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volonté pour la conservation du temporel du pape. Si le saint-siége venait à en être privé, il pourrait bien en faire son mea culpa. Cependant cette soustraction d'autorité temporelle aura lieu si le Pape ne donne pas à ses États une constitution sur une large échelle. Les préliminaires de la paix qui vient d'être signée à Zurich interdisent à toutes les puissances européennes d'intervenir à main armée dans les affaires d'Italie. Aucun des souverains, pas même Napoléon, ne peut employer la force des armes pour rendre au pape sa souveraineté temporelle si ses États continuent à la repousser. Ces conventions impérieuses signées à Villafranca pèsent de tout leur poids sur les deux hautes puissances contractantes. Force sera donc aux souverains repoussés ou de céder aux vœux des populations ou d'abandonner leur souveraineté. Si Sa Sainteté avait réalisé l'engagement qu'elle avait pris en montant sur le trône pontifical, elle ne serait pas aujourd'hui dans la triste situation où elle se trouve. L'absolutisme n'est plus de mise en Europe! C'est pour cela que l'Autriche se trouve chassée de l'Italie. Mais cet absolutisme temporel si énergiquement repoussé ne devrait-il pas engager la cour de Rome à renoncer à l'absolutisme spirituel que nos néo-catholiques veulent lui donner sur l'Église universelle? Cette prétention n'a aucun fondement ni dans la révélation, ni dans les annales de l'Église.

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No 3.16 janvier 1799. Bref du Pape Pie VI au vénérable frère Octave, archevêque de Nazianze1.

« Il est venu à notre connaissance que Mgr Passeri, en s'éloignant, s'était fait suppléer par vous dans les fonctions de vicaire de Rome et du district romain. Nous approuvons ce choix, tenant pour certain que, par vo

1. Les deux brefs de Pie VI, que nous donnons ici sous les numéros 3 et 4, ont été communiqués au Journal des Débats (numéro

tre activité et votre sagesse, vous vous acquitterez pour le mieux de la tâche que vous assumez en de si difficiles circonstances. Nous sommes également persuadé que Mgr Passeri n'a point négligé de vous communiquer nos propres instructions sur la conduite des affaires les plus importantes, et spécialement qu'il vous a fait connaître uos sentiments formels à l'égard du serment prescrit par la constitution romaine. Comme la nouvelle nous est arrivée de différents côtés, que les professeurs de l'université de Rome ont été requis de prêter ce serment, nous ne pouvons nous dispenser de rappeler la décision que nous avons prise après un mûr examen de la question, et par laquelle nous défendions de prêter le serment purement et simplement. On ne peut le prêter que selon la formule que nous avons transmise à Mgr Passeri, et que, pour plus de précaution, nous vous adressons de nouveau, ainsi conçue :

« Je jure de ne prendre part à aucune conjuration, << trame ou sédition pour le rétablissement de la monar<chie et contre la république présentement établie. Je « jure haine à l'anarchie, fidélité et attachement à la république et à la constitution, sauf en ce qui concerne « la religion catholique » (salva per altro la religione cattolica).

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Il importe au plus haut degré que dans une affaire si délicate et si scabreuse on tienne une conduite uniforme et que l'on concilie les protestations d'obéissance et de fidélité au gouvernement avec les devoirs inaltérables qu'impose la religion catholique, d'autant plus

du 1er mars 1862) par le chevalier Pantaleoni, député au parlement italien, qui en garantit l'authenticité. Cette garantie était superflue; car ces deux brefs sont relatés dans les Fasti di Pio Sesto, publiés en 1814 par Tavanti, tome III, pages 366, 369, 370 et 384.

Le langage de Pie VI dans ces deux pièces est d'ailleurs tout à fait conforme à l'esprit qui régnait alors. Il est certain qu'à cette époque la cour de Rome avait fait son deuil de la puissance temporelle. Voir ci-après, no 5, l'extrait d'une lettre du cardinal Pacca.

que Rome doit ici servir d'exemple aux autres peuples et éviter le grave scandale qui éclaterait si quelqu'un se permettait de ne point obtempérer à notre décision, qui a été reçue en beaucoup d'autres endroits avec un grand respect et exécutée avec une grande ponctualité. Elle est conforme à celle que nous avons prise auparavant à l'égard du serment prêté à la constitution française, qu'après un long et mûr examen, après avoir pesé les raisons pour et contre, nous avons, avec le conseil de la congrégation déléguée pour les affaires ecclésiastiques de France, déclaré illicite. Faites donc connaître à chacun ces sentiments autant que besoin sera, et ayezles toujours présents, afin de les appuyer avec une fermeté sacerdotale, en plaçant toute votre confiance dans le Seigneur, dont l'assistance ne fera pas défaut aux défenseurs de la bonne cause, pendant que nous implorerons du Ciel l'abondance des grâces divines et des secours d'en-haut. Nous vous donnons affectueusement notre bénédiction paternelle apostolique.

