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« Ulric Gering, Allemand, un des premiers imprimeurs, qui avoit fait pendant sa vie plusieurs aumônes aux pauvres de cette maison, légua par son testament à la communauté des pauvres, en 1510, la moitié de ses biens et le tiers de ce qui lui étoit dû par ses créanciers (1), et de cet argent on a acheté le village d'Annet, proche la rivière de Marne, et les maisons de Vezelay, qui est la partie de ce collége où sont les classes des grammairiens. >>

Dans le même temps, un arrêt du parlement vint régler les droits du curé de Saint-Étienne-du-Mont et ceux des chapelains de Montaigu : des conflits d'autorité spirituelle motivèrent sans doute cette intervention judiciaire.

A l'époque où je suis arrivé, le célèbre Buchanan, venu en France avec Jean-Maire, étudiait à Montaigu, d'où il passa ensuite à Sainte-Barbe; là il figura parmi les quatorze professeurs de cette maison qui était devenue très-florissante, et << régenta la grammaire pendant deux ans et demi avec les misères qu'il a décrites si naïvement dans l'élégie: Ite, leves nuga.» Buchanan avait adopté les idées luthériennes. A cette époque aussi, Jean Calvin étudiait à Montaigu la dialectique sous un régent espagnol : bientôt de nouvelles idées religieuses allaient naître dans son esprit. Antoine Tempête dirigea Montaigu jusqu'en 1528; l'année d'après, François 1er fonda le Collége de France. Plus tard Inigo ou Ignace de Loyola, hidalgo dégoûté du métier des armes et résolu d'embrasser une autre vie, étudia à Montaigu, il avait alors trente ans environ; de là il passa à Sainte-Barbe sous Govea qui eut un parent célèbre;

(1) Je laisse subsister ce mot de la traduction; lisez débiteurs.

on sait sa liaison avec François-Xavier, professeur au collége de Beauvais, et avec quatre compatriotes, Salmeron, Rodriguez, Bobadilla, Laynez, le serment de l'église de Montmartre et ce qui en résulta.

Jean Boulèse ou Bolæse, que je crois le successeur de Tempête, gouvernait Montaigu en 1572; c'est lui qui dans l'Histoire d'un miracle opéré par la sainte Eucharistie, écrite en latin, affirme que le code des jésuites a été calqué sur celui de son collége; sept ans après, ce même principal soutint un procès contre les régents des écoliers riches de la maison, qu'il voulait congédier, se proposant de ne garder que des pauvres; comme il refusait obstinément de se soumettre à la décision du recteur et de l'académie, il fut excommunié, et appela de cette sentence comme d'abus au parlement. Boulèse avait professé l'hébreu au collége des Lombards.

L'histoire ne dit mot de l'issue de cette affaire (1).

La mort tragique de Ramus est un fait trop connu pour que je m'en occupe, mais je ne puis m'empêcher d'établir un parallèle entre cet infortuné savant, victime de la barbare, de la sauvage intolérance de ses contemporains, et Standonck. Tous deux s'étaient rendus à Paris pour s'adonner aux fortes études, tous deux étaient pauvres : le premier fut reçu comme valet au collége de Navarre, le second fut admis de même dans l'abbaye de

(1) Boulèse a publié un ouvrage intitulé: Des Statuts du collège de Montaigu, in-8, et une Remontrance au parlement pour réformer le collége de Montaigu, 1575, in-8. Il existe à la Bibliothèque du Roi, au département des manuscrits, un inventaire des titres et revenus de ce collége. In-fo (fonds Baluze).

Sainte-Geneviève; tous deux servaient le jour et étudiaient la nuit à la clarté des astres; tous deux se distinguèrent par leur savoir l'un devint principal du collége de Presles, l'autre dé celui de Montaigu; l'un avait professé à l'Ave-Maria, l'autre à la Sorbonne. Quant aux différences, les voici :

Standonck fut très-attaché à l'ancienne foi, Ramus embrassa le nouveau christianisme. Standonck mourut paisiblement dans son lit; Ramus, traîtreusement assassiné, rendit le dernier soupir sur le pavé de la ville où le traînait une jeunesse forcenée, qui voulait venger bien plus encore Aristote que le pape.

Siècle d'horreurs durant lequel l'on ne respectait aucune espèce de conviction!

