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La folie de la mode ne doit-elle pas sa tyrannie à la du ridicule ?

peur

La jeune comtesse de M.....était par sa grâce, par sa figure, par ses talens, par ses qualités, l'ornement du monde, et faisait le bonheur de sa famille. Une mode, aussi contraire à la décence qu'à la santé, voulait alors que les femmes ne cachassent presque aucun de leurs charmes : l'hiver était rigoureux; la poitrine de la comtesse fut attaquée; l'amour, l'amitié, la raison, épuiserent en vain leurs efforts pour la déterminer à se couvrir, à s'habiller plus chaudement; elle ne pouvait surmonter la peur de n'être plus comme les autres. Sa souffrance augmenta; elle fut obligée de s'enfermer trois mois; mais dans sa maison même elle voulait ou ne recevoir personne, ou suivre la mode. Enfin le médecin engagea quelques-unes de ses amies à venir chez elle avec des robes fermées, de longues manches et des jupons épais. Surprise de cette nouveauté, elle en demanda la cause; on lui dit que la nudité était passée de mode, qu'elle ne se montrait plus qu'en province, et qu'on s'en moquait à Paris. La comtesse alors, sans hésiter, changea de toilette et guérit. Ainsi la crainte du ridicule eut plus de puissance que les avis d'une mère, les larmes d'un époux et la peur même de la mort.

Tirons de ces observations une conséquence; c'est qu'on pourrait, en se servant adroitement de nos craintes et de notre vanité, nous gouverner par les mœurs plus facilement que par les lois.

Tournons en ridicule nos vices, nos discordes, nos folies, et, n'ayant pas su nous rendre bons, sages et heureux par la force de la raison, nous le deviendrons peut-être enfin par la peur du ridicule.

MÉLANGES.

Sermens prétés à Strasbourg, en 842, par Charles-leChauve, Louis-le-Germanique et leurs armées respectives; extrait de Nithard, manuscrit de la bibliothèque du roi, no. 1964; traduit en français avec des notes grammaticales et critiques, des observations sur les langues romane et francique, et un spécimen du manuscrit; par M. de Mourcin, membre de la société des antiquaires de France.-Un volume in-8°. Prix : 4 fr. A Paris, chez Delaunay, libraire, Palais-Royal, galeries de bois.

L'ambition démesurée de Lothaire l'avait deux fois armé contre son père, ce malheureux et trop faible Louis-le-Débonnaire; non content d'avoir avancé le trépas de ce prince, il veut, sitôt qu'il en a reçu la nouvelle, marcher contre ses frères, afin de s'emparer de leurs états. Mais Charles-le-Chauve et Louis-le-Germanique avaient si bien pris leurs mesures, que Lothaire fut réduit à demander la paix. Elle ne lui fut accordée qu'à des conditions extrêmement dures, auxquelles il fut obligé de se soumettre pour ne pas risquer le combat contre un ennemi beaucoup plus fort. Un accommodement devait avoir lieu au palais d'Attigny.

Lothaire convoque l'assemblée pour le mois de mai (an 840), et ne s'y rend pas. De nouvelles intrigues font enfin comprendre aux rois Charles et Louis qu'il est de leur intérêt de se réunir pour mettre un frein à l'anbition de leur frère aîné. Ils font marcher leurs armées, qui se trouvent en présence des troupes de Lothaire; et celui-ci, toujours perfide, fait des propositions, entre en négociation, et, sitôt que les secours qu'il attendait sont arrivés, il rompt la trêve, s'avance dans la plaine de Fontenay (dans l'Auxerrois, an 841), et présente la bataille à ses frères. Après le combat le plus cruel et le plus sanglant, après des prodiges de valeur de part et

d'autre, la justice et le bon droit l'emportent; la victoire, long-temps disputée, demeure aux deux alliés, et Lothaire est vaincu. Contraint de prendre la fuite, il se retire à Aix-la-Chapelle, emploie tous les moyens pour relever son parti, noue de nouvelles intrigues, et forme des tentatives pour se venger. Ayant levé une seconde armée, Lothaire quitte la Germanie, fait filer ses troupes sur Paris; et dans sa marche, il pille, brûle et détruit tout. Les inondations de la Seine le forcent à s'en retourner, après une grande perte de ses soldats. Cet homme cruel voulait diviser les deux rois, et mettait tout en œuvre pour y parvenir. Mais Charles-le-Chauve, roi de France, et Louis, roi de Germanie, persuadés que leur sûreté dépendait de leur union, renouvelerent l'alliance qu'ils avaient déjà contractée, et, pour la rendre plus sainte et plus solennelle, ils la confirmèrent par la religion du serinent.

