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quelein dans le débarquement annoncé, ils avaient été unanimement d'avis qu'ils ne pouvaient quitter leurs cantonnements, attendu que leurs soldats refusaient de marcher; que les rassemblements placés sous leurs ordres diminuaient à vue d'œil; et qu'il y avait peu d'espoir d'en former de nouveaux, la division de Légé et celle des Sables, entre autres, n'ayant pu être levées. En conséquence, ils invitaient M. de La Rochejaquelein à revenir au centre du pays, et à attendre que le commencement des hostilités entre le chef du gouvernement impérial et les souverains alliés, ou l'arrivée d'un prince de la maison de Bourbon avec un corps de troupes, permissent à la Vendée de déployer ses forces paralysées par les événements. >>

Cet arrêté revêtu de la signature des trois chefs que nous venons de nommer, augmenta le mécontentement de M. Louis de La Rochejaquelein; emporté par la colère, il répondit sur-lechamp à cette communication, par un ordre, où, qualifiant de lacheté et de trahison le refus de concours de MM. d'Autichamp, Sapinaud et de Suzannet, il prononçait leur destitution et leur nommait des successeurs'.

Cependant le débarquement avait continué; il fut terminé dans l'après-midi de cette journée; les insurgés chargeaient les

1. Cet ordre, daté du 2 juin 1815, était ainsi conçu :

«Le général en chef a vu avec la plus grande indignation que, loin d'exéenter ses ordres, MM. le comte d'Autichamp, commandant l'armée d'Anjou, le comte de Suzannet, commandant l'armée dite de Charette, et Sapinaud, celle du centre, se sont lâchement retirés au moment où il fallait protéger une expédition d'où dépend le salut de l'armée du roi. La teneur de leur arrêté ajoute à l'infamie de la désobéissance celle de la plus noire de toutes les trahisons. Ces hommes, qui se disent les soutiens du trône, les zélés serviteurs du roi, ont la bassesse de prêter l'oreille à un accommodement avec le tyran dévastateur de la France et du monde. Cette seule pensée révolte les hommes de bien, qui jurent de ne déposer les armes que quand l'homme de malheur contre lequel ils combattent ne sera plus en France ou sera mort.

En conséquence, il est ordonné aux généraux ci-dessus désignés, de quitter le commandement de leurs armées respectives. Ordonnons, en outre, à tous les officiers et soldats de la grande-armée de les arrêter et conduire devant nous.

« Nous nommons pour les remplacer :

A la place de M. d'Autichamp, M. le marquis de Civrac; à la place de M de Suzannet, M. Duchaffault; à celle de M. Sapinaud, M. Dupérat. »

derniers chariots destinés à transporter les munitions dans l'intérieur des terres, lorsque ceux de leurs détachements, qui étaient postés à Saint-Gilles pour défendre les approches du rivage, furent attaqués par un détachement de troupes impériales.

Le matin même, le général Travot, averti de l'apparition de l'escadre anglaise sur la côte vendéenne, était arrivé de Nantes à Bourbon-Vendée avec 2,000 hommes. Il avait immédiatement fait partir le général Grosbon pour Saint-Gilles. La colonne de ce général, forte d'environ 1,200 soldats, ne rencontra qu'une assez faible résistance. Les insurgés, après une courte fusillade où le général Grosbon succomba, frappé d'une balle au front, abandonnèrent le village. La petite colonne impériale, privée de son chef, resta sur la position. Le lendemain 3, Travot, parti de Bourbon-Vendée à deux heures du matin, rejoignit les soldats du général Grosbon; il amenait quelques renforts et était accompagné du général Estève. Informé que les insurgés avaient profité de la nuit pour s'éloigner de la côte et s'enfoncer dans les terres avec le convoi, il se mit à leur poursuite. Sa troupe était divisée en deux colonnes : il commandait l'une; le général Estève conduisait l'autre. Celle-ci se porta sur Saint-Jean-de-Mont. Elle ne tarda pas à rencontrer un nombreux détachement d'insurgés escortant vingt-cinq barils remplis d'effets d'équipements ainsi que des caisses où étaient enfermés cinq cents fusils et une grande quantité de pistolets. Une attaque vigoureuse dispersa l'escorte. Une fois maître du convoi, le général Estève continua sa poursuite. Il était arrivé à peu de distance de Saint-Jean-deMont, au lieu dit les Mattes, quand 3,000 insurgés, embusqués derrière plusieurs lignes de fossés que protégeaient des haies épaisses, l'arrêtèrent. On pouvait difficilement les forcer dans cette position sans sacrifier beaucoup de monde. Le général Estève feignit de battre en retraite; les Vendéens sortirent de leurs retranchements, croyant précipiter la fuite de leurs adversaires. Le général Estève, après les avoir laissés s'avancer, se retourna, les fit charger à la baïonnette et les rejeta en désordre sur leurs premières positions; quelques-uns s'y arrêtèrent

essayant de résister; le plus grand nombre, refusant de combattre, s'enfuit dans toutes les directions. Les hasards de cette lutte amenèrent un détachement de la gendarmerie municipale de Paris, commandé par le lieutenant Lupin, devant un gros d'insurgés, dont le chef, revêtu d'un habit bourgeois et monté sur un beau cheval, semblait faire de vains efforts pour obtenir l'exécution de ses ordres. Un large fossé séparait les deux troupes; les gendarmes s'approchèrent. Le chef vendéen, en ce moment, s'emportait contre ses soldats, leur ordonnait avec colère de tenir ferme et distribuait autour de lui force coups de plat de sabre. Les gendarmes firent feu sur lui; le cheval tomba avec son cavalier. Ce dernier se releva bientôt en agitant son épée. Une seconde décharge l'étendit raide. Tout ce qui l'entourait prit immédiatement la fuite. Un des gendarmes, franchissant aussitôt le fossé, courut au mort et lui enleva ses papiers; la suscription de plusieurs lettres écrites par le commandant de l'escadre anglaise et par le général Canuel, chef d'état-major des insurgés, fit connaître son nom : les gendarmes du lieutenant Lupin venaient de tuer M. Louis de La Rochejaquelein.

