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promet la Mort de César et l'Ecossaise, pièces qu'on n'a point jouées depuis long-temps, et qui attireront la foule. Talma paraîtra dans la tragédie. Cet acteur, dont le talent a été apprécié d'une manière si flatteuse par le roi, vient de recevoir une pension de dix mille francs. Il me semble qu'après une telle faveur, Talma devrait rester en France; mais il paraît qu'il pense toujours à aller jouer la tragédie à Londres; heureusement pour lui qu'il sait l'anglais; car il ne doit pas ignorer que plusieurs artistes essayèrent autrefois de représenter quelques ouvrages français, et qu'ils furent accueillis par des buées et des insultes qui les forcèrent à se retirer. On appelle cela, en Angleterre, de l'esprit national. Je crois que si nous entendions l'anglais, et que les sombres bouffonneries anglicanes avaient le sens commun, nous établirions nous-mêmes à Paris un théâtre anglais pour varier nos plaisirs. Nous ne craignons pas la concurrence des ouvrages dramatiques étrangers; et les Commères de Windsor, représentées à côté des Femmes savantes, feraient plus que jamais ressortir la supériorité de Molière. Les Anglais n'ont pas voulu d'un théâtre français chez eux; c'est une jouissance réelle dont ils se sont privés, et qu'ils ont gratuitement sacrifié à un orgueil. mal entendu. Ils auraient même dû être conséquens dans leurs principes, et ne point orner leurs palais de tableaux et de sculptures qui, sans contredit, ne sont point pour eux des ouvrages nationaux.

Le Vaudeville a bien de la peine à se relever. Une Nuit au corps de garde y a toujours beaucoup de succès; et ce petit tableau, où la garde nationale de Paris figure, a donné, à plusieurs chansonniers qui ne savent rien créer, l'idée de faire des pièces sur ce sujet. Les Variétés et le théâtre de la porte Saint-Martin feront donc incessamment paraître à leur tour des gardes nationaux. M. T..... a fait succéder à cette Nuit, qui fait les beaux jours du Vaudeville, l'Arbre à sonnettes, ouvrage qui n'a rien de remarquable que son titre. Cependant le canevas, dans des mains plus habiles, aurait été susceptible de gaité. Une baronne feint de détester les hommes; un colonel de hussards, son locataire, feint de détester les

femmes; mais ils s'aiment tous deux secrètement. La femme de chambre et un brigadier, au service du colonel, s'aiment et l'avouent hautement; ils sollicitent vainement de leurs maîtres la permission de se marier. Le brigadier, pour se venger peut-être, convient avec ses camarades de piller les fruits du jardin de la baronne. Mais le jardinier, qui sait qu'on a déjà volé des abricots, s'avise de mettre dans un bel abricotier des sonnettes qui doivent l'avertir du dégât. Les maraudeurs surpris abandonnent le brigadier qui est sur l'arbre. Le colonel et la baronne ont une entrevue; le brigadier surprend leur secret; ; il veut en profiter; toutes les sonnettes résonnent à la fois; les amans se sauv ent et laissent au pied de l'arbre, l'nn sa pelisse et l'autre son schall. Le brigadier et la suivante se couvrent de ces vêtemens, et vout dans cet équipage solliciter un consentement qu'on leur avait refusé. Ils sont unis; et leurs maîtres, après cette aventure, prennent le parti de se marier aussi.

Boccace, Lafontaine, Vadé et une demi-douzaine de vaudevilles ont été mis à contribution par l'auteur; mais n'importe, s'il avait amusé, on lui aurait su gré de son pillage. Un écrivain qui ne fait pas oublier par la gaîté et du talent les auteurs qu'il imite, ressemble à l'abbé Trublet:

Un peu d'esprit que le bon homme avait,
L'esprit d'autrui par supplément servait ;
Il compilait, compilait, compilait.

TABLEAU POLITIQUE.

EXTÉRIEUR.

TURQUIE.