En 1594, le principal de Montaigu, qui se nommait Louis Léger, fit afficher dans toute la ville la représentation d'une tragédie intitulée Chilpéric II, qui devait avoir lieu dans son établissement, les colléges étaient alors dans l'usage de jouer de temps en temps des pièces de leur façon. -Le parlement, craignant que cette pièce ne contînt des allusions politiques, la fit défendre, et son auteur fut mis en prison.

Revenons maintenant à la chronique de l'abbaye de SainteGeneviève et reprenons-la au commencement du XVIe siècle.

Le premier fait de cette période qui mérite notre attention est la permission que le cardinal d'Amboise obtint de Louis XII de réformer les couvents de Saint-Martin-des-Champs, de SaintGermain-des-Prés, des Cordeliers, des Jacobins et de SainteGeneviève, signalés comme des lieux d'immoralité, d'indiscipline, d'orgueil, de fainéantise et d'audace.

Cette volonté n'eut pas de résultats satisfaisants, puisqu'on

lit dans Héliot que la licence, qui datait des guerres des Anglais, ne fit que devenir plus effrontée sous François 1e, si bien que le parlement donna ordre à Pierre Brulart, conseiller, de faire une information; cela ne fut encore d'aucune efficacité pour arrêter le mal. Il fallut derechef, quelques années après, que Christophe de Thou et Charles de Dormans, conseillers, se transportassent à l'abbaye pour réprimander ces incorrigibles moines, qui n'en tinrent aucun compte et se comportèrent comme ils l'avaient presque toujours fait.

Notre chroniqueur, à qui j'ai fait tant d'emprunts, relate ceci :

« L'an 1505, un célèbre prédicateur de l'abbaye de Fulde, en Allemagne, envoya ici un cœur d'argent, avec une attestation authentique d'un miracle arrivé en sa personne. Car, estant frappé d'une espèce de peste, il invoqua le secours de saint Martin, auquel il auoit une confiance particulière; surquoy s'estant endormy, il entendit une voix qui, luy criant: Geneuieue, Geneuieue, l'eueilla. Il crut donc que c'estoit le nom de la sainte à laquelle il deuoit s'adresser; il la pria en effet de luy prester secours en cette extrémité. Surquoy s'estant rendormy, il vit une dâme, tenant un rameau verd à la main, qui luy dit qu'il estoit guery, et le lendemain matin il se trouva en parfaite santé.... Pierre Dupont, aueugle de Bruges, estant guery, fit à la sainte un poëme en vers héroïques, dédié à l'abbé Philippe Cousin. »

On doit à ce dernier les chaires du chœur, sur lesquelles était gravée sa devise: Tout vient de Dieu.

Quelques années auparavant, le presbytère de Saint-Étiennedu-Mont fut augmenté de la maison de la chancellerie de l'ab

baye. Quelques auteurs croient que ce fut l'abbé Philippe-le-Bel qui jeta les fondements de l'église, un des plus charmants édi

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fices de la renaissance que nous possédions. — Il n'y a pas con

cordance, du reste, entre les dates de cette fondation; je pense qu'il ne s'agit ici que de l'établissement de la façade ou de la porte par laquelle on put entrer, en 1517, dans cette nef: jusqu'alors les religieux n'avaient pas voulu souffrir qu'on y pénétrât par une avenue autre que leur église.

Huit ans après, pendant la captivité de François 1er, la régente Louise de Savoie fit paver plusieurs rues de la rive gauche et exécuter maints travaux d'assainissement et d'embellissement, å l'aide des fonds que lui fournirent pour cela les riches abbayes de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain-des-Prés.

En 1525, Guillaume le Duc gouvernait l'abbaye. « Il y avoit de son temps, nous dit l'auteur du registre, une fontaine au coin du cloistre, à l'entrée du réfectoire où estoit le bassin de pierre qui se voit encore dans le préau, et au milieu estoit une image de sainte Geneviève, qui jettoit de l'eau par le bout de son cierge; elle fut destruitte lorsqu'on fit les voustes du cloistre. >> Ce même abbé « fit rebastir la chapelle de Sainte-Geneviève, qui est à gauche du grand autel, où l'on voit encore son portrait aux vitres, et entreprit ensuite les constructions de la chapelle de Notre-Dame. >>

Guillaume le Duc fut chargé par le parlement de la garde et de l'interrogatoire d'un jacobin, luthérien anglais, arrêté à Paris, où il était venu sans doute pour répandre sa doctrine.

Depuis nombre d'années on travaillait à Saint-Étienne-duMont. En 1537 et 1538, on fit le chœur et plusieurs chapelles

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