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moniales, et si elle permet exceptionnellement de s'en départir par une séparation judiciaire, c'est dans la pensée d'une absolue nécessité et à cause du péril que la femme prétend courir; or quand cette femme vient ensuite proclamer que ce péril n'existe pas et consent à la suppression de la séparation, c'est bien le cas de faire retour au régime du contrat sans tenir compte de la fantaisie qui prend aux époux de ne sortir de la séparation de biens que pour se donner une communauté différente de la première.

1452. La dissolution de communauté opérée par le divorce ou par la séparation soit de corps et de biens, soit de biens seulement, ne donne pas ouverture aux droits de survie de la femme; mais celleci conserve la faculté de les exercer lors de la mort naturelle ou civile de son mari.

1.

Cet article est tout à la fois inutile et doublement inexact.

Il est inutile; car il va de soi que des gains de survie, c'est-à-dire des avantages que le contrat de mariage attribue à un époux pour le cas où il survivra à son conjoint, ne sont dus à cet époux qu'autant que son conjoint est prédécédé : il est clair qu'il ne saurait être question de les exercer tant que les deux époux sont vivants et qu'on ne sait pas lequel mourra le premier.

Il est inexact, en ce que sa disposition se trouve trop restreinte sous un rapport et trop large sous un autre. D'une part, en effet, l'article ne parle que de la femme; or les gains de survie pouvant très-bien être stipulés pour le mari ou pour celui des époux qui survivra, quel qu'il soit, le texte pourrait faire supposer que la règle n'est pas la même pour le mari que pour la femme, tandis qu'elle est identique pour les deux cas (1). D'un autre côté, l'article nous dit que la femme conserve le droit d'exercer plus tard ses gains de survie, quoiqu'il parle d'une dissolution opérée non-seulement par la séparation de biens, mais aussi par la séparation de corps ou par le divorce (quand le divorce existait); or la séparation de corps (et il en était de même du divorce) enlève tout droit aux gains de survie à l'époux contre lequel le jugement est prononcé (art. 299 et 1518).

SECTION IV.

DE L'ACCEPTATION DE LA COMMUNAUTÉ ET DE la renonciatION QUI PEUT Y ÊTRE FAITE AVEC LES CONDITIONS QUI Y SONT RELATIVES.

Le Code s'occupe dans cette section : 1o de règles générales sur les acceptations et répudiations de communauté (art. 1453-1455, puis 1464); — 2o du cas où la communauté se dissout par la mort naturelle ou civile du mari (art. 1456-1462 et 1465); 3° du cas où elle se dissout par la séparation de corps ou de biens (art. 1463); — 4° entin du cas où elle se dissout par la mort de la femine (art. 1466).

(1) Conf. Rodière et Pont (II, 904); Troplong (1482); Dalloz (2066).

1453.

1o Règles générales.

Après la dissolution de la communauté, la femme ou sest héritiers et ayants cause ont la faculté de l'accepter ou d'y renoncer toute convention contraire est nulle.

I. —Nous avons eu souvent l'occasion de signaler cette faculté, pour la femme, d'accepter ou de répudier la communauté, et de se trouver ainsi, à son choix, ou copropriétaire des biens de la société conjugale et coobligée à ses dettes, ou complétement étrangère aux uns et aux autres. Cette faculté, compensation indispensable au droit exorbitant dont jouit le mari dans sa gestion, est considérée avec raison par le législateur comme l'un des éléments essentiels du régime de communauté, et elle constitue dans la loi une de ces dispositions d'ordre public auxquelles il est interdit de déroger. Toute convention ou déclaration par laquelle la femme, soit dans son contrat, soit dans le cours de la communauté, se dépouillerait à l'avance du choix qui lui appartient à cet égard, serait nulle et non avenue.

Mais on ne pourrait pas voir cette déclaration nulle dans l'acceptation ou la renonciation qu'une femme ferait pendant le cours d'une instance en séparation de corps ou de biens; car la déclaration faite dans ce cas, et qui, soumise à la condition que la séparation sera prononcée, n'intervient ainsi qu'en vue d'une dissolution imminente, se trouve être l'exercice même du droit d'option, bien loin d'en être l'abandon; et s'il est vrai que notre article parle d'une option faite après la dissolution, il est évident que ce serait fausser sa pensée que de s'arrêter judaïquement à ce mot, et que c'est d'une option faite lors de la dissolution qu'il entend parler (1).

Au surplus, le droit d'option attribué à la femme, et qui peut toujours être exercé aussi par ses ayants cause (2), ne saurait jamais l'être par le mari, même en cette qualité d'ayant cause de la femme. Ainsi un mari, institué légataire universel de sa femme qui prédécède sans héritiers à réserve, ne pourrait pas (pour se soustraire au droit de mutation sur la moitié des biens communs) renoncer à la communauté comme héritier de sa femme. Sans doute, en principe, le droit d'option passe aux représentants de la femme; mais ce principe est inapplicable au mari, attendu que le droit est précisément établi contre lui et se trouve incompatible avec sa qualité (3).

