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Dans le cas, enfin, de simples vices cachés de la chose, le doute peut se présenter sur le point même de savoir si l'existence de ces vices donne droit à garantie. On pourrait dire que le constituant, par cela même qu'il donnait, a dû transmettre la chose telle quelle, et qu'il ne peut dès lors rien devoir pour les charges occultes ou défauts secrets dont elle peut être atteinte. Mais cette idée ne serait pas plus exacte pour ce dernier cas que pour les précédents : cette idée est vraie, et vraie partout, pour le donateur ordinaire, qui est en conséquence affranchi partout et toujours de la dette de garantie; mais elle est fausse, et fausse partout, pour le donateur d'une dot, lequel est traité sous ce rapport comme ayant fait un acte à titre onéreux, et doit dès lors la garantie dans tous les cas. Les époux ont compté et dù compter sur la valeur que la chose paraissait avoir, et l'indemnité dès lors leur est due. D'ailleurs, ou le donateur ignorait les vices, et il a donc entendu procurer la valeur que la chose paraissait avoir, en sorte que c'est là l'intention commune des parties; ou bien il a connu les vices, et dès lors il y a une faute qui lui est imputable... Ainsi, dans ce cas comme dans les autres, c'est au donateur qui veut échapper aux résultats possibles de son acte de s'y soustraire par la réserve expresse qu'il est toujours libre de stipuler.

III. La circonstance que la dot a pour but de faire face aux besoins du ménage a déterminé ici une exception au principe que les intérêts ne sont dus que par la demande qui en est faite; ces intérêts, dans le cas où la dot n'est pas payée comptant, courent ici du jour même du mariage, de plein droit, et sans qu'il soit besoin de s'en expliquer.

Mais, bien entendu, la règle ne s'applique ni au cas où le donateur a soin de déclarer formellement dans le contrat qu'il entend ne point payer d'intérêts, ni à celui où la dot consiste en une chose non productive d'intérêts. La première exception est écrite dans notre article et dans l'art. 1548. La seconde, évidemment fondée en raison, résulte également du texte bien compris de ces articles, puisque ce texte revient à dire, non pas, comme semble le croire Toullier (XIV, 97), que toute dot produira des intérêts, mais seulement que la dot, quand elle sera productive d'intérêts, les produira du jour du mariage (1).

En conséquence, si la dot payable à terme consiste en une somme d'argent, les intérêts de cette somme, sans qu'il soit rien dit à cet égard, courront du jour du mariage. Si elle a pour objet un immeuble, il faut dire, par analogie, que le donateur devra livrer au donataire les fruits de cet immeuble ou leur équivalent. Mais s'il s'agit, par exemple, d'unameublement, il est clair que le donateur ne devra pas d'intérêts. Et il n'en devrait pas davantage s'il avait constitué une créance non productive d'intérêts qu'il a sur un tiers, puisqu'ici encore le bien donné est improductif; et c'est avec raison que la doctrine contraire de Toul

(1) Conf. M. Troplong (IV, 3094); Dalloz (1257).

lier (loc. cit.) est repoussée par tous les auteurs, même par son annotateur M. Duvergier (1).

N. B.

Il faut rapprocher de l'explication de cet article celle des art. 1547 et 1548.

SECTION III.

DE LA DISSOLUTIon de la communauté, et de quelques-unes de ses suites.

Si peu satisfaisantes que soient les divisions adoptées par les rédacteurs dans les quatre sections auxquelles nous arrivons, le rétablissement des idées dans leur ordre naturel entraînerait un si profond bouleversement des articles que nous nous résignons à suivre l'ordre du Code, sauf à l'abandonner dans notre résumé.

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1441. La communauté se dissout: 1° par la mort naturelle; 2o par la mort civile; 3° par le divorce; 4o par la séparation de corps; 5o par la séparation de biens.

