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dats?... Non. J'ai eu la patience de faire ce relevé : sur les deux cent trente et un ans, qui s'écoulent de l'avénement de Grégoire VII à la translation du siége à Avignon, pendant cent trente ans, la Papauté ne jouit à Rome que d'une autorité nulle ou contestée; pendant cent et un ans, chassés de Rome, souvent réduits à vivre d'aumônes, les Papes errent fugitifs en France, en Allemagne, mais surtout en Italie, de Viterbe à Orvietto, d'Assise à Agnani, de Montefiascone à Salerne, n'ayant pas, comme le dit Grégoire VII, une seule motte de terre où reposer leur téte".

Les trésors des Grégoire VII, des Urbain, des Pascal II, etc., c'est la foi des peuples; leur armée, c'est la bénédiction dans une main et l'anathème dans l'autre.

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y eut certes de déplorables abus*; mais quelle grandeur!

Et maintenant, Messieurs les Sénateurs, qu'on vienne donc me dire, au nom de Mazzini, que la Papauté spirituelle est perdue, si elle perd son domaine temporel; que le catholicisme est en danger, si ce domaine perd quelque province. Pour toute réponse, je renvoie Mazzini et ceux

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27. En poussant le calcul jusqu'à la fin du grand schisme d'Occident (1449), on trouve que, sur trois cent soixanteseize ans, les Papes ont été, pendant cent quatre-vingt-dixneuf ans, absents ou chassés de Rome. Voir, au surplus, APPENDICE no XXX, la succession chronologique des Papes. 28. Le principal de ces abus fut d'employer l'arme toute spirituelle de l'excommunication pour des intérêts purement temporels. Voir APPENDICE no XVII.

qui croient en lui à saint Léon, à saint Grégoire, à Grégoire VII et à ses successeurs.

Voyons maintenant la contre-partie.

C'est Innocent III qui jette les premières bases de la souveraineté temporelle (1198)"; et, pour soutenir cette ambition nouvelle, si étrangère à l'époque précédente, la Papauté va désormais se trouver mêlée à toutes les querelles des Princes. Ce n'est plus pour la suprématie morale de l'humanité, ce n'est plus pour des querelles religieuses comme celle des investitures .... c'est pour succession de la Grande Comtesse, pour de mesquins intérêts de territoire, que la Papauté va maintenant se heurter contre les Princes, les nobles et les libertés des villes.

Le châtiment ne se fait pas attendre.

la

Le gantelet de fer de Colonna sur la joue de Boniface VIII (1303), les misères des Papes d'Avignon (1305-1378), les scandales du grand schisme (1378-1449), qui absorbent tout le quatorzième siècle et une partie du quinzième siècle, témoignent assez hautement qu'en cherchant la souveraineté temporelle, la Papauté avait perdu sa souveraineté morale ". 31

29. Mgr de Besançon (séance du 3 mars) a paru disposé à contester cette proposition. Voir APPENDICE XVIII.

30. Voir APPENDICES XVI, XVII et XXX.

31. Outre les faits, déjà si fâcheux en eux-mêmes, de l'exil à Avignon et du schisme d'Occident, il convient de remar

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Au quinzième et au commencement du seizième siècle, Alexandre VI et César Borgia, son digne fils, comme Louis XI en France, abattent, vous savez par quels moyens, la féodalité italienne; le belliqueux Jules II achève l'œuvre et fonde ainsi la souveraineté temporelle des Papes, avec la forme monarchique et le territoire qui ont persisté jusqu'à la Révolution française.