<< Tout sera prochainement terminé dans la Vendée, dit l'empereur, quelques jours avant son départ pour l'armée, après avoir lu les dépêches qui lui annonçaient le résultat de la rencontre du 3 juin; les Vendéens n'en veulent plus; ils se retirent un à un; le combat finira faute de combattants. »>

La prédiction s'accomplit. La mort de M. Louis de La Rochejaquelein eut, il est vrai, pour résultat de rétablir la concorde parmi les chefs insurgés et de porter, par voie d'élection, M. de Sapinaud au commandement suprême. Mais la concorde même entre les chefs ne pouvait rendre à la cause royale, pour la guerre civile, les forces matérielles et morales qu'elle avait décidément perdues. Toutefois, en se voyant à la tête de toutes les bandes qui restaient encore armées, M. de Sapinaud voulut inaugurer son commandement par une expédition qui pût relever le courage du parti. Un troisième envoi d'armes et de munitions anglaises venait d'être annoncé; tous les chefs reçurent

l'ordre d'aller en favoriser le débarquement. Le point de concentration indiqué aux différentes divisions, était la Roche-Servière. MM. de Sapinaud, de Suzannet et d'Autichamp, y arrivèrent successivement les 19 et 20 juin. Une forte reconnaissance de troupes impériales, venant de Légé, les y rencontra ; l'officier qui la commandait, ne tenant aucun compte de la force de la position et du nombre des insurgés, ordonna l'attaque; il fut repoussé. Mais, le 21, le général Lamarque parut lui-même au pied de la Roche-Servière, à la tête des divisions Brayer et Travot; il les partagea en trois colonnes, et fit assaillir par celle du centre le front des insurgés, tandis que les colonnes de droite et de gauche, traversant la petite rivière de la Boulogne, au-dessus et au-dessous du bourg, se portaient sur le derrière des royalistes. Électrisées par la victoire de Ligny, dont le télégraphe venait d'apporter la nouvelle, les troupes impériales abordèrent les insurgés avec la plus grande impétuosité. Chassée successivement de tous ses retranchements, l'armée royale fut mise en pleine déroute. Les deux colonnes de gauche et de droite lui coupaient la retraite; la majeure partie des volontaires qui la composaient seraient demeurés prisonniers ou auraient été tués, si moins avares du sang français, les généraux Lamarque et Travot, arrêtant la marche et maîtrisant la colère de leurs soldats, n'avaient facilité la fuite des vaincus.

Cette défaite coûta la vie à M. de Suzannet; elle décida le sort de l'insurrection. Le général Lamarque, fidèle aux instructions de l'empereur, reprit la négociation entamée par MM. de Malartic, de Flavigny et de la Béraudière. La cause royale, ainsi que l'avait annoncé Napoléon, n'avait plus de soldats; les chefs durent renoncer à combattre, ils posèrent les armes. Une convention signée le 24 juin à La Tessoualle, près de Cholet, mit officiellement fin à cette échauffourrée, souvenir impuissant des anciennes guerres civiles et qui servit à constater la complète décomposition des éléments dont se formait, dans l'ouest de la France, le parti politique et religieux contre lequel la république avait si longtemps lutté. En 1815, l'immense majorité de la classe

moyenne et des classes laborieuses de ces provinces, en un mot, le peuple du parti, las ou deshabitué des luttes intestines, réconcilié avec le principe et les résultats généraux de la révolution, commençait à se fondre dans la grande masse nationale.

La nouvelle de cette pacification parvint à Paris le 26 juin; les pouvoirs officiels de cette époque ne lui accordèrent aucune attention; le public ne l'entendit pas; elle se perdit au milieu du désordre et du tumulte causés par la catastrophe de Waterloo et par les événements qui suivirent. Avant de raconter ces événements, nous dirons les débats et l'attitude des représentants, ainsi que ce qui se passait à Paris durant la lutte engagée entre l'empereur et les deux armées d'invasion les plus rapprochées de la capitale.

La Chambre des représentants, après le départ de Napoléon, avait continué ses séances. Celle du 13 juin fut remplie en presque totalité par la communication d'un rapport adressé par Carnot à l'empereur, sur les besoins et sur les ressources de la France, et dont Regnault (de Saint-Jean-d'Angély) donna lecture à la Chambre. Tableau fidèle de notre situation intérieure, exposé lucide et vrai de nos forces et de nos ressources, ce rapport était rassurant de tous points; Carnot disait : « Les actes insensés du congrès de Vienne, les déclarations des ministres anglais au parlement, les subsides votés, les hostilités déjà commises sur terre et sur mer sans aucune provocation, les descentes opérées sur nos côtes de l'ouest, les manœuvres ourdies dans l'intérieur pour ranimer le feu de la guerre civile, prouvent que les projets de l'ennemi sont encore les mêmes que ceux consignés en 1792 dans le fameux manifeste de Brunswick. Mais il ne faut à la France que de la volonté et de l'union pour triompher de tous les obstacles, pour sortir de cette nouvelle crise avec une gloire d'autant plus éclatante, d'autant plus pure, que ses efforts n'ont pour objet que la défense la plus légitime, la plus sacrée, contre l'agression la plus injuste et la plus odieuse qui fut jamais. »

La séance du 14 fut très-courte et n'offrit aucun intérêt; celle du 15, jour où l'empereur franchissait la frontière de Belgique,

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