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car il est presque sûr à présent que son ouvrage sera un des premiers à passer. Une seconde comédie fort jolie, en trois actes et en prose, qui a pour titre Laquelle des Trois? et qu'on attribue à la femme de notre premier tragique, ne paraîtra qu'après le Médisant. Madame Talma a déjà fait, dit-on, des dispositions testamentaires pour engager ses héritiers à veiller à la distribution des rôles.

Le système que la Comédie-Française paraît avoir adopté est très-sage. On dit que plus les siècles se succèdent, plus la littérature approche de sa décadence. D'après ce principe, que l'expérience semble démontrer, il est certain que nos neveux seront encore plus pauvres en écrivains que nous ne le sommes déjà, et les comédiens français, qui n'ont pas du tout d'égoïsme, ne s'occupent à recevoir des ouvrages qui promettent des succès que pour leurs successeurs. En effet, qu'auraient les pauvres acteurs qui viendront après eux, si ceux qui vivent à présent ne s'occupaient pas charitablement de leurs intérêts? Il est vrai que le public n'entre pour rien dans ces arrangemens-là; quand on veut bien lui donner le Légataire, représenté par des doublures, c'est à lui à s'en contenter. Si les chefs d'emploi du Théâtre-Français voulaient se reposer,comme cela n'arrive déjà que trop souvent, et ne plus faire jouer que des pensionnaires qu'ils ramasseraient sans choix, comme c'est encore leur usage aujourd'hui, qu'auraiton à dire ? Croirez-vous, Monseigneur, qu'il y a dans le monde des gens assez singuliers pour se plaindre? J'en ai entendu qui avaient la bonhomie de dire que les acteurs étaient aux ordres du public; que c'était une chose inouïe de voir une société de fainéans qui sont au nombre de trente-neuf, et qui ont le courage de ne donner pendant une année entière qu'une tragédie nouvelle et deux petits actes de comédie.

Il faut convenir qu'il y a un peu de vérité à travers ce discours qui décèle de l'humeur; mais tout ce qui est vrai n'est pas toujours écouté. Nous n'avons plus d'espérance que dans M. Picard, directeur de l'Odéon. Une grande activité, le mécontentement des auteurs

qui pourraient travailler pour le Théâtre-Français, les acteurs pensionnaires, et qui ont à se plaindre des sociétaires, tout peut tourner, d'un moment à l'autre, à l'avantage de l'art et aux plaisirs de ce pauvre public dont on se moque parfois un peu trop. Quand M. Picard aura complété sa troupe, il ne manquera pas d'ouvrages; il a déjà quelques acteurs qui ne seraient pas déplacés au Théâtre-Français; plusieurs de ceux qu'il avait formés ne sont pas encore les plus mauvais que les sociétaires de la rue de Richelieu comptaient parmi leurs camarades.

Les débutans abondent à l'Odéon depuis quelques jours. Beaucoup seront appelés; mais espérons que peu seront élus. Un jeune homme, qui est celui dont j'ai déjà parlé à V. A. comme ayant retouché le Dépit Amoureux, a paru dans l'emploi des amoureux. Il a de l'intelligence, mais peu de tenue; l'expérience du théâtre lui en donnera peut-être. Son organe est rauque, sa taille petite; mais il a de l'expression. Le Kain n'était pas un bel homme assurément : un comédien, avec de l'âme, peut faire oublier combien la nature fut ingrate envers lui. Le débutant sait parler, ce qui est un rare avantage dans un temps où presque tous les acteurs chantent et déclament. Il y a, par exemple, au Théâtre-Français, une actrice dont on peut noter les rôles comme le récitatif d'une partition italienne, et à l'Opéra-Comique un jeune premier dont on peut écrire les airs qu'il déclame en mesure pendant que l'orchestre chante à sa place. Cecil me rappelle ce farceur des boulevards, qui débite des quolibets pendant qu'un homme placé derrière lui exécute tous les gestes que le bavard devrait faire luimême.

Du reste, Monseigneur, je n'ai rien de nouveau à vous apprendre, si ce n'est la mort de la Vénus hotten tote. Un lion de mer lui a succédé; cet animal est cependant loin d'attirer autant de monde que le ballet de Flore et Zéphyr, et Robert-le-Diable, dont le succès est vraiment diabolique. La contre-danse à huit chevaux a enlevé dernièrement une cinquantaine de personnes à mademoiselle Gosselin aînée, qui n'en a pas moins dansé avec une perfection qui tient du prodige. La légèreté

de cette danseuse n'a pas empêché Martin de Feydeau de l'épouser sérieusement. Ce couple nous promet des Zéphyrs et des Amphions.

CHRONIQUE DE PARIS.

Il vient de se former à Londres une association sous le nom de Club des Hideux. Ces gens en veulent surtout aux chartiers.

Dans le passage de Lorme la foule s'arrêtait dernièrement devant la boutique d'un confiseur, qui a représenté à sa porte la fable du Renard et du Corbeau. Le corbeau tient en son bec un fromage. En le voyant, on ne se demande pas, comme Rousseau : Est-ce un fromage de Suisse, de Brie ou de Hollande? car on voit qu'il est en sucre, et l'art d'un confiseur a su faire trouver aux enfans plus de charmes dans les fables de La Fontaine, que les raisonnemens de Jean-Jacques n'y ont fait découvrir de défauts.

