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accorde cor docile, et sedium suarum assistricem sapientiam; et la grâce spéciale à Votre Sainteté comme à ses successeurs: «< Ut sic transeatis per bona temporalia, ut non amittatis æterna. »

Et ici, avec la plus tendre vénération, donnant a Votre Sainteté le dernier adieu, j'embrasse et baise ses pieds sacrés.

15 juin 1664.

De Votre Sainteté,

Le très-humble, très-dévoué et très-obéissant serviteur,

GIULIO-Cæsare Sacchetti.

XXV

Textes et explications établissant que les richesses et la puissance temporelle de l'Église furent les principales causes de la réforme de Luther et en amenèrent le succès.

S'il est, en histoire, une vérité incontestable, c'est assurément celle qui se trouve énoncée dans la rubrique de ce XXVe appendice. Elle a été en effet reconnue par les plus zélés catholiques et notamment par notre grand Bossuet, dans son Histoire des Variations. Ce ne fut pas une querelle de moines, comme le disait Léon X, avec un dédain un peu léger; une simple dispute sur les indulgences ou sur quelque point de théologie; ce fut une réaction nationale et politique, plus encore que religieuse, contre les abus de la richesse et du pouvoir temporel de l'Église romaine.

Sous ce rapport, nulle terre en Europe n'était aussi bien préparée que l'Allemagne; parce que nul pays n'a

vait autant souffert de l'ambition de la Papauté; parce que nulle part, autant que dans l'Église allemande, le pouvoir temporel du prince ne s'était associé au pouvoir spirituel de l'évêque.

Ainsi que je l'ai dit dans mon Discours (page 38), Luther ne s'attaqua point tout d'abord au dogme. Dans les premiers temps, il ne paraît même pas avoir eu la pensée de se séparer de Rome : deux fois, en deux ans, il écrit au Pape pour se soumettre à son jugement.

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Je ne pouvais m'imaginer (écrivait-il, plus tard, en parlant de ses propositions sur les indulgences) qu'elles « fissent tant de bruit.» En 1520, dans la préface de sa Captivité à Babylone, il disait encore:

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Que

je le veuille ou non, je deviens, chaque jour, plus sa« vant et plus hardi.

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Si l'on y regarde de près, on demeurera convaincu que Luther entraîna moins l'Allemagne qu'il ne fut entraîné par les tendances générales qui dominaient alors dans ce pays; et ces tendances étaient déterminées par des causes qui avaient elles-mêmes un caractère bien plus politique que religieux.

Cela est si vrai que, lorsque Luther comparut devant la Diète de Worms, assemblée pour le juger, en 1521, on tenta d'obtenir de lui qu'il distinguàt entre ses attaques contre le dogme et celles contre la hiérarchie, la discipline, les usurpations, abus et exactions de la Cour de Rome. Si Luther eût accepté cette distinction, la Diète était évidemment disposée non-seulement à l'absoudre, mais à prendre à son compte tous les griefs articulés par le réformateur contre l'Église extérieure. (Ranke, Hist. de la Réforme, I, 488 et Mignet, Diète de Worms.)

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Suadent igitur ut, dato ei salvo commeatu, vocetur et interrogetur an articulos contra sanctam fidem christianam, a majoribus acceptam et hucusque servatam, « revocare vellet, quo facto in aliis audiri eum et quæ « æqua videbuntur constitui posse. » (Seckendorf, Hist. Luther, liv. I, p. 148.)

Un comité de la Diète, nommé à cet effet, rédigea même l'ensemble des griefs que l'Allemagne avait à faire valoir contre l'Église romaine; et ces griefs étaient de plus d'un genre. (Walch XV, 2058.)

I. On sait que l'usage adopté par les Empereurs, depuis Charlemagne, de se faire couronner à Rome, avait servi à quelques Papes de prétexte, pour soutenir que c'était d'eux que les Empereurs tenaient la couronne : c'était là sans doute une prétention démentie par l'histoire, ainsi que le prouvent les textes cités aux appendices X et suivants; mais enfin cette prétention avait servi de prétexte à la Papauté pour intervenir dans l'élection des Empereurs, et se faire acheter, par des concessions, soit son appui moral, soit la cérémonie religieuse du couronnement. (Voir ci-dessus pag. 166 et 201, ce qui a été dit d'Othon IV.) Gette immixtion avait servi plus souvent à compliquer les difficultés qu'à les aplanir, et elle était devenue odieuse aux Allemands.

