Page images
PDF
EPUB

COUR ROYALE DE DOUAI.

Saisie-brandon.

Offre s réelles.

Compétence.

1° C'est devant le Tribuna dans le ressort duquel la saisie-bran don a été pratiquée que doivent être portées les contestations auxquelles elle donne lieu.

2o Le Tribunal compétent pour connaître de la saisie l'est aussi pour sla'uer sur le mérite des offres faites par le débiteur au saisissant, quoique le contrat constitutif de l'obligation stipule que le payement aura lieu au domicile du créancier.

(Dupuis C. Willeman.) - ARRÊT.

LA COUR ; Attendu qu'en imposant au créancier l'obligation d'élire domicile dans la commune où doit se faire l'exécution, l'art. 384 G. P. C. autorise formellement le débiteur qui veut prévenir la saisie dont il est menacé à faire à ce domicile toutes significations, même d'offres réelles et d'appel;

Attendu que le droit d'offrir en pareille circonstance emporte nécessairement celui de faire décréter les offres par le Tribunal du lieu de la saisie ;

Que s'il en était autrement, et si le débiteur devait se pourvoir en décrètement devant un autre Tribunal, le but de la loi serait manqué, et la faveur accordée au débiteur une faveur illusoire;

Que les art. 815'C. P. C., et 1258, no 6, C. C., ne font point obstacle, parce qu'ils ne disposent que pour le cas d'offres spontanées et volontaires, et non pour celui où ces offres sont rendues nécessaires par les voies d'exécution forcée pratiquées par le créancier ;

Qu'il en est de même des stipulations du contrat relatives au lieu du payement et au domicile élu pour l'exécution dudit contrat ;

Qu'il suit de là que, même avant la saisie, le débiteur qui a fait des offres au domicile élu par le commandement peut se pourvoir en décrètement devant le Tribunal du lieu où doit avoir lieu ladite saisie;

Attendu qu'à la différence des autres saisies, la loi sur la saisie-brandon ne détermine pas expressément le Tribunal qui doit connaître desdites saisies, mais que ces saisies plaçant réellement sous la main de la justice des objets corporels qui doivent être vendus sur le lieu même ou dans des lieux peu éloignés, on doit en conclure que c'est au Tribunal dans le res sort duquel ces saisies ont été pratiquées qu'il appartient de statuer sur les difficultés auxquelles elles peuvent donner lieu ;

Attendu que le Tribunal compétent pour connaître d'une demande est en général, et à moins de dispositions formellement contraires, compétent pour connaître des moyens sur lesquels ces demandes sont fondées;

Que par suite, si le moyen consiste dans des offres faites au domicile élu par le commandement, il est nécessairement le juge de ces offres tant en la forme qu'au fond;

Que, s'il en était autrement, la question de validité des offres étant pré

judicielle, il y aurait nécessité de surseoir au jugement de la saisie, jusqu'à celui desdites offres, ce qui serait manifestement contraire à tous les principes des saisies, principes qui ont pour base la plus grande célérité possible;

Que bien loin qu'il en puisse être ainsi, il y aurait plutôt lieu de joindre, à raison de leur intime connexité, les deux instances, si elles avaient été intentées séparément;

Attendu que si dans le libellé de la demande de l'intimé, les conclusions en décrètement des offres précèdent celles en nullité des saisies, il n'en est pas moins évident que ces dernières conclusions constituent la demande principale, dont les offres et leur décrètement ne sont que le

moyen ;

D'où il suit que, sous ce nouveau rapport, le juge des saisies était aussi le juge des offres ;

Attendu, en fait, que le domicile élu par le commandement l'a été à Audruicq, arrondissement de Saint-Omer, et que les saisies ont eu lieu dans la même commune ;

D'où il suit que le Tribunal de ladite ville de Saint-Omer était compétent pour connaître de la demande de l'intimé ;

Par ces motifs, met l'appellation au néant, ordonne que le jugement dont est appel sortira effet, etc.

Du 14 janvier 1842. 2e Ch.

-

COUR ROYALE DE BOURGES.

Pièces de procédure.- Postes aux lettres.- Transport.- Contravention.

Le voiturier qui transporte des pièces de procédure sous enveloppe close et cachetée est passible des peines prononcées par l'arrété du 27 prairial an 9, nonobstant la disposition de l'art. 2 de cet arrêté, lequel excepte de la prohibition LES SACS DE PROCÉDUre.