M. Audinot fils reprend, dit-on, le privilége et le théâtre de l'Ambigu-Comique, dont son père avait été le fondateur.

-Le Réveur de la Quotidienne nous a fait le récit d'un rêve à faire dormir debout. Le passé n'est qu'un songe; ne nous occupons que du présent; rallions-nous autour du trône, et l'avenir ne nous inquiètera plus.

-L'infatigable M. Méjan, qui a fait tant de dédicaces dans sa vie, vient de faire hommage au.... public d'une Réponse au Mémoire justificatif de M. le comte Lanjui

nais.

-On m'a fermé la porte du ministère, disait l'illustre abbé de P....., mais je l'enfoncerai.

-Le Souffleur-émérite de la Gazette parle des partisans de l'école criarde; c'est ainsi qu'il appelle l'Opéra fran çais.

Ce qui prouve que la Vénus hottentote n'était pas acclimatée, c'est qu'elle est morte de la petite-vérole. Nos Vénus européennes ne sont jamais mortes d'une reille bagatelle.

pa

-Goddam! que les journaux anglais sont intéressans cette semaine! Voici ce que dit l'un d'eux: M. Coke, le plus fameux chasseur des Trois-Royaumes, a tué, lui et huit de ses compagnons, armés de fusils à deux coups, 272 faisans, 186 lièvres, 120 perdrix, une très-grande quantité de lapins, sans compter un martin-pêcheur, une pie voleuse et un perroquet bavard.

Haud tanto cessabit cardine rerum.

Après-vous, sir Coke, s'il en reste.

-M. Papillon ( de la Ferté), intendant des MenusPlaisirs, est nommé conservateur de l'argenterie et des porcelaines du roi.

M. Martainville dit élégamment qu'on voit beaucoup de talens femelles à Feydeau.

Le théâtre des Variétés se verrait-il hasard par abandonné comme l'Odéon? On pourrait le croire, car il emploie le même moyen de rajeunir une vieille pièce en l'annonçant sous un nouveau titre. L'Ogresse s'appelle maintenant Belle - Belle et Fortuné. Puisse cette parade dégoûtante, qui a obtenu dans le temps tant de

succès,

Changer de nom sans changer de destin!

-L'écrivain publiciste le plus en vogue de nos jours, a vendu, dit-on, le manuscrit de son dernier ouvrage, deux vol. in-8°., 8000 francs. Cette somme lui sera comptée à la fin du mois, et notre auteur se propose de quitter la capitale pour aller, dans les montagnes de l'Auvergne, jouir, dans un ermitage, de ses rentes et capitaux, fructus belli!

-Le Vieil Amateur parle de deux demoiselles de province, qui, les jours de poste, voient le spectacle dans les feuilletons. Si c'est dans les feuilletons du Vieil Amateur, qu'elles sont à plaindre !

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-La ville de Perpignan a comme Paris, son modeste journal; et pourquoi pas

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs;

Tout petit prince a des ambassadeurs;

Tout marquis veut avoir des pages.

Voilà pourquoi M. J. A., amateur, fait les articles spectacles dans la feuille roussillonaise. Le petit Geoffroy paraît ne donner des éloges qu'aux acteurs qui savent bien leurs rôles. (Le souffleur du théâtre de Perpignan doit être fortement occupé. ) Il nous apprend que madame Derond aurait été applaudie si on l'avait un peu plus comprise; mais c'est comme à Paris! Elle néglige le corps d'une phrase, et garde ses moyens pour la chute, afin de produire plus d'effet; c'est encore comme à Paris! La fière dame Le Gaigneur ne parle pas assez lentement; oh! pour cela, ce n'est pas tout-à-fait comme à Paris! M. Vignes, l'Elleviou de la troupe, a la voix un peu voilée; les Elleviou de Paris ne l'ont pas plus brillante ni plus claire; ses gestes sont naturels : M. Vignes ne devrait pas rester en province. Enfin, madame Derond crie juste ses ariettes; et c'est toujours, oui toujours comme à Paris, où les acteurs, qui ont de quoi, payent le plaudite manibus, et sont plus heureux que le comé

dien Gonthier.

Une seule chose n'est pas comme à Paris; c'est que l'amateur J. A. sacrifie trop aux mauvais calembours, et pose à ses articles le cachet de son talent ou bien le talent de son cachet. Qui es confrare que prenga candela. A bon entendeur, salut.

--- Momus a tenu sa trente-cinquième séance lyrique et gastronomique, le 6 janvier 1816, pour y célébrer la Féle des Rois. La joie était presque à son comble, lorsqu'un vieillard est entré dans le temple. Un cri de joie s'est échappé de toutes les bouches... Le marquis de Ximenes! l'ami du grand Voltaire! se disait-on en se précipitant vers lui. Oui, mes enfans, a-t-il répondu avec la plus vive émotion, c'est le vieux Ximenes qui a voulu rendre une visite aux défenseurs de la galté française. Aussitôt on l'a conduit à la place d'honneur. Un

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