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cette journée, nous avons dû célébrer leurs funérailles. Leurs frères d'armes, qui avoient juré avec ex le pacte fédératif dans le Champ de Mars à Paris, se sont réunis, le 20 septembre, dans ce champ guerrier et fraternel, pour leur rendre les honneurs funéraires. Cette cérémonie, à laquelle se sont trouvés près de cinquante mille hommes, tant soldés que non-soldés, tant de Paris que des environs, tous portant un crêpe autour du bras gauche, tous marquant une affliction que l'assemblage des sentimens augmentoit encore: cette cérémonie a été aussi noble que touchante. On ne voyoit qu'un seul mouvement dans cette armée nombreuse; on n'entendoit que la musique plaintive des régimens, et les prières solemnelles du prêtre qui officioit. Au moment de la confédération, le canon a donné le sigual, et cinquante mille hommes à la fois ont plié le genou et baissé leurs fusils. Que la douleur publique est imposante! que la patrie est sainte à côté de la religion! que la religion est grande à côté dè la patrie! L'émotion causée, par ce spectacle, a été cependant la moindre de ses impressions. Un sentiment plus généreux éclatoit dans tous les regards. Spectateurs, soldats, prêtres même, tous sembloient se dévouer à la mort pour le salut públic. On ne distinguoit dans la foule aucun visage rebelle. Le deuil général réconcilioit tous les cœurs. L'aristocratie vaincue et le patriotisme vainqueur, en confondant ensemble leurs larmes, se montroient disposés à mêler aussi leur sang pour la cause commune. Voilà comme il est beau de triompher des aristocrates, et non en brûlant des châteaux, ni en coupant des têtes, qu'il vaut mieux soumettre aux loix et forcer à la concorde.

Parmi les décorations funèbres du Champ de Mars, on a remarqué ces quatre inscriptions:

La première. A la mémoire des braves guerriers morts à Nancy, pour la défense de la loi, le 31 août. 1790.

La seconde. Ennemis de la constitution; tremblez: en mourant, il nous ont laissé leur exemple.

La troisième. Le marbre et l'airain périront, mais leur gloire sera éternelle.

La quatrième. C'est ici qu'ils avoient juré avec nous de mourir fidèles à la nation, à la loi, et au roi.

De l'établissement primitif des villages.

Les premiers hommes vivoient, selon toute apparence, au milieu des bois. Les cavernes des rochers leur servoient de retraite. Ils y apportoient les fruits de leur chasse, ou ceux que produisoient des arbres, sauvages comme eux. Les hommes qui habitoient le long des rivages de la mer, avoient plus de facilité pour se nourrir, en ramassant les coquillages, et en vivant de la pêche des huîtres et des poissons. La culture du bled changea la situation des homines. Ceux qui apprirent à le semer, à le garder, à le moudre, à le pétrir, donnèrent le pain au monde, et furent regardés comme les pères nourriciers du genre humain. Des peuplades errantes devinrent des peuples sédentaires et domiciliés, et de-là s'élevèrent de loin en loin et de canton en canton, d'abord les villages, ensuite les villes. Les hommes les plus riches se rassemblèrent dans les villes; ils convinrent de suivre les mêmes loix; et ils établirent autour d'eux les arts; mais le plus utile, et le plus estimable des arts, fut toujours Tagriculture. Chez les anciens Perses, elle étoit

honorée ; et les principales fêtes des mages, qui toient les prêtres de la religion persane, consistoient dans la célébration des grandes époques de la culture, telles que les semailles, la levée du ble, la moisson, et l'offrande solemnelle des gerbes, faite à la divinité du pays. Dans l'empire de la Chine, qui est presque aussi étendu que l'Europe, et qui subsiste depuis trois mille ans au moins, l'agriculture est le premier article de la politique, et un des premiers de la religion. C'est un usage immémorial de ce superbe empire, qu'au renouvellement de chaque année, l'empereur, en prẻsence de son peuple et de sa cour, laboure et sème de sa main deux ou trois sillons, dans lesquels il enfonce un soc qui est tout doré, parce que la vanité se mêle toujours aux meilleures cérémonies des rois. Celui de la Chine met cependant sa vanité la mieux entendue, à se montrer le premier laboureur de ses états immenses; et tous les ans il fait distribuer, dans un million de villages, un million d'exemplaires du calendrier national, qui est l'abrégé de tout ce qu'il importe au peuple de savoir. Le peuple Romain, qui fut autrefois le conquérant et le législateur du monde entier, attachoit une importance extrême à l'agriculture. Il regardoit la profession du laboureur, comme aussi glorieuse que celle des guerriers et des sénateurs. Ceux-ci, en quittant le sénat où l'armée, retournoient noblement à la charrue. Tant que ces mœurs durérent, le peuple Romain fut invincible. Le mépris de la culture, des loix et des vertus, bouleversa Rome, et livra l'Europe à l'invasion des peuples du Nord, célèbres sous le nom de Goths et de Vandales. Ces Bar