(Ministère public C. Baraton et Chertier.)

Le 31 mai 1841, un paquet de papiers cacheté et pesant 40 grammes, adressé à Me Brisson, avoué à Bourges, et inscrit comme papiers d'affaires expédiés par Me Gagneux, avoué à Saint-Amand, fut saisi sur le sieur Baraton, conducteur de la voiture de Bourges à Montluçon.

Ce paquet, saisi et remis au bureau de poste de Bourges, fut envoyé à la direction générale, à Paris, et, de ce lieu, transmis à M. Brisson, avec double taxe; puis citation fut donnée à Baraton, et à Chertier comme civilement responsable, à comparaître devant le Tribunal correctionnel, comme prévenus du délit de transport frauduleux d'un paquet de papiers de moins d'un kilogramme.

Ils opposèrent pour défense que le paquet ne contenait que des papiers d'affaires qu'ils avaient reçus, inscrits et transportés comme tels.

Mc Brisson, entendu comme témoin, déclara que le paquet à lui adressé par M. Gagneux ne contenait rien autre chose que des pièces de procédure relatives à l'affaire dont il était chargé en appel, pour la dame de Ligny contre le sieur Picard. 31 juillet 1841, jugement qui statue en ces termes :

[ocr errors]

Considérant qu'il résulte d'un procès-verbal de perquisition et de saisie, dressé par les gendarmes de Bourges, le 20 mai 1841, que Jean Baraton, conducteur de la voiture publique faisant le service de Montluçon à Bourges et dépendant de l'entreprise du sieur Chertier, a été trouvé, ledit jour, entrant à Bourges par la porte d'Auron, porteur d'un paquet de papiers cacheté, pesant 40 grammes, adressé à Me Brisson, avoué à Bourges;

"Que ce fait constitue le délit prévu et puni par l'arrêté du gouvernement du 27 prairial an 9;

« Mais que, de la part de l'inculpé et de celle du sieur Chertier, civilement responsable, il a été prétendu que ce paquet renfermant des papiers d'affaires ou de procédure, ils avaient droit d'invoquer l'exception portée par l'art. 2 dudit arrêté, qui exempte formellement ces sortes de papiers de la prohibition générale du transport;

[ocr errors]

Considérant que, par le fait de l'administration, le paquet saisi ayant été remis au destinataire, la preuve matérielle du bien fondé de l'exception qui pouvait résulter de l'ouverture du paquet ne peut être produite par ce moyen dans la cause;

Mais que rien n'empêche, en ce cas, que la justice, pour éclaircir la vérité, ne reçoive les témoignages des personnes qui, expéditeur ou destinataire, peuvent attester le contenu réel du paquet, dont ils ont eu nécessairement pleine et entière connaissance;

«Que, de la déposition du sieur Brisson, témoin entendu dans la cause, auquel le paquet a été adressé par Me Gagneux, avoué à Saint-Amand, remis, par suite, par les soins de l'administration, audit sieur Brisson, il résulte évidemment que ce paquet ne contenait que des pièces d'un procès du sieur Picard contre la dame de Ligny, procès pendant devant la Cour royale de Bourges;

་་

Qu'ainsi, l'exception invoquée par les cités se trouve suffisamment justifiée.

[ocr errors]

«Par ces motifs, le Tribunal renvoie Chertier et Baraton des fins de la citation sans dépens.

[ocr errors]

Appel par le procureur du roi.

Devant la Cour, l'avocat général tenant le parquet a soutenu qu'en accordant par exception aux messagers la faculté de trans

porter les paquets de procédure du poids d'un kilogramme et au-dessous, ce n'avait pu être à la condition que les sacs contenant ces papiers seraient ouverts, ou qu'ils ne seraient fermés que de manière à permettre toute vérification dans l'intérêt de l'administration des postes, et qu'il y avait contravention å la loi protectrice du privilége de cette administration dans le fait seul du transport sous enveloppe cachetée d'un paquet de papiers du poids d'un kilogramme et au-dessous, quelle que pût être la nature de ces papiers, et sans qu'il y eût à s'informer si c'étaient ou non des papiers de procédure.

