisirait un ministère. La députation ne fut même pas reçue; et, dès lors, la direction des affaires, rendue impossible au parti modéré, tombait nécessairement aux mains des plus audacieux.

8 décembre, manifestation qui demande la déchéance du Pape. Nouveaux efforts du parti modéré, qui institue une junte de gouvernement, en attendant le retour du Pape.

Pie IX et son Ministre Antonelli protestèrent contre cette junte, composée cependant d'hommes modérés, le prince Corsini, sénateur de Rome, Zucchini, sénateur de Bologne, et Camerata gonfalonier d'Ancône.

Le parti modéré, ainsi désavoué par le Souverain, était désormais impuissant; il se retira, en convoquant une nouvelle assemblée, nommée par le suffrage universel; et, le 9 février, cette assemblée prononça la déchéance du Pape et proclama la république.

Bientôt arriva le grand désastre de Novare (mars 1849); le héros de l'Italie, Charles-Albert, alla mourir obscurément à Porto; et bientôt Rome et Venise furent seules en armes pour la cause de la révolution; on sait ce qui advint de cette lutte par trop inégale.

IV PÉRIODE.

Depuis la restauration de Pie IX.

On pouvait espérer que ce gouvernement, restauré par nos armes, se montrerait au moins docile aux conseils de son généreux protecteur, qu'il établirait enfin, pendant le calme, les réformes qui avaient sombré dans la tempête.... Il n'en a rien été; et la politique du SaintSiége peut se réduire à ces deux raisonnements. pays est-il calme.... A quoi bon, dit-il, des réformes que personne ne réclame? le peuple est satisfait; pourquoi lui offrir ce qu'il ne demande pas? ne demande pas? - Le pays,

- Le

las d'attendre, s'agite-t-il.... Il ne convient pas à la dignité du Pontife de paraître céder à la force; attendons que le calme soit rétabli.

A ce jeu, le Gouvernement pontifical a perdu ses plus belles provinces.... Conservera-t-il ce qui lui reste? C'est le secret de Dieu.

Quoi qu'il doive advenir, je reviens à mon point de départ et je demande à tout homme de bonne foi, s'il est vrai que les Italiens aient eu autant de torts que l'affirment certaines personnes; je demande surtout s'il n'est pas démontré que la fatale encyclique du 29 avril a été la cause première des malheurs dont l'Italie n'a pas eu moins à souffrir que la Papauté.

En défendant les Italiens contre des reproches que je crois injustes, ai-je entendu déverser le blâme sur le Pontife?... Non Dieu m'en garde; seulement qu'il me soit permis de rappeler ici ce que disait Pétrarque d'un autre Pontife qui, lui aussi, « par son esprit de mansuétude, son exquise bienveillance et son caractère angélique1 avait fait naître des espérances qui ne se « réalisèrent pas.

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A l'avénement d'Urbain V, le monde avait tressailli, comme depuis à l'avénement de Pie IX : c'était l'homme marqué du doigt de Dieu.

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La volonté de Dieu se déclare dans votre élection (lui écrivait Pétrarque) avec une telle évidence qu'elle éclaire même les aveugles'.....

Puis plein d'espoir dans l'avenir qu'un tel Pape semblait promettre à l'Italie, il s'écriait : « Le Christ, notre Dieu, nous regarde enfin en pitié! Il vient mettre un << terme à ces maux qui depuis tant d'années nous accablent.... Heureux le monde sous un tel chef'. Quelque temps après, Pétrarque écrivait, dans l'amertume de ses espérances déçues :

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»

« Il a déserté sa noble tâche; il l'a désertée par les

1. Petrarc., Rer. senil., lib. II, epist. 3.2 et 3. Ibid., VII, 1.

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perfides influences dont l'obsédaient ses conseillers, afin de prouver qu'il est difficile, non de commencer de grandes entreprises, mais d'y persévérer.... Je ⚫ souhaite que les choses humaines prennent un heureux « cours; je le souhaite encore; je ne l'espère plus. Lui « seul me paraissait l'homme prédestiné à réaliser mes pensées; c'était une áme choisie, une âme disposée, si on la laissait libre, à toute œuvre excellente; mais c'est chose grande et rare que la persévérance dans un « dessein généreux. Au milieu de tant de conseils perfides et menteurs, de tant de voix discordantes, de << tant de courants ennemis, rester inébranlable, qu'est« ce autre chose que de naviguer avec succès contre le vent? ...... il lui fallait le secours de beaucoup, l'ef« fort désespéré des rameurs, et celui dont je parle, les • rameurs l'avaient abandonné. Tous se jetaient en sens « contraire, tous voulaient suivre le vent, tous invo« quaient les écueils et aspiraient au naufrage1. Seul, qu'eut-il pu contre tant de volontés.... Ah! si contre « tous il avait pleinement voulu!... Il a voulu, je le ne « nie pus, mais il a voulu plus faiblement que ne l'exigeait la grandeur de l'entreprise. Il s'est laissé entraîner dans la voie funeste; et pour plaire à des « hommes mauvais, il a déplu à tous les bons, et à ceux« là même, grand Dieu! à qui il voulait plaire. Hélas! si, dédaignant ces hommes qu'il n'aimait pas et qui certes étaient loin de l'aimer; si, ce qui surtout lui appartenait, étouffant les résistances, sous le poids de l'autorité, il fût resté fidèle à son généreux début, il prenait place à jamais parmi les plus illustres!........ Si j'ai eu quelque espérance, je l'abandonne. » (Petrarc., XIII, 13.)

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1. Cette politique, qui appelle la tempête et spécule sur les épaves du naufrage, prévaut encore, en 1862, comme elle prévalait déjà, en 1370. — Voir la dépêche de M. de Gramont du 3 mars 1860, dans les Documents diplomatiques de 1861, page 73; et, ci-après, APPENDICE XXVIII.

XXIII.

Opinions de diplomates, hommes d'État et publicistes et rapports de la police autrichienne sur les abus et les vices du gouvernement clérical.

Les vingt premières pièces sont empruntées au discours prononcé au Sénat, le 1er mars, par S. A. I. le Prince Napoléon; les vingt-deuxième, vingt-troisième, vingt-quatrième sont le mémorandum de 1861, la réponse du cardinal Bernetti et la lettre de Rossi; la vingt-cinquième contient l'opinion de M. Lamartine, en 1847; enfin les pièces vingt-six à trente-deux sont des rapports de la police autrichienne.

N° 1er. 1667. Extrait d'une dépêche du duc de Chaulnes, ambassadeur de France à Rome.

J'avouerai ingénument, que j'ai trouvé la Cour romaine au-dessous de l'idée que l'on s'en fait généralement, et si la vertu et l'application de Clément IX ne me faisaient espérer une amélioration de l'état actuel des choses, je regarderais comme certain que nous devons nous attendre à en voir de nos jours la fin, politiquement parlant, puisque, quant à l'Église, je crois fermement, comme catholique, que les portes de l'enfer non prævalebunt adversus eam. »

N° 2.

30 janvier 1765. Extrait d'un résumé rédigé par M. Millon, secrétaire du marquis d'Aubeterre, représentant de la France à Rome.

En tout, ce pays est très-mal administré. Le Gouvernement se mêle cependant de tout, surtout du

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