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ambitieux l'audace et la force, et à rejeter avec lui le261 droit naturel dont il se moque, et qu'il refuse à toutes les nations? N'est-ce pas fournir des armes contre soi que de s'autoriser des exemples de l'histoire pour consacrer, comme principe légitime de souveraineté, le droit de conquête? C'est cependant ce qu'il fait page 13. On pourrait se servir de ses propres raisonnemens pour lui faire faire bien du chemin. Il veut parler, il est vrai, de l'ori gine de tous les gouvernemens que l'habitude a légitimés, il veut dire qu'il est dangereux à un peuple antique,et nombreux de changer brusquement ses lois, ses mœurs, ses institutions, la forme de son gouvernement. Ha raison, sans doute; mais c'est à ceux qui sont dépositaires de la souveraineté à empêcher ce peuple d'essayer ses forces contre eux, en travaillant à son bonheur, et en proportionnant leur administration à ses moyens et à ses lumières.

L'origine de toutes les nations est à peu près la même. Da consentement d'un certain nombre d'individus composant une peuplade, un homme a été nommé chef, roi ou général; ses successeurs ont conservé sa puissance, l'ont augmentée ou perdue, suivant qu'ils ont été plus ou moins habiles, plus ou moins heureux. Tout dans la nature naît, vit et meurt; il en est de même des rois, des peuples et de leurs institutions. On a toujours voulu opposer à la marche du temps présent l'exemple du temps passé : c'est élever la digue derrière le torrent; il faut prendre dans son lit même les matériaux qui doivent servir à l'arrêter, et ne pas les aller chercher au loin. Tout ce que dit l'auteur contre la sonveraineté absolue du peuple, et pour prouver que la puissance suprême ne doit pas être le prix d'une latte au pugilat, est exactement vrai, mais tombe à faux. Personne anarchistes n'a prétendu que le peuple n'était pas tenu de que les respecter les propriétés particulières; et dans toute cette discussion, dans laquelle l'auteur ne se fait d'objections que celles auxquelles il lui est facile de répondre victorieusement, il ne prouve rien autre chose, la révolution a précipité le peuple dans d'horribles excès; sinon que se que tout le monde sait aussi bien que lui. Mais de ce

qu'on a commis des fautes, il ne s'ensuit pas qu'on ne pouvait pas n'en point commettre, et notre histoire depuis vingt-cinq ans renferme encore d'assez belles pages qui attestent que tout n'est pas de la honte et des crimes. Les raisonnemens entassés par l'auteur, à l'appui de son opinion, sont plus spécieux que concluans; quelques contradictions déparent même cette partie de son ouvrage, où il examine les difficultés insurmontables, selon lui, dans le partage du pouvoir absolu attribué au peuple par les partisans de la république. Par exemple, les propriétaires qui, page 3g, sont d'une ignorance non moins entière, non moins absolue sur les fondemens de l'ordre social, sur les bases de la prospérité des empires, que le plus grossier des artisans, sont doués, page 70, de l'indépendance et des lumières nécessaires pour opérer de bons choix dans les élections des députés. Ces contradictions prouvent qu'on a bien de la peine à mettre de côté toute espece d'esprit de parti, et à dépouiller entiere ment le vieil homme.

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et utiles

Des principes modérés et purs, des vues sages. se font remarquer dans le chapitre qui traite des principes gouvernement représentatif dans un état comme la France, sorte de gouvernement que l'auteur regarde comme le seul moyen de parvenir à contenir l'autorité du prince dans de justes bornes. Il veut que la chambre des représentans soit assez nombreuse pour avoir le sentiment de sa force, et pas assez pour nuire au calme et à la de sagesse ses délibérations.

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Quant aux qualités requises pour être éligible, il pense, et je partage son opinion, qu'il suffirait d'être Français et âgé de vingt-cinq ans. Les raisons qu'il en donne, et l'intérêt du sujet, m'engagent à le laisser parler lui-même: L'obligation d'habiter tel ou tel département, de pos» séder telle ou telle propriété, ne me paraît pas seule» ment superflue, mais un véritable contre-sens; per» soune ne pouvant être admis dans la représentation >> nationale en son nom personnel, tous les membres » n'étant que de simples mandataires, leurs droits, par» là même, ne doivent dépendre que de la légitimité du » mandat qui fait leur titre. Leur imposer aucune autre

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"condition serait gêner la liberté des choix. Il faut que » les électeurs d'un département puissent élire un indi» vidu qui leur est étranger, mais qui leur est connu » par les talens et les principes qu'il aurait précédem» ment développés dans la chambre comme représen» tant d'un autre département, ou dans quelque autre » fonction publique........ Il est si naturel que les collé»ges électoraux choisissent un' propriétaire, qu'ils le » prennent dans leur sein, qu'ils ne doivent jamais s'en » écarter que pour des considérations de la plus haute importance à leurs yeux; et, dans ce cas, leur en i‹» terdire la faculté, c'est nuire à la liberté des élections, » qui doit être entière et absolue.

