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à ce dictionnaire qui renferme 6,298 exemples, les compositeurs de musique pourront vérifier si un accord est bon ou mauvais, comme les gens de lettres vérifient dans le dictionnaire de l'académie si un mot est d'usage

ou non.

Ce n'est qu'avec la défiance que nous avons de nousmêmes et le respect que nous devons au talent de l'auteur de Montano et d'Aline, que nous hasarderons une critique. Son dictionnaire pouvait être moins étendu. Une foule d'exemples qu'il cite comme mauvais devaient, il nous semble, être rejetés. Ce n'est que les accords douteux qu'il pouvait admettre. La Vestale, par exemple, fourmille d'accords douleux, et même réputés mau vais; mais la manière dont ils sont amenés les rend, pour ainsi dire, indispensables.

Quoi qu'il en soit, le Traité d'Harmonie et le Dictionnaire des Accords ne peuvent que figurer avec honneur sur la liste des nombreuses productions que la France doit à M. Berton.

REVUE LITTÉRAIRE.

Que de livres nouveaux! ma table en est surchargée. On ne se plaindra pas, je pense, de la disette des ouvrages et de la paresse des auteurs : par où commencer? ma foi, je n'en sais rien et je m'y perds. Prendrai-je les Voyages d'Aly-Bey et Abbassi en Afrique, en Asie et en Europe, avec un gros atlas; ou bien les Promenades pittoresques dans Constantinople et sur les rives du Bosphore, par M. Charles Pertusier; ou encore le nouveau Voyage à Tunis, traduit de l'anglais de Thomas Maggill, avec des notes fort curieuses? La nouvelle traduction de l'Iliade d'Homère, par M. Dugas-Montbel, se trouve à côté du Traité d'Anatomie descriptive, par M. Hippolyte Cloquet. Plus loin, j'aperçois la Traduction française des sermens prétés à Strasbourg, en 842, par Charles-le-Chauve, Louis-le-Germanique et leurs armées res pectives, par M. de Mouran; la Description historique de l'église royale de Saint-Denis, par M. Gilbert; le Traité d'Harmonie, suivi d'un dictionnaire des accords, en quatre volumes in-4°., par M. Henri Montan Berton;

une Histoire de la Franche-Maçonnerie; puis des brochures, des dissertations, des.... Eh mais! je ne me trompe pas, le Cavean moderne ou le Rocher de Cancale, pour 1816, 10. année de la collection (1); les Soupers de Momus, recueil de chansons inédites pour 1816, 3. année de la collection (2). Tant pis pour ceux qui ne seront pas contens, je commencerai ma revue par ces deux recueils. Les chansonniers l'emportent; leurs productions légères, semblables à la rose, n'ont que peu å de durée, mais elles en conservent quelquefois le parfum. On n'a que trop souvent du chagrin dans cette courte vie; il faut semer des fleurs sur la route, afin d'embellir son passage. Que j'aime ce grand roi qui avait tout perdu fors l'honneur; il répétait que, si la gaîté venait à se perdre, on la retrouverait chez ses sujets. Je vais donc examiner si les Français de nos jours sont aussi enclins au plaisir de chanter qu'ils l'étaient au seizième siècle, et, en examinant la question, j'ose croire que nous n'avons point dégéneré, et que, eu égard à la chanson, comme aussi dans beaucoup d'autres choses, nous somines supérieurs à nos aïeux. Il serait aisé de faire un long parallèle, d'examiner les productions des chansonniers depuis la plus haute antiquité; je dédaigne de prendre un vol aussi élevé, et tout simplement j'entre en matière.

Les grands événemens qui ont eu lieu cette année ont un peu refroidi, à ce qu'il me semble du moins, la verve de nos chantres. Que le digne président Désaugiers y fasse attention, il a dans son ami, M. de Béranger, un rival fort dangereux, et je n'hésite pas à regarder les productions de ce dernier comme dignes d'être mises en parallèle avec les meilleurs couplets du Caveau. La comparaison ne peut leur être dangereuse; au contraire,

A vaincre sans péril on triomphe sans gloire.

On ne peut pas toujours célébrer Bacchus et Comus, toujours chanter inter pocula et scyphos la liqueur qu'on va boire; aussi M. de Béranger a-t-il choisi un genre epigrammatique, lequel assure pour toujours la réputation de ses couplets.