et

bares avoient, comme tous les brigands, le travail en horreur. Ils forcèrent les naturels du pays qu'ils avoient conquis à travailler pour eux, alors commença le systême abominable de la main-morte, de la roture, de la corvée et de la taille. Ce systême, nommé gouvernement féodal, nâquit au milieu du carnage, et couvrit tous les villages de l'Europe de calamités et de misère. Le paysan, en Pologne, où ce gouvernement subsiste en entier, est un esclave, un forçat; et son seigneur peut le tuer impunément. Dans plusieurs cantons de l'Allemague, il existoit une loi, digne des Goths et des Vandales; elle condamnoit tout paysan qui tucit un cerf, à être attaché sur un autre cerf que l'on abandonnoit avec lui dans les bois. Le paysan François ne fut jamais exposé à de telles barbaries; cependant il gémissoit sous une quantité innombrable de droits féodaux. L'assemblée nationale l'a délivré d'une partie de ces droits et lui a permis de se racheter des autres. Il va renaître. Il va reprendre sa dignité. Elle consiste dans l'utilité de son travail et de la sagesse de ses mœurs. Mais il a besoin, pour l'une et pour l'autre, de sortir de cette ignorance où l'a retenu şi long-temps un gouvernement qui n'étoit guère plus éclairé que les villages. Ce gouvernement ayant changé au profit des campagnes, leurs habitans doivent se rendre dignes de ses bienfaits, et s'éclairer comme lui. La richesse de leurs terres et la prospérité de leur condition dépendent des bonnes loix et des heureuses découvertes. Ils doivent donc s'appliquer à les connoître. C'est alors qu'ils seront véritablement au pair des citoyens les plus distin

gu s. Car c'est moins la difference des conditons, que l'excellence des travaux et la préémi-, nence des vertus qui distinguent les hommes. Cette considération seule nous a déterminés à nous charger de la Feuille Villageoise. Rien ne sera négligé par nous, pour donner au paysan les connoissances qui lui manquent, et nous espérons que dans peu il saura converser avec les gens instruits, et quelquefois les instruire eux-mêines.

Expériences sur les troupeaux.

On n'imagineroit pas que l'Espagne, dont on accuse conûnnellement la négligence et la paresse, et néanmoins le pays qui possède les plus beaux et les plus nombreux troupeaux. Cet avau tage tient à plusieurs causes. 1°. Les Espagnols font venir tous les ans des beliers de Barbarie, côte d'Afrique, dont ils sont voisins. Ces étalons africains, dont la laine est d'une finesse prodigieuse?, et dont la force et la fécondité ne sont pas moins admirables, renouvellent chaque année les moutons de l'Espagne. 2°. La boncè du climat favorise leur propagation. Les pluies y sont rares. Le terrein sec; et les nuits tempérées de l'Espagne, permettent le tenir les troupeaux à l'air, jour et nuit. Ils ne sont donc jamais attaqués de maladies qui proviennent uniquement de l'air renferme et corrompu des étables, et en même-temps ils servent fertiliser, par leurs engrais, les terreins où ils parquent. 3o. Les Espagnols dounent à leurs troupeaux du, sel en abondance, ce qui aiguise Pappétit des moutons, et contribue à leur santé, et même à rafiner leur laine en epurant leurs humeurs. 4°. On a soin de les écarter de toutes marres infectes, et de leur procurer une boisson saine et salubre. 5. Pour les fortifier et les mieux nourrir, on les fait voyager de montagne en montagne. Un berger, secondé par pla sieurs autres bergers qui lui obéissent comme les moutons, parcourt ainsi avec eux des provinces entières, et ramènent ensuite sa pacifique armée, engraissée aux dépens de ses provinces. Cet avaange coûte un peu cher à la culture, parce qu'elle est obligée d'abandonner au pâturage et aux courses des troupeaux uns etendue immense de terre aussi un "Anglois disoit-il, que Espagne n'étoit bonne a 'habiter qu'aux moutons et aux moines.

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