Dans l'intérêt des prévenus on a fait remarquer que le décret des 26-29 août 1790, et après lui l'arrêté des consuls du 27 prairial an 9, en accordant aux messagers le droit de transpor ter les sacs de procédure, n'avaient mis à l'exercice de ce droit aucune condition ni restriction; que le soumettre, comme le voulait le ministère public, à la condition d'ouverture des sacs, ce serait ajouter à ces lois et même annihiler pour les messagers la faculté qu'elles avaient eu pour but de leur concéder, les papiers de procédure étant choses ordinairement trop importantes et d'un trop grand intérêt pour que, s'il était dit que les messagers ne les pourraient transporter qu'à découvert, les expéditeurs de ces papiers voulussent consentir à les en charger plus longtemps.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 1er de l'arrêté du 27 prairial an 9, il est défendu à tout entrepreneur de voitures publiques de s'immiscer dans le transport des lettres, paquets et papiers du poids d'un kilo. gramme et au-dessus;

Que l'art. 2 de cet arrêté excepte de la prohibition les sacs de procédure et les papiers uniquement relatifs au service des entrepreneurs de voitures; Que, pour être sainement entendu, cet art. 2 doit être combiné avec les dispositions de l'arrêté du conseil du 18 juin 1681, rappelé et maintenu en vigueur par la loi du 26 août 1790 et les postérieures ;

Que ce règlement, qui n'exceptait de la défense faite aux voituriers que les lettres de voitures des marchandises qu'ils voitureront, exigeait qu'elles fussent ouvertes et non cachetées;

Que la loi du 26 août 1790, art. 4, et ensuite l'arrêté du 27 prairial an 9, art. 2, en étendant aux procédures ou sacs la faveur accordée par le règlement de 1681 aux seules lettres de voitures, ont nécessairement assujettices papiers (les sacs de procédure) aux mêmes conditions que les lettres de voiture, d'être ouverts et non cachetés, c'est-à-dire disposés de telle sorte que tout agent ayant qualité à cet effet puisse vérifier si le paquet rentre réellement dans l'exception de l'art. 2;

D'où il suit que tout transport par les messageries de papiers du poids d'un kilogramme et au-dessous, sous enveloppe cachetée, avec une sus

cription, constitue, par le fait seul du transport, une contravention à l'article de l'arrêté du 27 prairial an 9, indépendamment de la nature des papiers que le paquet peut réellement contenir;

Que, dès lors, toute preuve pour établir que le paquet ne renferme que des papiers compris dans l'exception de l'art. 2 est repoussée par l'esprit de la législation et inadmissible;

Que cette preuve serait d'ailleurs souvent impossible, puisque, d'une part, l'inviolabilité du secret des lettres s'oppose à l'ouverture du paquet, et que de l'autre, aux termes du décret du 2 messidor an 13, le paquet saisi en fraude devant être rendu au destinataire à la charge de payer le double de la taxe ordinaire, l'éloignement ou le caprice de ce destinataire rendrait toute vérification impossible;

Considérant, en fait, qu'un procès-verbal dressé le 31 mai, régulier en la forme et non contesté, constate que ledit jour le nommé Baraton, conduc. teur de la voiture de Montluçon, appartenant au sieur Chertier, a été trouvé entrant à Bourges, par la porte d'Auron, porteur d'un paquet cacheté, du poids de quarante grammes, adressé à Me Brisson, avoué;

Que ces faits constituent évidemment une contravention à l'art. 1o du 27 prairial an 9;

Que cependant le Tribunal a renvoyé Baraton et Chertier, ce dernier cité comme civilement responsable, des poursuites dirigées contre eux, par le motif qu'il résultait de la déclaration du sieur Brisson que le paquet ne renfermait que des pièces de procédure;

Mais que la preuve admise par le Tribunal et les conséquences qu'il en a tirées sont également repoussées par la législation sur la matière ; qu'ainsi, c'est le cas de réformer sa décision;

Par ces motifs, la Cour, faisant droit sur l'appel du procureur du roi, a mis et met au néant le jugement dont est appel; et, faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, déclare Baraton atteint et convaincu d'avoir, le 31 mai dernier, transporté en fraude un paquet de papiers cacheté du poids de 40 grammes, contravention prévue par l'arrêté du 27 prairial

an 9;

Et vu ce qui résulte des art. 1o,5 et 9 du lit arrêté, etc., condamne Baraton à 150 fr. d'amende et aux dépens dans lesquels entreront les frais de timbre et d'enregistrement du procès-verbal; déclare Chertier civilement responsable des condamnations prononcées contre Baraton.

[merged small][ocr errors]
« PreviousContinue »