D'un autre côté, les longues luttes entre le Sacerdoce et l'Empire, depuis le temps de Grégoire VII, avaient laissé des rancunes profondes; et si les Italiens en avaient retenu, contre les Allemands, cette haine implacable qui ne s'est jamais éteinte depuis; les Allemands, de leur côté, ne pouvaient oublier combien de maux étaient résultés, pour leur patrie, de l'ambitieuse ingérence des Papes dans les affaires de l'Empire, et ils se montraient, de plus en plus, disposés à la résistance, dont, au surplus, nous autres Français nous leur avions donné l'exemple, d'abord, en résistant, avec une patriotique unanimité, aux excommunications de Boniface VIII contre Philippe le Bel, puis en promulguant la pragmatique de Charles VII.

Voici un remarquable exemple de ce commencement de réaction contre l'abusive influence de la Papauté dans les affaires temporelles.

Au commencement du quatorzième siècle, Frédéric d'Autriche et Louis de Bavière se disputaient la cou

ronne impériale. L'un des Papes d'Avignon, Jean XXII, intervint dans la querelle. Selon l'usage, il excommunia celui des candidats qui n'avait pas su obtenir son appui, Louis de Bavière, qu'il refusa de reconnaître, même après que Frédéric, vaincu et prisonnier, eut renoncé à toute prétention en faveur de son rival (1325). Son successeur, Benoît, non content de renouveler l'excommunication, poussait le Roi de France contre l'Empereur. Fatigués de ces intrigues, les princesélecteurs se réunirent auprès du Rhin, dans la célèbre plaine de Rense, et y promulguèrent, sous le titre de pragmatique-sanction, que les Rois et Empereurs, choisis par les électeurs, n'avaient aucun besoin de la confirmation du Pape (1338). (Ranke, Hist. de la Papauté, I, 59 et 60.)

Le Pape renouvela l'excommunication en 1343; mais il n'en fut pas tenu compte; et, à la mort de Louis de Bavière, les électeurs procédèrent librement à l'élection de Charles IV, l'auteur de la bulle d'or, qui constitua l'indépendance de la Diète électorale, le même qui abandonna au Pape les derniers vestiges de la souveraineté impériale sur la ville de Rome.

Les concessions et souvent les humiliations, au prix desquelles les Papes avaient fait payer la cérémonie du couronnement, avaient donc disposé les esprits à se séparer de Rome et à faire du saint Empire romain un Empire purement allemand. - « Qu'as-tu besoin (écri« vait Hutten (1520) à Charles-Quint), qu'as-tu besoin d'aller demander la couronne à un prètre de Rome? "Rome peut-elle être la capitale de l'Empire alle«mand? Cologne ou Mayence ne lui conviendrait-elle « pas bien mieux ? »

Charles-Quint est le dernier Empereur couronné par un Pape.

II. Une autre cause disposait encore plus les Allemands à une réforme dans leurs rapports avec la Cour

romaine, c'étaient les demandes incessantes d'argent que, sous mille prétextes et sous mille formes, cette Cour ne cessait d'adresser à l'Allemagne, comme, du reste, à tous les autres pays chrétiens, qui n'étaient pas protégés par une suffisante indépendance de l'Église nationale. Et il faut bien le reconnaître, jamais le génie de la fiscalité n'avait été poussé aussi loin, surtout depuis Jean XXII1. A mesure que nous approchons de Luther, on voit les gouvernements et les peuples chaque jour plus impatients de s'affranchir de ces tributs que ne justifiait plus la guerre sainte contre les infidèles.

En 1487, toute l'Allemagne s'opposa à une dime que le Pape voulait établir et la repoussa. (Müller, Théâtre de l'Empire, acte VI, p. 130; Ranke, l. c., p. 66.)

En 1500, un légat étant venu prêcher les indulgences, il intervint un traité par lequel un tiers seulement du produit fut accordé au Pape, les deux autres tiers furent réservés au Gouvernement. (Müller, Reichstags staats, p. 213; Ranke, p. 66.)

La même année, le conseil impérial de Régence envoya une ambassade à Rome pour réclamer contre les annates, les dîmes et les perceptions de toute nature. (Müller, l. c., p. 117.)

En 1510, Maximilien fait rédiger, pour les envoyer au Pape, les avertissements de la nation germanique, Avisamenta nationis germanicæ. (Freher, II, 678.)

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En 1513, Hemmerling récapitule, dans un livre, tous les griefs contre la Cour de Rome : « Pro nunc (y est-il dit) de præsentis Pontificis summi et aliorum statibus comparationis præparationem fecimus et nunc, facie « ad faciem, experientia videmus quod nunquam visus « est execrabilioris exorbitationis, direptionis, deceptio

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1. Nul Pape ne poussa aussi loin que Jean XXII l'art de tirer de l'argent de la catholicité. On disait à cette époque du Pape (Jean XXII) et du Roi de France (Philippe le Bel), que l'un tondait l'Église et que l'autre l'écorchait.

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