Les deux frères se donnèrent rendez-vous à Strasbourg, et firent leur jonction le 16 des calendes de mars 842, c'est à dire le 14 février. Ils se promirent mutuellement de rester toujours nnis et d'employer toutes leurs forces contre Lothaire; mais, afin que les peuples ne doutassent pas de la sincérité de cette union, et pour éviter euxmêmes tout prétexte de rompre l'alliance, ils résolurent de se prêter serment devant leurs armées respectives. Chacun, après avoir harangué ses troupes, expose ses griefs contre Lothaire, et les motifs de l'alliance qu'il va contracter. Après diverses allocutions, Louis prononce le serment en langue romane, pour être entendu des sujets de Charles-le-Chauve; et celui-ci le prononce en langue francique, pour être compris des sujets de Louisle-Germanique.

Ce serment, le plus ancien monument de la langue française, ne se trouve que dans un manuscrit de Nithard, historien contemporain, d'abord abbé, ensuite valeureux soldat, qui mourut de ses blessures vers l'année 853, et qui avait été témoin de cet événement mémorable. Peu de textes ont été plus souvent expliqués, et presque toujours mal. Depuis 1378, où Bodin le rapporta pour la première fois, je pense, jusqu'à cette année 1816,

M. de Mourcin rapporte les noms de quarante commentateurs qui se sont appliqués à donner des interprétations de ce curieux monument. Malgré leur zèle, leurs travaux, ces savans n'avaient pu réussir dans leur projet, et cette gloire était réservée à M. de Mourcin. II avait, il est vrai, profité de quelques bonnes observations faites par des auteurs modernes; mais M. de Mourcin a surmonté tous les obstacles, prévenu toutes les difficultés, et l'explication qu'il a donnée ne laisse rien à désirer. En tête de son travail, l'auteur a placé la planche du spécimen qui se trouve dans le Glossaire de la langue romane; ce fac-simile reparaît avec différens changemens qu'un examen plus attentif a fait juger convenables; puis, après avoir fait connaître, par ordre alphabétique et chronologique, les noms des savans qui l'avaient pré cédé dans la carrière, indiqué la somme de leur travail et les obligations qu'on leur doit, l'auteur donne les textes en langues romane et francique avec la traduction en regard; puis, reprenant les textes à part, il explique chaque mot, fortifie son explication par de nombreux exemples et par un heureux choix de citations. Si tout ce qui tient à nos antiquités nationales, tout ce qui tend à éclaircir notre histoire, n'était pas, pour ainsi dire, frappé d'une sorte d'anathème, j'aurais continué l'examen de ce mémoire aussi curieux que bien pensé. Mais la crainte de faire naître l'ennui, que sais-je? peut-être même le dégoût, retient ma plume et contient ma pensée. Quoi! on se montre jaloux de savoir si les Romains faisaient usage de mouchoirs; s'ils portaient des clous à leurs souliers; s'ils descendaient les escaliers de tel ou tel pied; si leurs casseroles étaient étamées, etc., etc.; et si les historiens ou les écrivains modernes daignent quelquefois parler des choses qui intéressent la moindre partie de nos antiquités, c'est ordinairement avec un ton de compassion et de pitié qu'on pardonnerait à peine à l'ennui de les avoir lus! D'où peut venir cet éloignement, cette ignorance de tout ce qui tient à notre histoire, et surtout ce ton de légèreté employé lorsqu'on en parle ?, Comment ne pas s'intéresser à tout ce qui tient à ce peuple extraordinaire et formidable, à la politique et

aux armes duquel, à plusieurs époques, nul autre peuple de la terre ne put résister! Les Français ne sont-ils donc pas devenus par l'aménité de leurs mœurs par le nombre de leurs découvertes, par la grandeur de leur courage, par la supériorité de leurs écrivains, même dans le moyen âge, l'une des premières et des plus grandes nations de l'Europe? J'abandonne cette thèse, qui me conduirait trop loin, et me borne à dire de nouveau que l'intéressant ouvrage de M. de Mourcin ne laisse rien à désirer sous tous les rapports; qu'il est à la fois bien fait, curieux, instructif; qu'il annonce un nouvel écrivain destiné à porter le flambeau de la critique sur nos anciens monumens; enfin, qu'il honorera son pays et les lettres.

Δ.

CONSIDÉRATIONS

Sur l'état politique des femmes.

Plusieurs écrivains estimables des deux sexes se sont plaints, avec amertume, de l'oubli dans lequel les législateurs modernes de tous les pays ont laissé les femmes relativement aux institutions politiques. Nous allons examiner jusqu'à quel point leurs réclamations sont fondées. Si ces législateurs paraissent avoir établi une ligne de démarcation entre ce sexe et le nôtre; s'ils l'ont écarté des fonctions publiques, ils n'ont fait en cela qu'imiter ceux de l'antiquité, qui, sans doute, avaient de bonnes raisons pour en agir ainsi. Sans nous flatter de les avoir pénétrées, nous allons vous faire part de celles que nous croyons propres à justifier leur conduite.

De toutes les femmes qui existent sur la surface du globe, les Françaises, sans contredit, sont les plus aimables; aussi sont-elles un objet de jalousie pour les femmes de tous les pays, autant à cause des avantages dont la nature les a douées, que par ceux qu'elles obtiennent de nos usages, de nos mœurs et de notre ga➡ lanterie. Qu'elles doivent être contentes de leur sort,

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