1. - Des cinq causes de dissolution que cet article énumère, il n'en existe réellement que trois. D'une part, en effet, le divorce est aboli; et, d'un autre côté, la séparation de corps n'est point une cause distincte de la séparation de biens, puisque c'est uniquement parce qu'elle produit la séparation de biens que cette séparation de corps opère médiatement dissolution de la communauté (art. 311): c'est toujours la séparation de biens, soit qu'elle intervienne principalement, soit qu'elle n'arrive que comme conséquence de la séparation de corps, qui est la cause unique de la dissolution.

Mais, réciproquement, deux causes de dissolution dont l'article ne parle pas doivent être ajoutées à celles qu'il indique le jugement de nullité du mariage putatif, et quelquefois la déclaration d'absence. On a vu, en effet (art. 201 et 202, n° III), que le mariage qui est annulé, après avoir été contracté de bonne foi, conserve tous ses effets pour le passé; que, dès lors, il a fait exister entre les époux une véritable communauté qui finit par le jugement, et qu'il est, ni plus ni moins, dans le cas d'un mariage valable que le divorce viendrait dissoudre. On a vu également (art. 124, nos IX et XVII) que la déclaration d'absence d'un époux commun devient une cause réelle de dissolution de la communauté: 1° quand le conjoint a opté pour la dissolution provisoire, et 2° quand son option pour la continuation est suivie plus tard de l'envoi définitif, si, dans les deux cas, on n'arrive jamais à constater ni l'existence, ni le décès de l'absent.

(1) Delvincourt (t. III); Duranton (XV, 382); Benoît (I, 158); Tessier (I, p. 167); Zachariæ (III, p. 392); Odier (III, 1154); Duvergier (sur Toullier, loc. cit.); Rodière et Paul Pont (1, 116); Troplong (II, 1255 et 1256); Dalloz (1259 et 1260). Quand les futurs sont nourris chez le constituant, les frais d'aliments s'imputent sur les intérêts de la dot. Benoît (I, 157); Seriziat (63); Merlin (Rép., Intérêt, § 2); Tessier (I, 165); Troplong (3096); Rodière et Pont (I, 117).

Les cinq causes possibles de dissolution sont donc : 1o la mort naturelle; 2o la mort civile; 3o la séparation de biens; 4° la déclaration de nullité du mariage; 5° la déclaration d'absence.

Le Code passe maintenant à deux suites particulières qu'entraîne quelquefois la dissolution de la communauté : 1o la peine attachée au défaut d'inventaire de la part de l'époux survivant (art. 1442); 2o la séparation de biens judiciaire, dont s'occupe le reste de la section.

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1442. Le défaut d'inventaire après la mort naturelle ou civile de l'un des époux, ne donne pas lieu à la continuation de la communauté; sauf les poursuites des parties intéressées, relativement à la consistance des biens et effets communs, dont la preuve pourra être faite tant par titres que par la commune renommée.

S'il y a des enfants mineurs, le défaut d'inventaire fait perdre en outre à l'époux survivant la jouissance de leurs revenus; et le subrogé tuteur qui ne l'a point obligé à faire inventaire, est solidairement tenu avec lui de toutes les condamnations qui peuvent être prononcées au profit des mineurs.

SOMMAIRE.

1. Le Code supprime les anciennes continuations de communauté pour défaut d'inventaire.

II. Mais il donne à tous intéressés le droit de prouver par commune renommée l'importance de la communauté. Ce droit n'est donc point réservé aux enfants mineurs erreur de Toullier.

III. En cas d'enfants mineurs, le défaut d'inventaire emporte suppression du droit d'usufruit légal du survivant. Développement de cette règle. Controverse. Obligation et responsabilité du débiteur.

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I. Autrefois, le défaut d'inventaire de la part du survivant des époux communs avait pour résultat d'empêcher la dissolution de la communauté, et de faire continuer cette communauté entre le survivant et les héritiers du prédécédé. D'après la coutume de Paris, ce résultat n'avait lieu que si ces héritiers étaient des enfants du défunt et enfants mineurs; mais, suivant d'autres coutumes, il avait également lieu pour des enfants majeurs et même pour des héritiers collatéraux (1).

