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premier ministre. Il fut tué dans le Louvre, et sa femme périt sur l'échafaud.

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« Fils de Henri IV, Louis XIII était intrépide sur le champ de bataille; fils de Marie de Médicis, il était sans résolution dans les conseils. » Richelieu, introduit à la cour par Concini, qui lui avait procuré l'entrée au con seil, était déjà secrétaire d'état; mais, tant que le pro tecteur avait partagé le pouvoir, on n'avait nullement soupçonné toute l'étendue du génie du protégé. La fin tragique du maréchal d'Ancre amena la disgrâce de Marie de Médicis. Elle fut, comme il est d'usage, aban donnée des courtisans ; et, comme c'est encore l'usage s; ceux qui la veille étaient prosternés devant elle, se déchaînerent avec le plus d'amertume contre son administration misérables flatteurs, dont la race ne se perd jamais, et qui passent de maître en maître comme un vil troupeau.» Marie de Médicis, exilée à Blois, fut suivie par Richelieu, auquel Luynes, devenu nouveau favori, intima l'ordre de se retirer successivement en Anjou, à Luçon, et enfin à Avignon. Si Concini avait été maréchal de France sans avoir la moindre connaissance du métier de la guerre, Luynes, tout aussi novice, reçoit l'épée de connétable. Les vues ambitieuses de ce premier ministre, son ignorance dans les affaires, aucune prévoyance et nul plan de conduite, lui suscitent de nom breux ennemis; insolent dans la prospérité, abattu dans l'adversité, il persécutait, sans réfléchir que la révolte est le résultat infaillible des persécutions,

Le duc d'Épernon enlève Marie de Médicis, et la conduit à Angoulême; et Luynes, dont l'incapacité n'avait su prévoir cet événement, se hâte de rendre la liberté au prince de Condé.

Le désordre des finances avait affaibli l'Espagne, et la cour de Madrid ne cessait d'entretenir des intelligences avec les mécontens de la France, et de troubler la paix dans le royaume en traitant avec les chefs de parti, en répandant l'or parmi les factieux, et en promettant des secours en hommes et en argent. Toujours aspirant à la monarchie universelle, les descendans de CharlesQuint marchaient au même but par des chemins peu dif

férens. Mais les peuples du Nord ne voyaient pas sans une jalousie extrême l'agrandissement de la maison d'Autriche en Allemagne, surtout depuis l'introduction des nouvelles doctrines de Luther et de Calvin. On sait que la tolérance religieuse ne peut exister qu'aux époques où les devoirs des princes et les droits des peuples sont connus et respectés; cela ne pouvait exister au dixseptième siècle, époque à laquelle toute différence dans le culte était regardée comme un motif de haine et de persécution, Ferdinand II conçut le projet d'anéantir la religion réformée, la constitution germanique, de soumettre toute l'Allemagne à son pouvoir, et ce pays invoqua le secours des autres puissances de l'Europe.

L'Angleterre était le seul royaume qui devait garantir les protestans de l'oppression; mais elle était gouvernée par le faible Jacques II, qui ne consultait que les caprices de ses favoris.

L'Italie, divisée en petites principautés, était dominée par les Espagnols, maîtres du royaume de Naples et du Milanais. Les papes étaient soumis à leur influence, ét jamais les intérêts de la religion n'avaient été à la cour de Rome en opposition plus directe avec les intérêts de la politique.

protestans ne pouvaient compter pour appui, parmi les puissances du Nord, que sur le Danemarck et la Suède, dont les peuples avaient adopté les doctrines de Luther, et qui étaient gouvernés par Christian et GustaveAdolphe.

Telle était la situation des divers états de l'Europe, lorsque de Luynes, livré à de petites intrigues et tout occupé de se maintenir dans les bonnes grâces de son maître, gouvernait la France sous le nom de Louis XIII.

Enfin Richelieu parvient à faire cesser le scandale d'un fils et d'une mère armés l'un contre l'autre. Louis XIII, en réunissant le Béarn à la couronne, commet des abus de pouvoir envers les protestans: ces derniers lèvent des troupes, nomment des généraux, fortifient leurs places, et convoquent une assemblée générale à La Rochelle. Le roi en ordonne la dissolution; le feu de la révolte fait des progrès immenses; une armée est levée;

le roi marche, et, après quelques succès qui avaient d'abord signalé ses armes, elles viennent échouer devant Montauban, dont on est obligé de lever le siége. Le duc de Mayenne y fut tué, et cet échec fait mourir de douleur le connétable.

Marie de Médicis, rappelée au conseil, ne peut y faire rentrer Richelieu; mais elle lui procure le chapeau de cardinal aussitôt après la mort du connétable.

