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de tels moyens. C'est donc une illusion de l'amourpropre c'est que les ministres de l'Evangile sont bien aises de jouir, en attendant, de ces richesses et de ces honneurs dont ils prétendent se servir pour gagner les

ámes. »

« Revenons aux évêques, et concluons que ce n'est qu'ignorance et grossièreté qui leur a fait croire que les seigneuries unies à leurs siéges étaient utiles pour soutenir la religion.

Après avoir toutefois reconnu que, par exception, la réunion des deux puissances se peut justifier, sur la tête du pontife romain, comme moyen d'assurer la liberté spirituelle du chef de l'Eglise, ce qui prouve qu'à ses yeux le pouvoir temporel est un moyen et non un but, le judicieux écrivain continue en ces termes :

« .... C'est à ceux qui ont voyagé chez les princes ecclésiastiques à nous dire si l'on y voit moins de vices scandaleux; si l'on y commet moins de crimes; s'il y a plus de sûreté sur les chemins et de fidélité dans le commerce; en un mot, si leurs sujets se distinguent, par la pureté de leurs mœurs, de ceux des princes séculiers.

«

Je n'ai pas même ouï dire que les États des ecclésiastiques soient plus heureux que les autres pour le temporel. Au contraire, comme ce n'est pas la profession de ces princes d'être guerriers, leurs peuples sont plus exposés aux insultes des ennemis du dehors. Ces Etats n'étant point héréditaires, les parents et les ministres du prince ne songent qu'à profiter du présent, souvent aux dépens du peuple, sans étendre leurs soins à l'utilité publique pour multiplier les habitants, cultiver les terres, favoriser l'industrie, faciliter le commerce, faire fleurir les arts, attirer dans l'État l'abondance et les commodités de la vie. Ces grandes vues conviennent mieux à des républiques ou à des princes qui considèrent leur postérité.

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II

Textes tirés des papes, des pères et des docteurs sur la distinction des deux puissances spirituelle et temporelle.

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Saint Gélase a exprimé ses opinions en deux endroits : d'abord dans son traité Du lien de l'anathème, puis dans une lettre à l'empereur Anastase.

Extrait de l'écrit Du lien de l'anathème1.

« Les Rois n'ayant permission que de juger des choses temporelles, et ne pouvant point présider aux choses

1. Gelasius, tomo De anathematis vinculo. Quod si hæc tentare formidant, nec ad suæ pertinere cognoscunt modulum potestatis cui tantum de humanis rebus judicare permissum est, non etiam præesse divinis, quomodo de his per quos divina ministrantur judicare præsumunt? Fuerint hæc ante adventum Christi ut quidem figuraliter, adhuc tamen in carnalibus actionibus constituti pariter Reges existerent, pariter Sacerdotes.... Sed cum ad verum ventum est eumdem (Christum) Regem atque Pontificem, ultra sibi nec Imperator Pontificis nomen imposuit, nec Pontifex regale fastigium vindicavit.... Christus memor fragilitatis humanæ, quod suorum saluti congruerit dispensatione magnifica temperans sic actionibus propriis dignitatibusque distinctis officia potestatis utriusque discrevit, suos volens medicinali humilitate salvari non humana superbia rursus intercipi, ut et Christiani Imperatores pro æterna vita Pontificibus indigerent et Pontifices pro temporalium cursu rerum Imperialibus dispositionibus uterentur, quatenus spiritalis actio a carnalibus distaretur cursibus, et ideo militans Deo minime se negotiis sæcularibus implicaret, ac vicissim non ille rebus divinis præesse videretur qui esset negotiis sæcularibus implicatus, ut et modestia utriusque ordinis curaretur; ne extolleretur utraque suffultus et competens qualitatibus actionum specialiter professio aptaretur.

divines, comment ont-ils la hardiesse de juger de ceux qui sont les dispensateurs des divins mystères? cela étoit bon dans l'ancienne Loi, où des gens charnels avoient les mêmes personnes pour prêtres et pour rois. Mais quand on est venu à la vérité de la religion de JésusChrist, qui est tout ensemble roi et pontife, les empereurs n'ont plus pris le nom de pontifes, et les pontifes ne se sont plus attribué l'autorité royale, quoi qu'ils soient membres de celui qui est vrai roi et vrai pontife.... Cependant Jésus-Christ, considerant la fragilité humaine, a entièrement distingué les devoirs de ces deux puissances, en les faisant exercer par deux dignitez toutes différentes. Voulant que les siens fussent sauvés par une humilité medicinale, et non accablés de l'orgueil des hommes; en sorte que les empereurs eussent besoin des pontifes pour la vie éternelle, et les pontifes des loix imperiales pour le cours des affaires temporelles. »

Épitre à l'empereur Anastase'.

