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et la déposition du Pape, que Julien accusait, entre autres crimes, d'intelligence avec le Grand Turc. (Fleury, Hist. eccl., CXVII, 83, 93, 117, 120, et CXVIII, 1 et suiv.; Henri Martin, VII, 262 et suiv.)

A ce traité équivoque succéda bientôt, entre Louis XII et Alexandre VI, un traité d'alliance (1499), où certes la cause de la religion n'entrait pour rien. Le Pape devait aider le Roi à conquérir Naples et le Milanais; le Roi donnait au fils du Pape, César Borgia, le titre de duc de Valentinois et un corps de troupes françaises pour conquérir la Romagne. Ainsi le noble drapeau de la France allait couvrir les crimes des Borgia.... Heureusement cette souillure devait disparaître dans la gloire si pure jetée en Italie sur le nom français par mon illustre compatriote, le chevalier sans peur et sans reproche.

En Jules II, la France allait rencontrer un allié d'abord, puis un ennemi dangereux et persévérant. Après s'être ligué avec la France contre Venise (ligue de Cambrai, 1508), le Pape se met bientôt à la tête de cette coalition qui devait nous faire perdre, après tant de désastres, toutes nos conquêtes en Italie (sainte ligue, 1510). Arrêté toutefois par ses propres scrupules religieux et surtout par ceux de sa Bretonne (la reine Anne de Bretagne), Louis XII, avant de se jeter dans guerre temporelle, commence contre le Pape ce qu'on peut appeler la guerre spirituelle. Le 14 septembre 1510, un concile réuni à Tours et composé des évêques et docteurs du royaume, déclara que « le Roi pouvait, en sûreté de conscience, guerroyer contre le Pape, pour « sa défense et celle de ses alliés, se soustraire à l'obédience du Pape quant au temporel, et, quant aux «< choses pour lesquelles il faut recourir au Pape, garder « le droit commun ancien et la pragmatique sanction, « suivant les décrets du concile de Bàle. » L'assemblée

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déclara nulles d'avance les censures que le Pape pourrait lancer contre le Roi lui résistant 1.

En conséquence, Louis expédia des renforts en Italie, avec ordre à son neveu, l'héroïque Gaston, de détruire l'armée de Jules II et du Roi d'Aragon, et de marcher, sans scrupule, droit à Rome après la victoire. - Je n'entrerai pas dans les détails de cette guerre, où Jules II montra un si grand caractère, en même temps qu'une haine si violente contre la France. Ce fougueux Pontife venait de faire rendre par le concile de Latran un décret qui transférait à Henri VIII d'Angleterre le titre de Roi Très-Chrétien, et avait lancé une bulle qui déclarait Louis XII déchu de la dignité royale et offrait le royaume de France à qui voudrait le prendre, quand la mort vint l'arrêter dans ses gigantesques projets (21 février 1513).

Après la mort de Louis XII (1er janvier 1515), le nouveau Roi François Ier et le nouveau Pape Léon X, ces deux brillants représentants de la Renaissance des lettres et des arts, parurent d'abord disposés à vivre en bonne intelligence et conclurent le Concordat de 1515, dont j'ai parlé plus haut. Mais Léon X n'agit pas loyalement avec la France; et, après avoir promis au Roi d'attaquer le royaume de Naples de concert avec les Français, il fit avec l'Empereur un traité secret par lequel

1. Henri Martin, VII, 391; Fleury, CXXI, 117. —Les scrupules de nos Rois faisaient lever les épaules à Machiavel. - « Pour mettre « un Pape à la raison (écrivait-il), il n'est besoin de tant de formes << ni d'appeler l'Empereur. Les Rois de France, comme Philippe le « Bel, qui ont battu le Pape, l'ont fait mettre par ses propres barons << au château Saint-Ange: ces barons ne sont pas si morts qu'on ne < puisse les réveiller.» (Legazion. lett. 9 août 1510.) — Je suis bien loin assurément d'approuver de tels procédés et de telles doctrines. Si je cite ce passage c'est uniquement pour montrer, une fois de plus, combien les Italiens, plus que nous témoins des inconvénients du pouvoir temporel, avaient, plus que nous aussi, perdu le respect de la Papauté: major e longinquo reverentia, ainsi que déjà j'ai eu l'occasion de le dire ailleurs (p. 194).

il entrait dans la ligue contre la France. Comme Jules II il mourut au milieu de nos désastres (1 décembre 1522).

Depuis cette époque si la Cour de Rome exerça trop souvent une fatale influence dans nos discordes religieuses, si elle célébra la Saint-Barthélemy comme un heureux événement et favorisa la ligue contre le souverain légitime; si, pour plaire à l'Espagne, elle fit attendre, deux ans, l'absolution de Henri IV, il n'y eut plus du moins, entre elle et nous de guerre proprement dite, on ne saurait en effet donner ce nom aux saisies d'Avignon que j'ai rappelées à la page 37 de mon Discours; actes que je n'ai pas besoin de rappeler, mais dans lesquels Louis XIV et Louis XV ne jouèrent certainement pas le rôle de défenseurs de la Papauté.