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»Mais il n'en est pas ainsi des électeurs qui sont la >> racine du pouvoir; ce titre exige des qualités, des » conditions personnelles, et ne doit appartenir qu'aux propriétaires fonciers, les seuls véritablement attachés » au sol de la patrie, etc., etc. »

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Je n'examinerai pas si l'auteur a tant eu raison de souhaiter que chaque propriétaire admis à donner sa voix comme électeur, supporte une imposition directe et foncière au moins de 500 fr.; je veux, pendant qu'il en est peut-être encore temps, lui donner un petit conseil sur la manière de penser et d'écrire. Dans la citation que je viens de faire, on a pu remarquer un certain vernis de ce qu'on nomme idées libérales. Qu'il y prenne garde au moins. J'ai compté dans son ouvrage cinq ou six propositions qui ne tendraient à rien moins qu'à le faire déclarer coupable par le tribunal suprême des inconstitutionnels, du crime de lèse - obscurantisme au premier chef. Ces messieurs ne badinent pas avec la philosophie; une fois entre leurs mains, il ne pourra s'en tirer sans une amende honorable, que ne pourront lui épargner ni sa première lettre, ni son dernier chapitre, quoiqu'il soit consacré à prouver que c'est au clergé, à la noblesse et aux parlemens que nous devons la fondation de la liberté publique en France.

J'avouerai que j'étais loin de m'attendre à une pareille chute, après la distinction juste et bien sentie que l'auteur établit entre la liberté individuelle et la liberté na

tionale, choses qui n'ont entre elles aucun rapport, et qu'on a trop souvent confondues. Je m'afflige de le voir prendre une si mauvaise route, de l'entendre raisonner avant que de juger, de le voir blâmer la composition du ministère en 1814, et assurer qu'un roi de France peut gouverner en conservant la représentation nationale; je m'en affligeais, mais c'était la part du malin, et j'ai commencé à me rassurer sur son salut, lorsque, par un extrait du procès verbal des états de Foix, imprimé en 1789, il m'a eu prouvé aussi clair que le jour, que la noblesse et le clergé n'avaient anciennement aucun privilége, et que, loin de vouloir les défendre, avant même la révolution, ces deux ordres n'en réclamaient aucun ce qui est on ne peut plus conforme à l'expérience.

Parlons sérieusement. Les contradictions qu'on trouve dans cet écrit, cette lutte continuelle entre les idées nouvelles et les anciens préjugés, prouvent que l'auteur flotte lui-même entre ses habitudes et sa pensée. Il cherche à les rapprocher malgré leur éloignement; mais elles ont encore trop de force et d'aversion l'une envers l'autre pour qu'il parvienne à en faire un tout bien uni. Ce qu'il éprouve se fera sentir long-temps encore dans la société et même dans le gouvernement, jusqu'à ce que les deux partis abandonnent les camps dans lesquels ils sont, pour ainsi dire, retranchés, pour s'unir dans l'intérêt général; jusqu'à ce que les hommes de l'ancien temps ne voient plus des ennemis dans les jeunes gens, mais des frères chéris qui, avec d'autres idées, ont conservé les mêmes sentimens pour la mère commune; c'est alors seulement que la France pourra sortir de scs ruines, et lever au milieu des nations ce front majestueux et fier qu'elles ont si souvent appris à respecter.

Ce que j'ai cité de cet ouvrage a pu faire juger du style de l'auteur; il est, en général, pur et correct. A peine y remarque-t-on quelques négligences qui ont pu échapper à son attention; je lui conseille cependant de ne plus dire que la garantie des propriétés et la tranquillité publique ne peuvent exister qu'à l'ombre d'un monar » que puissant et éclairé; » ni qu'il prendra la liberté

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d'observer à...... parce qu'un monarque ne donne pas d'ombre, et qu'on fait observer une chose à une personne. Au total, cette brochure se fait lire avec intérêt; on y trouve des vues utiles, des observations sages, des discussions savantes, et, quoique le goût du terroir s'y fasse sentir de temps à autre, le ton de modération qui y règne d'un bout à l'autre ferait désirer qu'elle servit de modèle à la polémique déclarée entre les anciens et les modernes.

COURS D'ÉLOQUENCE MILITAIRE ANCIENNE
ET MODERNE;

Par M. ISIDORE LEBRUN ( de Caen. )

La renaissance des lettres après une longue barbarie conduisait naturellement à rechercher quelle avait pu être leur origine; et les modernes, guidés par cette métaphysique dont, avant eux, l'utilité était à peine soupçonnée, sont parvenus, pour ainsi dire, jusqu'au berceau des sciences, et de là les ont suivies dans leurs progrès. L'antiquité, au contraire, qui avait plus d'imagination que de philosophie, éblouie elle-même par le merveilleux dont elle entourait la source de ses connaissances, n'osait percer l'obscurité des siècles rapprochés d'elle, et analyser froidement les ouvrages que le génie lui avait inspirés. Sa raison, peut-être, aurait été humiliée quelquefois de la lenteur de ses développemens, et sa gloire de l'abus qu'elle en avait fait d'ailleurs, la vanité et l'intérêt de ses écrivains revendiquaient diversement l'honneur de l'invention. L'éloquence, suivant la croyance vulgaire, était descendue du ciel; mais le poëte s'attribuait la fondation des sociétés; le rhéteur réclamait cette gloire pour son art; le philosophe faisait naître l'éloquence, alors qu'un homme adroit entreprit de maîtriser la raison de ses semblables pour les asservir à ses ordres.

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L'origine de l'éloquence se confond dans celle de nos passions le premier orateur fut celui qui, transporté

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