Si le survivant se remariait, il se formait une communauté appelée tripartite, parce qu'elle se partageait entre : 1o le survivant, 2o les héritiers du prédécédé, et 2o le second conjoint. Après la mort de ce second conjoint, la communauté pouvait continuer de même pour ses enfants; de sorte que, si un père qui se trouvait ainsi en commun avec des enfants de plusieurs lits épousait une femme qui fût dans le même

(1) Voy. notamment Paris, art. 210 et 211; Orléans, art. 216; Bar, art. 232; Montargis, chap. 9, art. 3; Req., 17 fév. 1829; Pothier (829); Troplong (1271).

cas, on pouvait avoir une communauté qui se trouvait être une complication de cinq ou six communautés ! Et comme les conditions et les effets de ces continuations de communauté variaient d'une coutume à une autre, on conçoit dans quel dédale on se trouvait jeté pour leur liquidation, quand, mariés dans un pays, les époux étaient venus s'établir dans un autre où l'un était devenu veuf et s'était remarié sous une législation différente!... Le Code abroge ce fâcheux état de choses, en déclarant dans notre article que le défaut d'inventaire ne donne plus lieu à la continuation de la communauté.

II.- Mais en supprimant ces continuations bizarres de communauté, le Code attribue au défaut d'inventaire l'effet, très-juste assurément, de permettre aux héritiers du prédécédé de faire, non pas seulement par titres, mais aussi par témoins et même par la commune renommée, la preuve de l'importance de la communauté (1). Nous disons que ce droit appartient aux héritiers du défunt, quels qu'ils soient. Il est vrai que Toullier (XIII, 5) dont la doctrine a été suivie par un arrêt de la Cour de Caen (2), enseigne que ce bénéfice n'existe que pour les enfants mineurs, en se fondant sur ce qu'il remplace l'ancien droit de faire continuer la communauté, lequel n'était établi, dit-il, que pour ces enfants mineurs. Mais d'abord, il y a là une erreur de fait on a vu que la continuation existait souvent avec les enfants majeurs et même avec les collatéraux; et la règle nouvelle étant d'ailleurs aussi rationnelle que l'ancienne était ridicule et contre nature, il était tout simple que le Code la posât d'une manière générale. C'est aussi ce qu'il fait, puisqu'il accorde le droit en question aux parties intéressées, et que c'est après avoir ainsi écrit son premier paragraphe pour tous ceux qui auront intérêt à l'invoquer, qu'il arrive à s'occuper dans le second de ce qu'il faudra décider s'il y a des enfants mineurs. Enfin les travaux préparatoires sont également clairs sur ce point; car l'orateur du gouvernement, après avoir distingué le cas où il y aurait des enfants mineurs et celui où il n'y en aurait pas, ajoute que, « dans tous les cas, la preuve par commune renommée sera admise », et l'orateur du Tribunat dit à son tour que le droit existe pour les parties intéressées sans distinction (Fenet, XIII, p. 672 et 731).

IN.

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La disposition de notre second alinéa, exclusive pour le cas d'enfants mineurs, fait naître plus d'une difficulté. Cette règle, écrite

(1) Mais il a été jugé que le défaut d'inventaire ne peut motiver contre l'époux survivant aucune dérogation aux règles relatives à la composition de la masse à partager et aux prélèvements réciproques des époux. Spécialement, l'époux survivant qui, en pareil cas, déclare et offre de prouver que la succession de l'époux décédé consistait uniquement en divers titres de créance, ne peut être contraint à représenter les apports du défunt en espèces, tels qu'ils sont constatés par le contrat de mariage, sauf, bien entendu, le droit qui appartient aux héritiers du défunt, par suite du défaut d'inventaire, de demander à faire la preuve de la consistance des biens de la succession, tant par titres que par commune renommée. Cass., 5 mars 1855 (Dev., 55, 1, 583); et dans le même sens, Cass., 26 juin 1827, 26 janv. 1842. Voy. cependant Amiens, 22 mars 1855 (Dev., 55, II, 326).