Quant à Napoléon I", si, en l'an IX, il rétablit le Pape à Rome, en 1809 il fit arrêter le Pape et réunit à l'Empire les États de l'Église; il ne saurait donc être rangé non plus parmi les Souverains français défenseurs de la Papauté.

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Il demeure donc bien avéré, que si les Souverains français défendirent constamment la religion, au dedans comme au dehors du royaume, ils ne se constituèrent jamais les défenseurs de la Papauté : ce sont là, en effet, deux choses très-différentes. C'est en ce sens seulement qu'il faut entendre l'article 7 des libertés gallicanes. Lors donc que nos pères disaient, que « le royaume de France à tout grand besoin et extrême « nécessité avait, de tout temps, eu l'épée au poing, pour augmenter, secourir et défendre l'Église, dont, pour le loyer de ses mérites, en portait, entre les royaumes chrétiens, l'excellent titre souverain de Très-Chrétien, ils pensaient aux croisades et aux faveurs de toute nature accordées en France au clergé, et non à la Cour de Rome: l'auteur de ces paroles est, en effet, Jean d'Auton, l'historien de Louis XII, du Roi qui passa une partie de son règne à guerroyer contre le Pape.

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$ 3. - Rois de France excommuniés.

Je terminerai cette courte notice, en rappelant, sans commentaire, les principales excommunications prononcées contre les Souverains de la France, à savoir :

Au dixième siècle, Robert est excommunié par Grégoire V: le motif secret fut le désir de plaire à l'Empereur qui convoitait le royaume de Bourgogne auquel la Reine Berthe avait des droits. (H. Martin, III, 33 et 34).

Au onzième siècle, Philippe I est excommunié par Grégoire VII, à raison de son divorce. (H. Martin, III, 133, 151, 205 et suiv.)

Au douzième siècle, Louis VII est excommunié par Innocent II, à l'occasion des démêlés pour l'élection à l'archevêché de Bourges. Saint Bernard tenta vainement de détourner le Pape de cette violence que ne justifiait aucun motif religieux. (S. Bernard. epist. 220, 221, 226.)

Dans le même siècle, Philippe Auguste est excommunié par Innocent III, à l'occasion de son divorce. (H. Martin III, 360.)

Au treizième siècle, Louis VIII est, avec son père, excommunié par Innocent III pour avoir accepté la couronne d'Angleterre au mépris de la suzeraineté de l'Église sur ce royaume (Velly, Hist. de France, III, 466 à 475), et Philippe le Bel par Boniface VIII, pour avoir refusé de reconnaître la suprématie du Pape.

Au seizième siècle, furent excommuniés pour motifs politiques, Louis XII, par Jules II (H. Martin, VII, 391, 396), à propos de la guerre entre la France et le Saint-Siége; Henri II, par Jules III (Daunou, I, 308); Henri III et Henri IV par Sixte-Quint.

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Du reste, par l'abus même qui en avait été fait, ces censures avaient si peu conservé leur ancienne puissance, qu'un évêque de Chartres disait qu'elles étaient sans force en deçà des monts, qu'elles gelaient en passant les Alpes. Il faut vaincre (disait le Roi de Navarre à << Henri III, qu'effrayait l'anathème pontifical), il faut

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« vaincre: si nous sommes battus, nous serons excom« muniés, aggravés et réaggravés. >> - Sixte-Quint luimême tout en excommuniant Henri IV, ne pouvait dissimuler pour la fermeté de ce prince autant d'estime et de sympathie qu'il éprouvait de mépris pour les ligueurs. (H. Martin, X, 6, 8, 339 et 369.)

Enfin Napoléon Ier fut aussi excommunié, pour motifs purement temporels, par le Pape Pie VII, le 12 juin 1809.

XXVIII

Du refus de la Cour de Rome d'entrer en négociations : extrait du discours prononcé au Sénat par M. Billault, le 3 mars 1862.

Il n'était pas possible d'apprécier avec plus de fermeté et, en même temps, avec plus de respectueuse délicatesse que ne l'a fait M. Billault, dans son mémorable discours du 3 mars, des refus qui ont le tort de rappeler trop cette phrase sévère d'une dépêche de M. de Grammont : « Vous refusez tous les tempé«raments et vous appelez la tempête comme si vous spéculiez sur les épaves du naufrage. (M. de Grammont au Ministre des affaires étrangères, 3 mai 1860. Docum. diplom. de 1861, page 93.)

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« .... Le Gouvernement de l'Empereur est un gouvernement profondément libéral, mais profondément prudent. I désire modifier bien des choses de ce monde; il n'en précipite aucune et il tient compte de toutes les difficultés.

Donc ni réaction ni évacuation : il n'y a de possible que de transiger, et s'il le faut, pour y amener les intérêts opposés, ne nous lassons pas et sachons attendre.

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