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sévérité. Est-il heureux, il se montre insolent, brutal; devient-il malheureux, il souffre avec patience, et se résigne sans faiblesse; la plainte dans sa bouche serait une lâcheté, et pour lui les privations cessent d'être des tourmens, le désespoir se change en héroïsme, à la mort est jointe la gloire qui lui fait perdre ses horreurs. Incapable de porter dans l'avenir les leçons du passé, il ne voit que le moment présent : un quart d'heure de plaisir lui fait oublier toutes les fatigues qu'il a endurées; c'est au prix de plusieurs années de gêne qu'il achète une jouissance très-passagère. Le repos lui devient un fardeau, la vie sédentaire un tourment : les injures de l'air, les marches forcées, les périls, tout ce que les autres hommes fuient, il met son amour-propre à le rechercher et sa gloire à le vaincre, afin qu'en s'élevant il considère les êtres qui l'entourent, sous les rapports de la puissance qu'il est capable d'exercer sur eux. Les obstacles qu'il rencontre aigrissent son humeur, l'habitude d'affronter et de donner la mort endurcit son cœur, le sentiment et l'emploi de la force lui font y rapporter toutes ses passions, même celles qui semblent les plus désintéressées: aussi prend-il bientôt la hauteur du commandement, et il s'abandonne à la violence.

» Le défenseur de la patrie est, par conséquent, le serviteur du prince auquel elle obéit; la révolte, de la part du soldat, est donc un crime, et la défection un forfait le parjure! il trahit ses sermens; l'infàme! il sacrifie à son ambition et à sa cupidité le bonheur public; le parricide! il tourne contre son pays les armes qu'il a reçues de lui pour le protéger.

» Faut-il chercher la victoire au milieu de la mêlée, ou l'attendre de sang-froid dans les rangs; le soldat est prêt à tout il se repose sur l'habileté de ses chefs de la sagesse de leurs plans; à lui appartient l'exécution. Le commandement est donné, il vole au combat, au carnage, et il n'est guidé ni par l'avarice, car s'il s'empare de quelque bien, il le perd bientôt après; ni par l'inté rêt, pour une solde très-modique et pour la nourriture la plus frugale, il surmonte plus de difficultés en un seul jour que les autres hommes dans une année ; des dangers

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qu'il brave, des conquêtes qu'il fait, il ne retire rien od seulement des récompenses toujours trop faibles pour sacrifice, peut-être de sa liberté, à coup sûr de sa santé : c'est l'amour de la patrie qui l'anime, c'est l'honneur qui l'enflamme, l'honneur qui devient pour lui un devoir autant qu'une habitude: heureux, quand au sentiment du plus noble service se joint en lui le respect pour religion, qui lui prodigue toutes les consolations, et promet à sa bravoure la palme la plus pure. Tourmenté sans cesse par ses passions, il méconnaît trop souvent l'empire de la raison : il aime, mais avec transport; il hait c'est avec fureur; son repos paraît menaçant, son réveil est terrible: cruel dans la vengeance, ce lion, qui n'épargne ni l'âge ni l'innocence, qui célèbre sa victoire en rugissant sur des cadavres, et court, tout dégouttant de sang, immoler à sa rage de nouvelles victimes, sent-il tomber sa fureur, il devient un homme bon, compatissant, le premier à pleurer sur ses horribles succès; enfin, le soldat avide du danger par besoin est brave par ins tinct, soumis par devoir, généreux par sentiment; il est tout à son prince et à la patrie.

» Ainsi se passent ses plus belles années dans les fatigues des camps, dans l'ennui des garnisons, dans les périls des combats; ainsi il use sa vie par les plus rudes épreuves; consentant à ne se reposer que lorsqu'il y est contraint par l'épuisement de ses forces, par de profondes blessures, peut-être par la perte d'une partie de luimême. Il rentre dans la société, bien digne de goûter ses douceurs, après l'avoir défendue au péril de ses jours: il a rempli les vertus du soldat, il vient pratiquer en silence les vertus du citoyen, sachant, par une heureuse union, faire perdre aux premières de leur austérité et donner plus d'énergie aux autres. Des décorations attes tent sa valeur, et des pensions sont le prix de ses servi→ ces; il est encore pour sa contrée, fière de l'avoir vu naître, un modèle de reconnaissance et de dévouement envers le chef de l'état, qui embellit sa retraite par l'aisance et l'honore par des distinctions. Comme s'il souf→ frait par l'inaction à laquelle il lui semble être condamné, il ne voit, ne parle que combats; il raconte ses faits d'ar

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mes, se dédommageant du présent par le passé; il les exagere même, tant est grande sa passion pour la gloire, 5 qu'il ne croit avoir jamais assez fait pour elle. Ses moeurs s'adoucissent; mais son caractère, il le conserve toujours; il rougirait de renoncer à ses habitudes, même à ses vices; ami de l'ordre, d'un commerce sûr, épousant avec passion la cause de l'innocence et de la faiblesse, sévère envers les autres, parce qu'il est scrupuleux pour lui-même; haïssant les ruses de la mauvaise foi, surtout le parjure qu'il a appris, sous ses drapeaux, à abhorrer; tout dévoué à l'honneur dont il pousse quelquefois le culte jusqu'au fanatisme. De la vie sédentaire naît l'égoïsme, et la cupi dité s'accroît par une longue possession; pour le soldat, il a exposé tant de fois dans les hasards ce qu'il a de plus cher, qu'il voit avec indifférence des richesses pénibles à acquérir, plus pénibles à conserver; et quand les autres sont économes il se montre prodigue. La mort vient lui enlever tout, grades et décorations, il l'envisage paisiblement : il expire; son dernier vœu est pour les siens,

son dernier sentiment à son roi. »