« Il y a, Seigneur, principalement deux puissances qui gouvernent le monde : l'autorité des pontifes et la puissance royale.... Vous savez que quoique vous présidiez au genre humain dans les choses temporelles, vous vous soumettez toutefois avec dévotion aux ministres de Dieu touchant les choses qui concernent la religion, et vous

1. Idem Gelasius ep. 8, ad Anastasium Imper., tom. Concil. IV, col. 1182. Duo sunt, Imperator Auguste, quibus hic mundus principaliter regitur, auctoritas Sacra Pontificum, et regalis potestas.... Nosti enim, fili clementissime, quod licet præsideas humano generi dignitate, rerum tamen præsulibus divinarum devotus colla submittis, atque ab iis causas tuæ salutis expetis, inque sumendis cœlestibus Sacramentis, eisque ut competit disponendis subditum esse debere cognoscis religionis ordine potiusquam præesse.... Si enim quantum ad ordinem pertinet publicæ disciplinæ cognoscentes Imperium tibi collatum, legibus tuis ipsi quoque parent Religionis Antistites : quo rogo te decet affectu eis obedire qui propagandis veneralibus sunt attributi mysteriis?

leur demandez les moyens de vous sauver, reconnoissant que vous leur devez être soumis dans l'administration des sacrements. Car si les évêques se soumettent aux lois que vous faites touchant le temporel, et reconnoissent que vous avez reçu l'empire de Dieu, avec quelle affection ne devez-vous pas vous soumettre à ceux qui sont préposés pour distribuer les sacrements. »

«

No 2.- Opinion du pape Symmaque1.

Comparons, dit-il, la dignité de l'empereur avec celle des pontifes. La difference qui s'y trouve est que le roi a soin des choses humaines, et les pontifes des divines. Vous recevez, ô Empereur, le baptême du pontife; il vous donne les sacrements. Vous lui demandez des prieres; vous attendez sa benediction, et vous lui demandez la penitence. En un mot, vous avez la domination des biens temporels, et lui il est le dépositaire des biens spirituels.

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Nicolas I confirme la pensée de ces deux papes en opiant les paroles de Gelase dans son Épître huitième.

No 4.Opinion du pape Grégoire II.

Mais il ne se peut rien de plus clair que les paroles de Grégoire II dans sa seconde lettre à l'empereur Léon l'Isaurien

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1. Symmachus Papa in Apologetico adversus Anastasium, tom. Concil. IV, col. 1298, ep. 6. Conferamus honorem Imperatoris cum honore Pontificis, inter quos tantum distat quantum ille rerum humanarum curam gerit, hic divinarum. Tu Imperator a Pontifice Baptismum accipis, Sacramenta sumis, orationem poscis, benedictionem speras, pœnitentiam rogas: postremo tu humana administras, ille divina dispensat, itaque, ut non dicam superior, æqualis honor est.

2. Gregorius 11, ep. 2 ad Leonem Isauricum. Alia est Ecclesias

« Les affaires ecclesiastiques et les temporelles, ditil, se traitent diversement.... Et comme les pontifes n'ont point de droit de se mêler des affaires de la cour ni de donner les charges de l'Etat, de même l'empereur n'a point le pouvoir de régler les affaires ecclesiastiques, ni d'ordonner les ministres de l'Eglise, ni de consacrer, ni d'administrer les sacrements. »

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N° 5. Opinion de saint Jean Chrysostome1.

Dieu a mis les corps sous la puissance des rois, et a confié les ames aux prêtres. Les rois se servent de contrainte pour se faire obéïr, les prêtres ne font

ticarum rerum constitutio, et alius sensus sæcularium. Nam quemadmodum Pontifex introspiciendi in palatium potestatem non habet, ac dignitates deferendi: sic neque Imperator in Ecclesias introspiciendi, et electiones sacras in clero peragendi.

1. B. Chrysostomus, homil. 4, verbis Isaiæ, tom. III, p. 758. Regi corpora commissa sunt, Sacerdoti animæ ; Rex maculas corporum remittit, Sacerdos autem maculas peccatorum; ille cogit, hic exhortatur; ille necessitate, hic libera voluntate; ille habet arma sensibilia, hic arma spiritualia, ille bellum gerit cum Barbaris : mihi bellum est adversus Dæmones; major hic Principatus, propterea rex caput submittit manui Sacerdotis. Ubique in veteri Scriptura Sacerdotes inungebant Reges. Verum Rex ille, Ozias, sua transiliens septa modumque regni transgressus, conatus est aliquid addere, atque ingressus est templum cum auctoritate incensum adolere volens. Quid igitur Sacerdos... non licet adolere incensum, vide libertatem, vide mentem sævire nesciam.... Rex autem Ozias non sustinuit admonitionem, sed arrogantia inflatus ingressus est templum, aperuit Sancta Sanctorum volens adolere incensum. Quid autem Deus ubi Sacerdos contemptus est, dignitasque Sacerdotii conculcata ubi nihil amplius potuit Sacerdos? (Nam Sacerdotis tantum est arguere, et audacter et libere admonere, non movere arma, non clypeos usurpare, non vibrare lanceam, nec arcum tendere, nec jacula mittere, sed tantum arguere, ac constantiam ostendere.) Postea-quam igitur arguisset Sacerdos, Rex autem non cessisset, sed arma moveret, clypeos et hastas, suaque uteretur potentia, ibi Sacerdos dicit: Ego quod erat mei officii præstiti, nihil amplius possum, succurre Sacerdotio quod conculcatur, leges violantur, fas subvertitur.

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