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ARCHITECTURE.

Les travaux de MM. les architectes, pensionnaires du roi, sont, pour cette année, une restauration du temple de Mars Vengeur (onze dessins), par M. Gauthier; trois études du temple de Jupiter Stator, et trois autres du temple d'Antonin et Faustine, par M. Suys; trois études du théatre de Marcellus, la base et le chapiteau de l'intérieur du Panthéon, par M. Caristie. Nous attendons ces dessins..

Mais nous sommes si riches en travaux antérieurs qui n'ont pu être examinés que cette année, et ces travaux sont si importans pour l'art, qu'à peine pourrions-nous, en consacrant toute la séance à cet unique objet, vous en donner une idée exacte.

Je me bornerai donc, en ce moment, aux principaux résultats, réservant, pour l'impression, l'excellent rapport que M. Dufourny en a fait à la classe, au nom de la section d'architecture. Ce beau travail est un nouveau service que notre confrère rend à l'école, à la prospérité de laquelle il a tant de part, comme professeur.

La tâche que nos règlemens prescrivent aux architectes pensionnaires du roi à Rome, comprend d'abord des études de détails qu'ils doivent nous soumettre, pendant les trois premières années, afin de constater l'emploi de leur temps et les progrès qu'ils font dans leur art. Ces premiers dessins restent leur propriété; mais ils sont tenus en outre de présenter à la classe, lorsqu'ils sortent de l'école, des restaurations raisonnées des plus précieux monumens de l'architecture antique. L'exécution doit en être soignée, car c'est le complément de leur éducation. Ils sont libres dans le choix des monumens, afin qu'on puisse juger en même temps de leur goût, de la solidité et de la sagacité de leur jugement, de l'étendue des connaissances et du talent acquis. Ces dessins terminés, ainsi que les observations et les recherches qui les accompagnent, appartiennent au gouvernement : c'est e premier hommage de reconnaissance qu'ils lui offrent our les bienfaits qu'ils en ont reçus. La réunion de ces

plans, coupes et élévations et des mémoires dont ils sont accompagnés, forme une collection très-précieuse pour l'étude et l'histoire de l'art. Chaque année la voit s'accroître, mais jamais elle n'avait été aussi richement, aussi utilement dotée qu'elle va l'être par les travaux que MM. Suys, Châtillon, Provost, Gauthier, Leclerc et Huyot, ont érigés pour elle, en 1812 et 1813. L'ensemble forme environ quatre-vingt dessins, presque tous sur la plus grande échelle, comprenant des études trèsbien faites du théâtre de Marcellus, de la colonne Trajane, des temples de Jupiter Tonnant, de Jupiter Stator, et de la Paix; les restaurations complètes du Panthéon, du temple de la Fortune à l'réneste, et même du Forum inconnu de cette antique ville, qui avait ses dieux et ses temples bien avant la fondation de Rome, et dont Cicéron avouait ne pouvoir point assigner l'origine.

M. SUYS. On a remarqué dans les études de détails de ce jeune architecte un très-bon choix de modèles et le soin d'indiquer partout la nature des matériaux ainsi leur bel appareil; enfin l'art avec lequel il a su ren dre le caractère des ornemens du temple de Marsen. geur, qui, mieux que tout autre peut-être, démontre comment on peut allier la fierté et la grâce, l'élégance

que

et la richesse.

M. CHATILLON a fait également preuve de jugement et de goût dans ses études de la colonne Trajane, compo-. sées de cinq dessins. Desgodets, d'ailleurs si soigneux de recueillir les monumens antiques de Rome, avait omis celui-ci, qui est d'un si grand intérêt pour la sculpture et l'architecture. L'ensemble, les détails, jusqu'aux ornemens, sont exacts et précieusement dessinés. Ces belles études donnent une idée favorable de celles qu'il a faites depuis sur le portique d'Octavie, et dont l'envoi nous est annoncé.

(La suite au prochain numéro.)

CORRESPONDANCE DRAMATIQUE.

30 novembre 1815.

Vous savez, Monseigneur, que la représentation de Closel avait été remise. J'en ignorais les motifs. Je puis vous apprendre aujourd'hui que la vaste enceinte de l'Odéon, qui appartient au palais du Luxembourg, a été convertie en corps-de-garde; ainsi, les acteurs sociétaires que le gouvernement a bien voulu dédommager de l'occupation de leur théâtre, ont donné pendant sept jours relache à leur bénéfice. J'ose assurer à V. A. que la troupe s'accommoderait fort bien tous les mois d'une vingtaine de relâches, qui lui sont plus lucratifs qu'une trentaine de ses représentations.