Get extrait suffira, je le
sement connaître ce nouvel ouvrage de M. Isidore Lebrun,
pense, pour faire avantageu-
professeur de rhétorique; et les gens éclairés désireront
sans doute la prompte publication de ce Cours d'Elo-
quence militaire, ancienne et moderne, qui ne tardera
pas à paraître; et alors dans un autre article je ferai res-
sortir la difficulté de traiter un pareil sujet, le talent de
l'auteur, et enfin je lui accorderai les justes éloges que
mérite une semblable entreprise.

Ω.

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BIOGRAPHIE MODERNE,

OU

Galerie historique, civile, militaire et politique de tous les individus de l'un et de l'autre sexe qui se sont rendus célèbres pendant et depuis la révolution française jusqu'à ce jour, soit par leurs écrits, leurs talens, leurs emplois, leurs malheurs, leurs vertus ou leurs crimes. Deux vol. in-8°., de plus de 500 pages chacun, imprimés en petit texte. Prix: 13 fr., et, franc de port par la poste, 17 fr. - A Paris, chez Alexis Eymery, libr., rue Mazarine, no. 3o.

Cette Biographie peut être considérée et servir à la fois d'abrégé et de complément à toutes les biographies, galeries, fastes ou dictionnaires qui ont paru, soit en France, soit à l'étranger, depuis vingt-cinq ans. Elle contient un grand nombre de notices nouvelles qui ne se trouvaient pas dans l'édition imprimée à Leipsick,en 1807, édition d'ailleurs remplie d'erreurs graves. L'ouvrage que nous annonçons est du plus grand intérêt, à raison des révolutions politiques qui viennent de se succéder: il est écrit, d'ailleurs, avec une impartialité rare, et renferme généralement tout ce qui peut intéresser et piquer vivement la curiosité publique. Un tel ouvrage n'est guère susceptible d'analyse. Nous nous contenterons donc d'en citer quelques articles; celui de Louis XVI, que nous copions textuellement, fera connaître la manière des auteurs:

LOUIS XVI, roi de France et de Navarre, etc.

Né à Versailles, le 23 août 1754, il fut d'abord nommé duc de Berry, et devint Dauphin en 1765. Marié, le 16 mai 1770, à Marie-Antoinette d'Autriche, fille de Marie-Thérèse, son hymen fut célébré sous de funestes auspices, et coûta la vie à plus de quatre mille personnes, qui furent culbutées et étouffées dans les fossés qui bordaient la place de Louis XV. A son avénement au trône,

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il s'entoura des ministres qué l'opinion publique lui désignait, remit au peuple le droit de joyeux avénement, rappela les parlemens, et donna lui-même l'exemple de la plus sévère économie. Les premières années de son regne furent marquées par l'établissement du Mont-dePiété et de la Caisse d'Escompte; par la suppression des corvées, de la torture et de la servitude dans le Jura, et enfin par la guerre d'Amérique, qu'il fit contre son opinion, et malgré le vœu de sa conscience les mêmes scrupules l'empêchèrent depuis d'accepter l'alliance de Tipoo-Saeb. Cependant les dépenses excédaient les recettes de cent millions; et le roi ayant dit au conseil qu'il ne voulait plus ni nouve! impôt ni emprunt », fut obligé de convoquer la première assemblée des no tables, qui fut renvoyée par le ministère, sans avoir remédié à rien. Le cardinal de Brienne, successeur de M. de Calonne, proposa alors l'impôt du timbre et la subvention territoriale; cette dernière, devant porter sur les grands propriétaires, fut repoussée par eux et par le parlement, qui fut exilé à Troyes. Rappelé bientôt après par l'indulgence de Louis XVI, il déclara n'avoir pas le droit de consentir les impôts, et demanda la convocation des états-généraux le même vou fut exprimé par le clergé et par les villes principales. Louis, cédant alors à l'opinion publique, les états- généraux s'ouvrirent à Versailles, le 5 mars 1789. Les costumes divers attribués aux trois ordres commencèrent à jeter parmi eux les premiers germes de division. Le roi chercha à terminer cette scission, et lorsque M. de Luxembourg, au nom de la noblesse, lui fit des objections contre la réuzion, Louis lui répondit : «Toutes mes réflexions sont faites; dites à la noblesse que je la prie de se réunir : » si ce n'est point assez de ma prière, je le lui ordonne quant à moi, je suis déterminé à tous les sacrifices; à » Dieu ne plaise qu'un seul homme périsse jamais pour >> ma querelle! » Ce dernier mot n'a pas cessé d'être le régulateur de sa conduite, et la principale cause de ses malheurs. Quelques régimens s'étant rapprochés de Versailles, pour soulager le service des gardes-françaises, dont on soupçonnait la fidélité, Mirabeau demanda leur

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