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Florence, au couvent des Chartreux, le 16 janvier 1796, an XXIV de notre pontificat.

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Autre bref du Pape Pie VI.

Aux soucis et aux graves tourments sous le poids desquels, si la main droite du Tout-Puissant ne nous soutenait, nous aurions déjà dù succomber, aux douleurs d'une nouvelle infirmité dont nous sommes atteint, aucun ne pouvait s'ajouter de plus grand que celui que nous ont apporté vos lettres des 21 et 22 courant, par lesquelles vous nous annoncez que les professeurs du College romain et de la Sapience ont prêté purement et simplement le serment prescrit par la constitution romaine. Nous avions manifesté sur cette question nos sentiments à Mgr Passeri, et sur la première feuille des instructions qu'il a transmises au Collége romain et dont il nous a remis copie, nous trouvons la preuve que ces

sentiments n'étaient pas inconnus des professeurs, puisque nous y voyons proposée par lui cette même formule de serment que nous avions approuvée. Nous ne pouvons donc comprendre comment vous avez pu changer d'avis tout à coup, et comment, tandis que tous les professeurs étaient très-disposés à obéir au mépris de tous les périls, comme vous nous l'assurez, vous avez pu dicter une seconde instruction ou explication, qui n'explique pas, mais en réalité détruit la première. Vous ne pouviez ignorer, et les professeurs du Collège romain encore moins, avec quelle maturité de conseil nous avons plus d'une fois déclaré que le serment en question, considéré dans sa signification simple et naturelle, était illicite; ce jugement, bien loin de nous avoir été suggéré par une mauvaise insinuation, pour nous servir des termes de la décrétale que vous citez, a été au contraire prononcé par nous après les plus sages consultations de théologiens doctes et compétents, après les mûres délibérations d'une congrégation de cardinaux très-remarquables par le caractère et la doctrine, délibérations dont nous avons fait part au recteur du Collége romain quand il nous fut demandé l'été dernier si les ecclésiastiques devaient prêter le serment dans le cas où ils en seraient requis. Il n'était donc pas besoin de plus grande cérémonie pour que vous et lesdits professeurs fussiez intimement convaincus que dans les termes où il est prescrit par la Constitution, le serment est tout à fait illicite. Et nous ne pouvons nous rendre aux raisons que vous nous exposez pour justifier votre seconde instruction; car les paroles d'un serment devant s'entendre au sens que leur donne celui qui l'exige, quelques déclarations verbales qu'aient faites les professeurs en présence du magistrat chargé de recevoir leur serment, la substance n'en est pas changée; et comme le législateur seul, et non le magistrat préposé à l'exécution matérielle d'une loi, peut en être l'interprète compétent, il s'ensuit que l'apparente adhésion du magistrat

aux

déclarations verbales des professeurs ne suffit pas pour donner aux paroles du serment une interprétation différente du sens qu'elles renferment lorsqu'elles sont prononcées purement et simplement.

<< Les professeurs eux-mêmes ont prévu le grave scandale que devait susciter leur serment, et ils ont insinué que leur bonne foi avait été surprise par la seconde instruction, laquelle pouvait leur servir de bouclier contre les accusations qu'ils avaient raison de craindre de la part de tous les honnêtes gens. Le billet du préfet des études, qui déclare que les professeurs n'ont prêté le serment que conformément à votre seconde instruction, et qui réclame une justification publique de leur conduite par l'enregistrement de ce billet à votre secrétariat, doit vous convaincre de cette vérité; et nous cependant, affligé dans l'âme de la plus vive douleur, nous sommes contraint de voir que, tandis que dans tant de parties du monde catholique nos décisions sur la validité du serment ont été acceptées et respectées, il semble que, par suite de votre seconde instruction et de l'exemple donné par les professeurs du Collége romain et de la Sapience, Rome, qui était la maîtresse de la vérité, soit devenue une maîtresse de l'erreur. Que jamais notre silence ne serve d'autorisation! Nous nous préparons, autant que notre faiblesse le permet, à avertir et à révoquer la seconde instruction que vous avez publiée, et, par un résumé du nouveau bref du 16 de ce mois, à rendre clairs nos sentiments formels à l'égard du serment requis; et, par les entrailles de Jésus-Christ NotreSeigneur, nous vous exhortons à faire usage de toute votre patience, de toute votre science, pour affermir dans leur sainte résolution ceux qui, au mépris de tous les dangers et à l'édification universelle, ont refusé le serment, pour fortifier les faibles et ramener les égarés. Je vous avertis de réprouver sans retard le scandale donné; de plus, je vous commande, au nom de la sainte obedience, de vous abstenir de publier un écrit quel

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