Cependant la guerre civile désolait toujours le royaume. Des récompenses sont accordées aux seigneurs rebelles, ét la révolte est mieux payée que la fidélité. Les esprits sont dans la plus grande agitation, et le gouvernement dans le même état de faiblesse. Les nobles, toujours prêts à se soulever, ne reconnaissent d'autres lois que leurs ca→ prices ou leurs intérêts. La France présentait l'affreux spectacle de cultivateurs opprimés, de campagnes ravagées, de villes sans police, de chemins impraticables et infestés de brigands. « Le peuple sans industrie et sans commerce, supportait des taxes énormes, dont le produit n'enrichissait qu'un petit nombre de traitans; les produits excessifs des fermiers, des fournisseurs, avaient introduit ce luxe ruineux qui accompagne presque toujours la misère publique; les troupes, mal payées, vivaient à discrétion dans les campagnes; enfin, les lois n'avaient plus de force, et les bons citoyens n'espéraient plus de remède aux maux de la patrie. Dans le moment où la situation de la France semblait désespérée, il parut dans le conseil du roi un ministre qui, par ses qualités, et même par ses défauts, était peut-être le seul homme capable de sauver l'état. Richelieu, doué d'un caractère inflexible et d'un génie étendu, également propre aux petites intrigues et aux grands projets, aimant la vraie gloire, sans dédaigner les jouissances de la vanité; Richelieu soumit tout à ses volontés, même celles de son maître son ambition enchaîna toutes les ambitions qui s'agitaient autour de lui; malheureusement il eut quelquefois besoin de la terreur pour accomplir ses desseins, et la terreur produit des haines invétérées. Il accepta le danger de ces haines, parvint à relever l'autorité royale sur les débris des factions, encouragea les arts,

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protégea les lettres par son estime et par ses bienfaits; et, la France, tranquille au-dedans, respectée au-dehors, commença, sous ses auspices, un nouveau siècle de grandeur et de gloire.

« Je ne dissimulerai point les défauts du cardinal de Richelieu; mais je rendrai justice à son génie. Il inspire, par ses qualités personnelles, plus d'estime que d'intérêt. Il est difficile d'aimer l'homme privé, il est impossible de ne pas admirer l'homme d'état. »

Le peu qui vient d'être dit justifiera sans doute les éloges que mérite M. Jay, et que nous lui accorderons dans un second article. Cette nouvelle production, digne de son auteur, se fait remarquer par une connais-' sance approfondie des événemens qu'il rapporte, par la force et la concision du style; enfin, par l'habileté déployée par l'auteur lorsqu'il a tracé les caractères des principaux personnages qui figurent dans l'Histoire du Ministère du cardinal de Richelieu.

Ω.

Consolations d'un Solitaire, ou quelques Opuscules philosophiques, littéraires et poétiques; par P.-L. Duronceray (1).

Adversis perfugium ac solatium præbent (studia).
Cic. pro Archiâ.

La philosophie, la littérature, la poésie, peuvent nous distraire des peines les plus cruelles; celui-là même qu'une affreuse solitude prive du plus doux charme de la vie, est certain du moins de trouver, dans le commerce des muses, une source inépuisable de consolations. Cest avec cette vive persuasion, sans doute, que M. Duronceray a composé les divers opuscules qui ont occupé ses loisirs. On n'exigera point de nous sûrement un compte très

(1) Trois vol. in-12. Prix: 7 fr. 50 c., et9 fr.50 c. par la poste. A Paris, chez Delaunay, Palais Royal;

Et chez A. Eymery, rue de Mazarine, n°.

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ce gen

fidèle de cet ouvrage; car, d'après le nombre et la di-
versité des compositions dont il est rempli, il est facile
de sentir qu'il doit, comme tous les ouvrages de
re, se refuser à une analyse rigoureuse; mais, dans
l'impossibilité de suivre l'auteur pas à pas, nous allons
extraire d'abord du premier volume, uniquement con-
sacré à la philosophie, quelques morceaux qui ont par-
ticulièrement captivé notre attention.

«Si l'on pouvait, dit-il, parvenir à bien connaître la
» cause immédiate des divers sentimens qui se partagent
» le cœur de l'homme pendant sa vie, à les analyser
» tous, à découvrir les anneaux souvent imperceptibles
» de la chaine qui les unit, peut-être, hélas! il faut
l'avouer, résulterait-il évidemment de cette décou-
» verte que les affections les plus libérales et les plus
» nobles dérivent toutes absolument de l'amour de soi;
» mais malheur au profane qui déchirerait aux yeux de
la multitude ce voile dont une main invisible se plaît
» à couvrir le principe des plus grandes actions..... Eh
quoi s'il était permis de soumettre au creuset de
l'analyse tous les faits mémorables, ceux-là qui sem-
» blent appartenir plus particulièrement à l'histoire du
» cœur humain, si, au nom de la philosophie, et ca-
» chés spus son manteau, quelques hommes sans vertu

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pouvaient, d'un souffle impur, souiller des vérités » déjà consacrées depuis un grand nombre de siècles, » de quelles grandes actions l'humanité oserait-elle ja» mais se glorifier?...... etc. »

Nous regrettons de ne pouvoir nous livrer ici avec l'auteur à cette laborieuse recherche du principe de nos affections morales et de nos actions, et nous dirons avec franchise, qu'entraîné lui-même par son imagination, il n'a peut-être pas assez respecté des bornes qu'il n'est pas donné à l'homme de franchir.

Dans l'Opuscule intitulé: Sur la liberté naturelle d'exprimer ses idées par toutes sortes de signes, nous avons particulièrement remarqué ce passage frappant de vérité, qui fait assez connaître les principes politiques de l'au

teur:

"Si toutes nos lois furent indignement violées; si le

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