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(2) Caen, 4 janv. 1840 (Dev., 41, II, 82); Conf. Battur (II, 618); Bellot (II, 79). Contra: Caen, 19 janv. 1832; Odier (1, 360); Paul Pont et Rodière (I, 762); Troplong (II, 1284); Dalloz (1593).

pour le cas de communauté, doit-elle s'appliquer aussi sous les autres régimes de mariage? L'inventaire par la rédaction duquel le survivant peut échapper à la peine prononcée doit-il nécessairement être dressé dans un délai préfix? Quel est ce délai? La déchéance du droit d'usufruit est-elle encourue par le fait même de l'expiration de ce délai, ou bien est-il loisible au juge de la prononcer ou non, selon les circonstances? Enfin la privation de jouissance frappe-t-elle seulement sur les biens appartenant aux enfants dans la communauté non inventoriée, ou s'étend-elle à tous les biens pouvant appartenir aux enfants?

Toullier (XIII, 8) et Chardon (no 146) enseignent que la déchéance ne porte pas sur les biens qui n'échoient à l'enfant que postérieurement à la dissolution de la communauté; mais c'est là une idée dont la discussion au conseil d'État prouve l'inexactitude. On y voit, en effet, que les rédacteurs étaient préoccupés d'assurer la confection de l'inventaire par l'application, au survivant qui ne le ferait pas d'une peine aussi sévère que possible, et qu'en outre de la privation absolue du droit d'a sufruit légal, que plusieurs trouvaient insuffisante, on proposait d'ajouter encore une indemnité égale au quart de la communauté (ibid., p. 564-566). Cette dernière idée n'a pas été admise; mais il résulte bien du procès-verbal qu'il s'agit, pour le survivant, de la suppression du droit d'usufruit légal établi par l'art. 384, suppression que l'on trou vait encore trop douce. Il n'y a donc à considérer ni l'origine des biens ni l'époque à laquelle ils arrivent à l'enfant; car la conséquence du défaut d'inventaire est que le survivant devient indigne du privilége attaché par l'art. 384 à la puissance paternelle (1). Quant au délai dans lequel l'inventaire doit être dressé (2), il est évident, en présence de l'art. 1456 et de l'usage constant de l'ancienne jurisprudence, dont les rédacteurs ont certainement entendu reproduire la règle, qu'il est de trois mois, sauf au survivant à se faire accorder par la justice une prorogation de délai, si des circonstances particulières rendent ce temps insuffisant (3). Il n'est pas moins certain, quand on considère l'énorme importance que nos législateurs attachaient à la confection de l'inventaire et dont témoigne énergiquement le procès-verbal précité, que c'est par le fait même du défaut de cet inventaire que la peine est encourue; et il y a violation de l'esprit, selon nous constant, de la loi, dans l'arrêt par lequel la Cour de Caen a refusé de prononcer la déchéance en se fondant sur ce que, dans l'espèce, le délai n'était expiré

(1) Voy. MM. Proudhon (t. I, p. 221); Battur (619); Dalloz (1617); Bressoles (Rer. de législ.. 1848, t. II, p. 301); Rodière et Paul Pont (t. I, no 772). Voy. cependant Dijon, 17 janv. 1856 (Dalloz, 56, II, 94), et M. Demolombe (t. VI, no 579).

(2) Il faut un inventaire notarié. Pothier (794); Toullier (XIII, 14); Rodière et Pont (I, 766); Troplong (1300); Dalloz (1600). Fait en présence du subrogé tuteur des mineurs ou de son mandataire. Pothier (797); Nouveau Denizart, vo Contr. de com.; Toullier (XIII, 13); Rodière et Pont (1, 767); Troplong (1298). Voy. cependant Battur (II, 620); Proudhon (De l'usuf., I, 65).

(3) Conf. Proudhon (I, 172); Duranton (III, 389); Toullier (XIII, 16); Battur (II, 771); Bellot (II, 91); Zacharia (III, 467); Rodière et Pont (1, 770); Odier (363); Troplong (1290); Dalloz (1608); Orléans, 7 mars 1863; Douai, 14 fév. 1863.

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