La Turquie, dont la paix profonde n'avait point été troublée par les tempêtes qui ont une seconde fois ébran lé l'Europe, semble avoir perdu sa sécurité depuis que l'Europe a retrouvé le repos. Elle fait, sinon des préparatifs d'attaque, au moins des dispositions de défense. Les châteaux du Bosphore, les batteries de Thérapia ont été réparés, et couvrent Constantinople du côté de la mer Noire, tandis que de nouveanx ouvrages doivent mettre les Dardanelles en état de fermer la Propontide, et de soutenir leur ancienne renommée. C'est sans doute aussi pour assurer un autre point de ses frontières que la Porte montre aux Serviens des dispositions plus favorables; elle a vu tout le parti qu'un ennemi pourrait tirer de leur mécontentement, et elle s'est empressée d'en faire cesser la cause. Leurs députés ont reçu un accueil flatteur à Constantinople, et le ministére ottoman a adressé au commandant de leur province les instructions les plus conciliantes et les plus pacifiques; mais tandis que le calme se rétablit en Servie, la révolte éclate au Caire. Le pacha d'Égypte qui y réside, loin de pouvoir arrêter le désordre, est obligé de chercher sa sûreté dans la citadelle, et la ville est pillée par les troupes à qui est confié le soin de la défendre et de la protéger. Les Wahabites ne sont point, comme on l'avait annoncé, les auteurs de ce désastre. Ces sectaires continuent d'être en guerre ouverte avec la Porte; mais ils ne songent guère à pousser leurs excursions jusqu'au cœur de l'Égypte : rassemblés aux environs de la Mecque, ils y sont obser

vés et contenus par les troupes ottomanes, qui leur ont enlevé les villes saintes, et qui les ont chassés jusque dans ces déserts.

ALLEMAGNE.

L'Allemagne paraît tout occupée de son organisation intérieure. Des échanges, des cessions de territoire se traitent à l'amiable entre les souverains. L'Autriche négocie d'un côté avec la cour de Bade pour rentrer en possession du Brisgaw; de l'autre, elle cherche à obtenir de la Bavière la principauté de Salzbourg. Un congrès va se réunir à Francfort pour consacrer ces divers échanges, et rectifier les frontières de plusieurs états; ensuite s'ouvrira la diète germanique, chargée de faire respecter les décisions du congrès, de maintenir l'union parmi les peuples allemands, de soutenir les droits des faibles contre les prétentions des forts, d'apaiser les différens avant qu'ils ne deviennent des querelles, de concilier les intérêts divers dans l'intérêt commun, et de resserrer sans cesse des liens qui sans cesse tendent à se relâcher et à s'affaiblir.

Si l'Allemagne en général doit trouver dans ces dispositions l'espérance d'un heureux avenir, les divers états dont elle est formée, voient presque tous leur bonheur particulier garanti par des institutions qui promettent d'être durables, parce qu'elles sont justes, et que les peuples ne demandent rien de plus.

L'empereur d'Autriche s'est empressé de rendre aux Tyroliens les priviléges dont jouissaient leurs pères. Le roi de Wurtemberg offre chaque jour de nouvelles concessions à ses peuples; le grand-duc de Saxe-Weymar a prévenu les demandes des siens; la Prusse attend de son roi une constitution libérale, et ses états provinciaux ont envoyé des députés à Paris pour rappeler au monarque victorieux la promesse qu'il leur fit avant la victoire. Une constitution libérale! voilà désormais le premier besoin des peuples et le plus solide appui des

ITALIE.

Ce n'est seulement en France, en Allemagne que pas cette vérité est sentie; elle a germé en Espagne, elle a fructifié en Italie. Le roi de Naples avait fait en Sicile l'essai d'une constitution calquée sur celle à qui l'Angleterre doit sa gloire et sa prospérité : l'essai a répondu sans doute au vœu de son cœur et à l'espérance de ses peuples, puisqu'il veut en étendre le bienfait aux états que la Providence lui a rendus. Certes, il ne pouvait y marquer son retour par une action plus royale et plus propre à reconnaître encore dans le cœur de ses sujets les regrets causés par sa longue absence.

Ce prince paraît s'occuper avec autant de persévérance que de succès de l'administration de son royaume. La sûreté des routes, la tranquillité des villes, la prompte organisation d'une nouvelle armée, sont la preuve et la récompense de ses efforts. Le commerce a aussi éprouvé les effets d'une bienveillance particulière. L'exportation des produits du sol et des manufactures du royaume a été encouragée par des primes. Les droits des douanes ont été diminués dans différens ports, et des escadres armées, de concert avec le roi de Sardaigne, vont protéger la navigation et le littoral de l'Italie contre les violences des Barbaresques.

L'audace de ces pirates, quelqu'étonnante qu'elle soit, ne l'est pas plus que la patience des souverains, depuis si long-temps en butte à leurs outrages. Tous les jonrs ils saisissent des navires napolitains, autrichiens, génois, sardes, romains. Tous les jours ils descendent sur quelques points des côtes de la Méditerranée ou de l'Adriatique; sement la terreur dans les villages, et lorsque le désespoir des habitans ne supplée pas à la protection vainement espérée du gouvernement, ils regagnent tranquillement leurs navires avec le butin qu'ils ont fait. Il paraît cependant que l'exemple donné par les Américains ne sera pas sans effet, et des mesures propres à réprimer l'insolence des Barbaresques doivent être propo

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