(1) Orléans, 14 nov. 1817; Lyon, 24 déc. 1829; Rej., 21 juin 1831 (Dev., 30, II, 99; 31, I, 268). Nous reviendrons sur ce dernier arrêt en expliquant l'art. 1463. (2) Jugé cependant que la faculté de renoncer à la communauté est un droit personnel à la femme, et qui ne peut être exercé en son nom par ses créanciers. Paris, 31 mars 1853 (Dev., 53, II, 337). Sic M. Odier (t. 1, no 430). Mais voy., en sens contraire, MM. Zachariæ (t. III, 312, note 31); Paul Pont et Rodière (t. I, n° 870; Troplong (t. III, no 1501); Dalloz (2142).

(3) Rej., 9 mars 1842 (Dev., 42, 1, 193); Cass., 9 mars 1842; Req., 26 nov. 1849. Conf. Pothier (535); Valin (sur Rochelle, II, 556); Tessier (196); Odier (1, 431); Rodière et Pont (872); Troplong (1503); Dalloz (2143).

1454. La femme qui s'est immiscée dans les biens de la communauté, ne peut y renoncer.

Les actes purement administratifs ou conservatoires n'emportent point immixtion.

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1455. La femme majeure qui a pris dans un acte la qualité de commune, ne peut plus y renoncer ni se faire restituer contre cette qualité, quand même elle l'aurait prise avant d'avoir fait inventaire, s'il n'y a eu dol de la part des héritiers du mari.

SOMMAIRE.

1. De l'acceptation expresse et de l'acceptation tacite.

II. La femme peut, pour minorité ou pour dol, se faire restituer contre l'une et l'autre, et aussi contre sa renonciation.

I. - La femme qui a opté dans un sens ne peut plus, en général du moins, revenir au parti contraire une acceptation rend tout naturellement impossible la renonciation, et réciproquement.

L'acceptation de la communauté, comme celle d'une succession, peut se faire expressément au tacitement, verbis ou facto (1). Il y a acceptation expresse, lorsque la femme, soit principalement et par un acte dressé dans ce but, soit incidemment et dans un acte quelconque, prend la qualité de femme commune. Il y a acceptation tacite, lorsque la femme s'immisce dans les biens de la communauté, c'est-à-dire quand elle accomplit un fait qui prouve qu'elle se regarde comme copropriétaire de ces biens, ce fait étant de telle nature qu'elle n'a pu avoir la pensée de l'accomplir qu'en cette qualité. Par conséquent, des actes de pure administration ou tendant simplement à la conservation des biens ne constituent pas des faits d'acceptation. Il y aurait acceptation, au contraire, comme on l'a vu à l'art. 780: 1° dans la donation que la femme ferait de ses droits, soit à des étrangers, soit à l'un ou plusieurs des héritiers du mari, soit à tous; 2° dans la prétendue renonciation qui serait faite par elle au profit de quelques-uns seulement de ces héritiers; 3° dans la prétendue renonciation faite même au profit de tous, du moment qu'elle ne la ferait que moyennant un prix. La décision contraire que Pothier (n° 545) donnait sur ce dernier cas, en adoptant les idées subtiles du jus civile des Romains, est évidemment inadmissible aujourd'hui, puisque n'abandonner un droit que moyennant un prix, c'est évidemment faire un acte de disposition de ce droit, un acte qui suppose que le droit nous appartient aussi faut-il remarquer avec M. Bugnet que la loi citée par Pothier, tout en refusant à ce fait le caractère

(1) Telle est la règle, soit dans le cas de dissolution par la mort du mari, soit dans le cas de dissolution par la séparation de corps: ainsi, même dans ce dernier cas, la communauté peut être acceptée tacitement. Voy. MM. Paul Pont (Herne critique,

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:

t. 1, p. 210, et Contrat de mariage, t. I, no 810 Troplong (t. III, no 1581). Voy. aussi Poitiers, 23 fév. 1842; Cass., 8 fév. 1843, 10 nov. 1845, 14 mars 1855; Paris, 31 juill. 1847 et 2 mai 1850 (J. Pal., 1842, t. II, p. 42; 1843, t. I, p. 632; 1817, t. II, p. 253; 1848, t. I, 894; 1850, t. I, p. 534; 1856, t. I, p. 297).

d'acte d'acceptation d'après le droit civil, ajoute qu'il avait ce caractère dans l'édit du préteur, in edictum tamen prætoris incidere; or c'est dans le droit du préteur, et non dans les subtilités de l'ipsum jus, que notre Code a ses analogies (1).

Quant au point de savoir si tel ou tel des autres faits divers qui peuvent se présenter constitue oui ou non un acte d'acceptation tacite, c'est-à-dire s'il suppose nécessairement la pensée d'agir comme propriétaire des biens communs, on conçoit que c'est là une appréciation abandonnée dans chaque espèce au juge du fait.

