Page images
PDF
EPUB

manière égale, et peut-être supérieure à celle des Anglois; car nous avons l'avantage de profiter de leurs lumières et d'être venus après eux.

Mais, en même-temps, elle a décrété que le code pénal, le livre des peines ou punitions, sera incessamment réformé, de manière que les peines soient proportionnées aux délits, et qu'elles soient modérées ; car ce n'est pas la sévérité, mais la certitude de la peine, qui contient les méchans; et la loi qui punit la cruauté ne doit pas en donner l'exemple.

Nous devons donc espérer que désormais la vie des hommes sera respectée, que nul innocent ne sera condamné, et que les peines, étant modérées et exactement proportionnées aux fautes, il n'y aura de punitions que celles précisément qui seront nécessaires au repos de la société.

L'assemblée nationale a fait deux autres institutions importantes, l'une a pour but de prévenir les procès; ce sont les BUREAUX DE PAIX et de conciliation. L'objet de l'autre est de prévenir les divisions et les haines qui s'élèvent souvent dans les familles pour des raisons d'intérêt, ou par la mauvaise conduite d'un de leurs membres: c'est le TRIBUNAL DE FAMILLE.

Voici ce que c'est que le BUREAU DE PAIX:

Le juge de paix peut juger à charge d'appel, comme nous vous l'avons dit, jusqu'à la somme de cent livres. Quand la somme contestée est au dessus de cent livres, elle va au tribunal de district; mais avant que d'y porter leur contestation, les parties doivent se présenter devant le juge de paix; l'une des deux au moins doit y citer l'autre, et sur demande, le juge et ses assesseurs doivent former un bureau de paix et de conciliation pour les arranger sans plaider. Le tribunal de district ne peut pas les juger, s'ils n'ont paru d'abord devant le bureau de paix. Et si, l'une des deux parties ayant cité l'autre, celle-ci a refusé de s'y rendre, ou si la médiation a été inutile, la partie appelante doit mettre à la tête de son exploit, copie du certificat du juge de paix, qui atteste que sa partie a été inutilement appelée à ce bureau, ou qu'il a employé sans fruit sa médiation.

Ce n'est pas tout. Dans les causes au civil qui vont directement au district sans passer par le juge de paix, on sera obligé de se conduire de même. Il faudra se présenter auparavant devant un bureau de paix qui sera nommé par le conseil général de la commune dans chaque ville de district, et le tribunal ne pourra point juger la cause avant que les parties aient rempli les conditions que nous venons de dire.

Ce dernier bureau de paix, savoir, celui de district, sera, en même-temps, bureau de JURISPRUDENCE CHARITABLE; il sera chargé d'examiner les affaires des pauvres qui s'y présenteront, de leur donner des conseils, et de défendre ou faire défendre leurs causes. Si les différends sont inévitables, on voit du moins combien ces institutions sont propres à prévenir ou abréger les procès, et sur-tout à calmer les dissensions naissantes.

Voici maintenant ce que c'est que le tribunal de famille.

S'il s'élève quelque contestation entre mari et femme, père et fils, grand-père et petit-fils, frères et sœurs, oncles et neveux, ou entre alliés, aux degrés ci-dessus, comme aussi entre les pupilles et les tuteurs, pour choses relatives à la tutelle, les parties SERONT TENUES de nommer des parens, ou à leur défaut, des amis et voisins pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leur différend, et qui, après les avoir entendus et après avoir pris les connoissances nécessaires, rendront une décision motivée. Nulle partie ne pourra se plaindre aux juges, sans avoir passé par le tribunal de famille; mais les parties pourront appeler ensuite au tribunal du district, qui jugera en dernier ressort.

Le tribunal de famille servira encore à ceci. Sous le régime précédent, quand un enfant se conduisoit mal, et qu'il donnoit dans des écarts, on le punissoit ar bitrairement, il étoit enlevé par une lettre-de-cachet; un père dur et impérieux le faisoit enfermer quelquefois pour des fautes légères; un père foible n'osoit le punir de peur de faire de l'éclat et de le déshonorer; une veuve, trop indulgente envers ses enfans, n'osoit exercer sur eux aucune autoli.é; enfin, les écarts

des jeunes gens, qui peuvent influer sur toute leur vie, étoient punis au hasard, souvent sans succès, et très-souvent ne l'étoient pas. L'assemblée nationale a décrété que si un père, une mère, un aïeul ou un tuteur a des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite d'un enfant ou d'un pupille, dont il ne puisse plus réprimer les écarts, il pourra porter sa plainte au tribunal domestique de la famille. Ce tribunal sera de huit parens les plus proches, ou au moins de six. A défaut de parens, il y sera suppléé par des amis ou des voisins.

Le tribunal, après avoir vérifié les plaintes, pourra ARRETER que l'enfant, s'il est âgé de moins de 21 ans accomplis, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d'une année pour les fautes les plus graves.

Cependant, comme une famille pourroit agir quelquefois par passion, et comme il ne faut laisser l'exécution des fois qu'aux juges qui en sont chargés, L'ARRETE DE FAMILLE ne pourra être exécuté qu'après avoir été présenté au président du tribunal du district. Le président refusera ou ordonnera l'exécution; il pourra en tempérer les dispositions, mais il ne pourra pas prononcer une peine plus forte que la famille. Enfin, il ne pourra rien prononcer, qu'après avoir entendu LE COMMISSAIRE DU ROI, lequel vérifiera les motifs qui auront déterminé la famille.