Quoi qu'il en soit, le public du faubourg Saint-Germain fonde de grandes espérances sur M. Picard. C'est le 1er janvier que cet habile directeur doit prendre les rênes d'un théâtre qui aura bien de la peine, peut-être, à atteindre cette époque. On assure que l'Odéon obtiendra le titre et le privilége qu'avait autrefois le théâtre de Monsieur. Là se jouait la comédie et l'opéra-comique ; Marivaux, Marmontel, Legrand, Favard, y ont brillé tour à tour chacun dans leur genre. Ce théâtre, qui ne pourrait faire aucun tort à la comédie française, ni à Feydeau, vu son éloignement, deviendrait une succursale de ces deux établissemens, et varierait un spectacle que ses anciens administrateurs avaient poussé jusqu'à la perfection de la monotonie. Il serait même à désirer que M. Picard s'attachât une petite troupe de danseurs. Les farces de Molière et presque toutes les pièces de Dancourt se terminaient par un divertissement. Le fameux Deshaies était jadis premier danseur du Théâtre-Français; on a déjà vu l'effet qu'ont produit à l'Odéon les élèves de M. Guillet, encore dernièrement ils ont attiré la foule, et de plus, conjuré l'orage qui s'élevait contre cette espèce de conversation en trois actes qu'on a jouée sous le

titre de la Fin de la Ligue, ou Henri IV à la bataille de Fontaine-Française. V. A. conviendra qu'il faut qu'un auteur ait vraiment du talent pour réussir à faire siffler par des Français une pièce où figure ce bon Henri.

Le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire.

Jugez, Monseigneur,'ce qu'on aurait fait si le cri de vive le Roi! qu'on aurait répété à chaque phrase, ne s'était pas trouvé là pour être applaudi. C'est vraiment un sacrilege que de permettre qu'un nom aussi révéré, aussi sacré que celui de Henri, soit chanté par un sot écrivain qui se bat les flancs pour amener gauchement quelques allusions. « Je sommes Français, fait-il dire à une vieille

paysanne; je sommes Français des pieds jusqu'à la » téle : je ne voulons pas demeurer sous l'usurpateur..... » sous l'brigand, sous celui qu'a volé à not' Henri la » couronne, mais dont, grâce à Dieu, il ne tient plus

D

qu'un petit bout.... J' dirons à Thibaud : Vend not' hé»ritage, et.... viens-t-en à c' Paris.... J' dirons au Roi: >> J' venons travailler ici, gratter la terre avec nos doigts, » pour avoir le plaisir d'être de vos sujets.... Il répon» drait en nous embrassant, en versant des larmes, les >> larmes d'un père! Hélas! v'là tout ce qu'il pourrait » faire. Car il n'est pas riche not' Roi ».

Peut-on en moins de lignes rassembler plus d'inepties, de fautes, de sottises et d'inconvenances. Peut-on jamais croire qu'un homme qui a pu outrager de la sorte le bon sens et la raison, ait eu le courage de faire imprimer d'avance une pièce dont je viens de donner un échantillon du style? Quant aux acteurs de l'Odéon, je ne puis trop les blâmer d'avoir reçu une pareille rapsodie; on prétend qu'ils ont joué la pièce sans l'avoir lue; et, d'ailleurs, on pouvait intercaller au troisième acte une entrée à pied et à cheval, cela suffisait à l'acteur Closel.

Il y a beaucoup de gens qui s'imaginent que rien n'est plus facile que de faire une comédie; ils croient qu'avec un peu d'esprit ils vont trouver, en dialoguant quelques scènes, un plan raisonnable, de l'intérêt, de la gaîté; enfin toutes les conditions sur lesquelles nos meilleurs

comiques réfléchissent long-temps avant de prendre la plume.

Ces réflexions, Monseigneur, nous amèneront naturellement à la pièce nouvelle qu'on a donnée au Théâtre Français, pièce qui n'a ni plan, ni intérêt, ni gaîté. C'est un petit acte en prose, intitulé la Méprise; et certes, si jamais auteur s'est mépris, c'est bien madame B... Nous lui devions déjà la Suite d'un Bal masqué, qui est un de ces petits romans qu'on appelle comédies, écrits avec délicatesse, ornés de pensées fines, ouvrages de femme, vivement imaginés, disait un homme d'esprit, légèrement tissus, négligeamment finis, objets, en un mot, d'une première surprise de curiosité et moins faits pour le second coup-d'œil.

La méprise avait été long-temps anoncée sous le titre du Testament; en voici l'analyse en peu de mots. Feu M. Dumont, homme bizarre qui abhorrait les femmes parce qu'il prétendait avoir éte haï par sa mère, trompé par sa femme et abandonné par sa sœur, a élevé le jeune Verseuil, son petit-fils, dans ces aimables principes. Dumont, par sa mort, oblige Verseuil à appeler au château madame de Lineul, jeune veuve, et Constance sa sœur, toutes deux nièces du défunt, et que Verseuil n'a jamais pu voir. On fait la lecture du testament de Dumont; Verseuil, au préjudice des nièces, est institué légataire universel; mais le jeune homme est délicat il veut tout restituer. En attendant il aime Constance; mais la balourdise d'un valet lui fait croire que Constance est engagée ailleurs, tandis que c'est madame de Lineuil qui a promis sa main à Dorsange. Tout s'éclaircit, et, sans cette méprise assez maladroitement amenée, il n'y aurait point de pièce. Mademoiselle Mars, avec son talent, ne peut réchauffer cet ouvrage, qui est à la même température que la saison.

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Le parterre, toujours galant pour les dames, s'est abstenu de siffler l'auteur; mais vers la fin de la pièce il a sifflé les acteurs et le comité de lecture.

Avant de quitter le Théâtre Français, j'annoncerai à V. A. qu'on prépare incessamment une représentation au bénéfice de mademoiselle Emilie Contat. On nous

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