II. Le principe que la femme ne peut être restituée contre son acceptation souffre exception dans deux cas : 1o lorsque cette femme était mineure au moment de l'acceptation; 2° lorsque son acceptation a été la conséquence d'un dol pratiqué envers elle, c'est-à-dire de manœuvres qui lui ont fait croire la communauté beaucoup meilleure qu'elle n'était.

Ordinairement le dol ne peut être invoqué que contre la partie qui l'a pratiqué (art. 1116); en sorte que la femme vis-à-vis de laquelle le dol des héritiers a eu pour effet de lui faire accepter la communauté sans faire l'inventaire destiné à la garantir du payement des dettes ultrà vires (art. 1483), ne pourrait se plaindre que contre ces héritiers, non contre les créanciers restés étrangers aux manœuvres frauduleuses. Ainsi, d'après ce principe, l'acceptation dont il s'agit ne serait pas nulle; elle obligerait toujours la femme envers les créanciers et lui permettrait seulement de recourir contre les héritiers coupables du dol. Mais ce principe ne s'applique point ici, et la loi nous dit qu'en présence d'un dol pratiqué par les héritiers, la femme peut faire annuler son acceptation et renoncer à la communauté. Le dol est donc ici in rem au lieu d'être seulement in personam. Cela étant, il produirait donc les mêmes effets s'il émanait des créanciers du mari; et ce n'est dès lors qu'en se préoccupant de eo quod plerumque fit, que le législateur a parlé d'un dol pratiqué par les héritiers. Nous avons indiqué le motif de cet effet particulier du dol en expliquant la disposition analogue de l'art. 783 (2).

Nous disons, au surplus, que la minorité de la femme ou le dol pratiqué envers elle sont des causes de nullité de son acceptation, sans distinguer si cette acceptation est expresse ou tacite. Il est vrai que le Code ne parle de ces causes de restitution qu'à propos de l'acceptation expresse; mais son silence pour le cas d'acceptation tacite tient sans doute à ce que leur application à ce cas est plus évidente encore. Il est palpable, en effet, que si la femme mineure est incapable de se lier irrévocablement par un acte direct et formel d'acceptation, à bien plus forte raison l'incapacité existe-t-elle pour une acceptation résultant indirectement de certains faits accomplis par la femme, faits dont son

(1) Bugnet (sur Pothier, VII, p. 292); Paul Pont et Rodière (I, 812); Troplong (III, 1517). (2) Voy. Rodière et Pont (816, II); Req., 5 déc. 1838.

âge même l'empêchera souvent de bien comprendre la portée. De même, des manœuvres frauduleuses obtiendront bien plus facilement de la femme l'accomplissement de l'un de ces faits que la signature d'un acte exprès d'acceptation, et c'est encore par à fortiori qu'il faut admettre ici la nullité de l'acceptation tacite.

Il est également évident que ces deux circonstances de dol et de minorité seraient aussi des causes de nullité de la renonciation (1).

1464. Les créanciers de la femme peuvent attaquer la renonciation qui aurait été faite par elle ou par ses héritiers en fraude de leurs créances, et accepter la communauté de leur chef.

I.

Cette règle n'est, on le voit, qu'une application du principe de l'art. 1167, et nous renvoyons à cet égard à l'explication de ce dernier article, ainsi qu'à celle de l'art. 788. On y voit notamment que, malgré la doctrine contraire de plusieurs auteurs (2), l'action, appliquée ici aux renonciations seulement, s'applique aussi et à plus forte raison aux acceptations, comme l'enseignent Pothier (n° 559), MM. Paul Pont et Rodière (I, no 816, 3o), Bellot (t. II, p. 342), Bugnet (sur Pothier, loc. cit.), et Duranton (no 437).

2o Dissolution de la communauté par la mort du mari.

1456. -La femme survivante qui veut conserver la faculté de renoncer à la communauté, doit, dans les trois mois du jour du décès du mari, faire faire un inventaire fidèle et exact de tous les biens de la communauté, contradictoirement avec les héritiers du mari, ou eux dûment appelés.

Cet inventaire doit être par elle affirmé sincère et véritable, lors de sa clôture, devant l'officier public qui l'a reçu.

1457. Dans les trois mois et quarante jours après le décès du mari, elle doit faire sa renonciation au greffe du tribunal de première instance dans l'arrondissement duquel le mari avait son domicile : cet acte doit être inscrit sur le registre établi pour recevoir les renonciations à succession.

1458. La veuve peut, suivant les circonstances, demander au tribunal de première instance une prorogation du délai prescrit par l'article précédent pour sa renonciation; cette prorogation est, s'il y a

(1) Pour que l'acceptation ou la renonciation de la femme soit irrévocable malgré la minorité de cette femme, il faut qu'elle soit faite avec l'assistance d'un curateur et sur l'avis conforme du conseil de famille (art. 484, 461). S'il s'agissait d'un héritier de la femme, on conçoit que cet héritier pourrait être non-seulement mineur, mais encore pupille, et que c'est par son tuteur dès lors que l'acte devrait être fait.

(2) Toullier (XIII, 293); Zachariæ (III, p. 493); Odier (I, 476); Troplong (II,

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