Tels sont les divers tribunaux que l'assemblée nationale a établis.

Il importe cependant à la sûreté et à la liberté des citoyens, que les juges eux-mêmes soient surveillés ; que les lois soient observées, que les tribunaux ne puissent pas se permettre de les exécuter ou de les interprêter à leur gré, que les jugemens soient exécutés; l'assemblée nationale y a pourvu. Cette grande surveillance appartient au roi, chef suprême du pouvoir exécutif, et au nom duquel se rend la justice. Le roi nomme donc des COMMISSAIRES auprès de chaque tribunal de district. Les commissaires sont les conservavateurs des formes; ils doivent veiller à ce que la justice soit rendue; ils doivent parler pour les absens,

pour les pupilles, pour les mineurs, pour les gens interdits, pour les femmes mariées, pour la nation, pour la commune, c'est-à-dire, pour tous les foibles et les absens qui pourroient être, auprès des tribunaux, sans appuis et sans défenseurs.

Ainsi, vous pourrez espérer que la justice vous sera promptement et exactement rendue. Les tribunaux sont établis presque par-tout. L'ordre va renaître et avec lui la confiance. Goûtez donc la sécurité qui naît de la certitude d'avoir de bonnes lois. Respectez-les surtout; c'est au respect pour les lois que l'on reconnoît l'homme libre et le bon citoyen.

Nous vous donnerons un article détaillé sur le juge de paix et sur ses fonctions: institution précieuse aux campagnes, pour qui particulièrement elle a été faite. Nous vous parlerons aussi de la cour de cassation, et de la haute cour nationale, lorsque vos représentans l'auront organisée.

Quatrième lettre de Felicie à Marianne.

Ce 25 Novembre 1790.

Je suis charmée que ma chère Marianne ait été contente de mes réflexions sur le bonheur de la vie champêtre tu conviens bien que jamais les villageois n'ont éprouvé cet affreux état que je t'ai dépeint, et qui est causé par l'ennui; mais tu ajoutes que cependant les paysans peuvent, dans certains cas, s'ENNUYER A MOURIR, et que tu en as été la preuve. Tu veux parler DE LA MALADIE DU PAYS. Je me souviens très-bien que deux ans avant ton mariage, desirant te garder toujours avec moi, je t'emmenai à Paris, et que peu de temps après, je vis ma pauvre petite Marianne, changer, maigrir, perdre ses brillantes couleurs, et tomber dans une tristesse que rien ne pouvoit dissiper te rappelles-tu notre entretien sur ce sujet, lorsqu'enfin je t'interrogeai, et qu'il fallut m'avouer la vérité? Pour moi je noublîrai jamais cette scène touchante! Je crois te voir encore, partagée entre le

desir d'embrasser tes parens, et le chagrin de me quitter; craignant de me fâcher, ne pouvant feindre, et n'osant me confier ton secret; pleurant, et répétant sans cesse JE SUIS BIEN HEUREUSE ICI!.... MAIS MA MÈRE, MON PÈRE, ET MON PETIT FRÈRE CHARLOT...! C'est sur-tout de ce moment que j'ai pris pour toi cette tendre amitié que je te conserverai toujours. Tu voyois Paris pour la première fois; tu te trouvois dans une bonne maison, dont tu connoissois depuis longtemps les maitres et les domestiques; chacun t'y traitoit avec amitié; on te combloit de présens; on t'envoyoit souvent aux promenades tu étois bien logée, bien nourrie, bien mise ; tu menois la vie la plus douce : au milieu de tout cela, tu n'avois qu'un desir: celui de retourner dans ta petite chaumière; et pour te retrouver au sein de ta famille, tu renonçois sans balancer à tant d'avantages, en te consacrant de nouveau à tous les travaux pénibles de ton premier état. As-tu bien réfléchi à ce dessein te disois-je ? Quand il faudra faire le pain, tirer des sceaux d'eau, travailler à la vigne, conduire des brouettes; ne regretteras-tu pas Paris? OH NON, répondois-tu : JE TRAVAILLERAI POUR MON PÈRE ET MA MÈRE, CELA NE M'A JAMAIS FATIGUÉE. Ne compare donc point l'ennui produit par la maladie du pays, avec cet ennui mortel dont je t'ai fait la peinture: celui-ci vient d'un horrible endurcissement du cœur ; l'autre vient d'une excessive sensibilité. Le paysan qui a quitté sa chaumière, ne peut s'amuser à Paris, parce qu'il préfère sa famille et la vie champêtre, à tous les vains plaisirs des villes. Au milieu de toute notre pompe et de notre dissipation, il regrette la nature que rien ne lui retrace, et qui peut seule offrir et donner les vrais biens; il languit, il dépérit, il a besoin de respirer l'air natal: air si pur, si salutaire, quand c'est celui de ta campagne car les gens qui sont nés dans les villes, n'ont jamais LA MALADIE DU PAYS: transportez-les dans une autre ville, aussi belle que la leur ; ils oublieront bientôt le lieu de leur naissance, ou du moins ils y penseront sans attendrissement. L'ombre et la fraicheur des bois ; une jolie cabane, des ruisseaux, des prairies,

« PreviousContinue »