C'est en effet en 1513 que Jules II, après être entré à la Mirandole le casque en tête et par la brèche, écrit à son frère cette lettre fameuse :

<< Sais-tu pourquoi je me tourmente au déclin de la vie? C'est que je voudrais voir une Italie débarrassée des étrangers, je lui voudrais voir un seul maître, et ce mattre serait le Pape". »

Et de fait, quand Jules II mourut, Machiavel disait du Pape :

<< Il n'y a pas longtemps, il n'était si petit baron qui ne méprisât le Saint-Siége; aujourd'hui un Roi de France a du respect pour lui”. »

Voilà donc la monarchie temporelle définitivement constituée, demandons-lui ce qu'elle a produit, soit pour l'indépendance du Saint-Siége,

quer que c'est à cette époque et à l'occasion de ces circonstances déplorables que les Conciles de Bâle et de Constance posèrent des limites à l'autorité excessive que s'étaient attribuée les Papes, de Grégoire VII à Innocent III. C'est pareillement à la même époque que les Églises nationales firent revivre leurs justes prétentions à une légitime indépendance : la Pragmatique sanction de Bourges est de 1438.

32. Audin, Hist. de Léon X, tome I, p. 108. 33. Ranke, Hist. des Papes, tome I, p. 88.

soit pour le développement religieux du catholi

cisme.

Pour l'indépendance, le compte n'est pas long. C'est en 1513 que Jules II écrivait ce que vous

savez.

Quatorze ans après, en 1527, le connétable de Bourbon emporte Rome d'assaut, tient le Pape prisonnier, et la capitale de la chrétienté reste livrée pendant plusieurs mois aux alroces excès d'une soldatesque effrénée.

Ainsi, ce que saint Léon, sujet des Empereurs, avait obtenu de l'idolâtre Attila, Clément VII, Pape et Roi, est impuissant à l'obtenir du trèscatholique Charles-Quint "!

Trois ans après, ô comble d'humiliation, ce même Clément VII en est réduit à poser, de ses mains, à Bologne, sur la tête de son orgueilleux vainqueur, la couronne de fer des Rois d'Italie et la couronne du Saint-Empire romain.

Vingt-cinq ans plus tard, l'intrépide Paul IV, chez lequel il y avait de l'Alexandre III et du Boniface VIII, Paul IV essaye de secouer le joug; le duc d'Albe se présente aux portes de Rome, avec une armée espagnole, et le Pape n'évite une

34. M. Zeller, Épisodes de l'histoire d'Italie (1 vol. in-12, Paris, 1856), a donné des détails pleins d'intérêt et puisés aux meilleures sources, tant sur le sac de Rome que sur l'entreprise de l'enthousiaste Rienzi.

Charles-Quint écrivait de Clément VII à de Lannoy : « Ces « gens-là ne seront contents que quand ils auront été bien étrillés. (Ranke, Hist. de la Reforme, II, 404.)

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nouvelle prise d'assaut qu'en subissant les conditions qui placèrent, pour deux siècles et demi, la Papauté et l'Italie sous la main de fer des successeurs de Charles-Quint".

A partir de cette époque, la Papauté ne compte plus dans la politique de l'Europe que par sa dépendance et ses humiliations.

En 1663, le Roi très-chrétien, en saisissant Avignon, impose à Alexandre VII d'humiliantes excuses, dans une querelle où tous les torts n'étaient pas du côté du Pape.

En 1687, autre saisie, moins motivée encore peut-être, au sujet des franchises exagérées de l'ambassade française à Rome. Le marquis de Lavardin entre dans Rome, en conquérant, à la tête d'un millier de gentilshommes armés de pied en cap; et, en France, le Parlement de Paris entend et approuve les vigoureux réquisitoires de du Harlai et de Talon".

En 1768, sous Louis XV, nouvelle saisie d'Avignon, à l'occasion de l'affaire des jésuites, dont le Pape refusait de prononcer la dissolution.

Autant en fait le Roi de Naples pour les enclaves de Bénévent et Ponte-Corvo.

Avignon, Bénévent! les deux menottes du Pape,

35. Entre Naples et le Milanais, laissés par Charles-Quint à son fils, le Roi d'Espagne, l'État pontifical était pris comme dans un étau; la Papauté devint la docile vassale de Philippe II. 36. Henri Martin, Hist. de France, 4° édition, XIII, 288 et suiv.

37. Ibid., XIV, 79. 38. Ibid., XVI, 230.

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