(1) Un vol. in-18, avec fig. et titre gravé. Prix: 2 fr.

(2) Id., même prix. A Paris, chez A. Eymery, rue Mazarine.

Les amis de la joie regretteront sans doute que M. Armand-Gouffé n'ait fourni que la Chansonnette et le Vieil Epicurien; quand on fait aussi bien que M. Gouffé, on devrait produire davantage. J'adresserai le même reproche au joyeux M. Antignac; trois chansons faites avec tout l'esprit qu'on lui connaît, sont les seuls fruits de sa verve pour cette année. Aussi, je conseille vivement au président d'amender M. Antignac, et de lui enjoindre de travailler un peu plus. Puisque je m'adresse au président, je m'empresse de réparer la faute que j'ai commise; je n'ai point parlé de lui, et cependant la Tactique sera chantée partout, car on y retrouve le sel, l'enjouement et le mordant qui distinguent notre auteur. Je ne pense pas aussi favorablement de l'histoire intitulée Pierre et Pierrette; M. Désaugiers reprend tous ses avantages dans le Premier et le Dernier Ages; mais je trouve que son Optimiste a trop de ressemblance avec la chanson Quand on est mort c'est pour long-temps, etc. Le Printemps et les Plaisirs d'un bon Ménage sont remplis de pensées fraîches et heureuses. L'Histoire d'un Fiacre est trop semée de calembours, et je préfère l'histoire du Campagnard à Paris.

Les chansons de M. Coupart sont agréables, de même que celles de M. Gentil; que ne puis-je en dire autant des couplets composés par M. Jacquelin, chevalier de la Légion-d'Honneur! Craignant sans doute que son titre ne soit pas assez connu, M. Jacquelin le met, non-seulement à la fin de ses chansons, à la table des auteurs, mais encore au bas de la plus petite note. M. le chevalier de Piis nous offre un exemple de l'instabilité des choses humaines; après avoir pendant fort long-temps composé de verve, il ne vit plus que de souvenirs. MM. Capelle, de Rougemont, Sartrouville, méritent des reproches pour n'avoir donné chacun qu'une seule chanson. MM. Moreau et Théaulon en ont donné une de plus. Poursuivant la liste, je vois les productions de M. Brazier, auquel je reprocherai la manie et l'emploi trop fréquent des calembours. MM. Ourry et Tournay termineront la liste des membres du Caveau.

Voici le troisième recueil publié par la Société des Soupers de Momus. Les amateurs de la chanson n'ont pas

oublié le succès qu'ont obtenu les deux premiers volumes;
examinons maintenant si le troisième peut marcher de
pair avec ses deux prédécesseurs. Pendant nos malheurs
politiques, les joyeux refrains ne pouvaient être inspi-
rés;
le temple fermé indiquait les pénibles sentimens qui
agitaient les desservans du dieu de la marotte. Ce dieu
lui-même s'était dépouillé de ses attributs; une sombre
tristesse avait remplacé le rire malin qui brille sur son
visage; rien ne brûlait sur l'autel des sacrifices.

Il faut sur les horreurs d'un si triste tableau,
Il faut passer l'éponge et tirer le rideau.

Un jour plus prospère vient de luire; Momus reprend sa marotte et agite ses grelots, et l'hilarité communica tive brille de nouveau sur le visage du dieu; l'autel se pare de guirlandes, des victimes sont préparées pour le sacrifice; le grand-prêtre reprend ses fonctions, et tout rentre dans l'ordre.

Je pense que M. Casimir Ménestrier veut se faire une querelle avec les savans de l'Institut, lui qui, dans une adresse à ce corps respectable, avait demandé aux quarante immortels de créer deux places pour les auteurschansonniers. Le malheureux, il trahit ses confrères et gâte tout ce qu'il avait fait! Si sa demande est accueillie, comment pourra-t-il demander la voix à ceux desquels il dit, en parlant des séances :

On ronfle si fort dans la salle,

Qu'on la prendrait pour un dortoir.

Cela est très-vrai; mais pour l'honneur du corps on ne l'avouer. Il en est de même des passages sui

doit pas

vans:

Ou bien :

Quand le public, sur sa banquette,

Sommeille comme entre deux draps;

Cléon, au sénat littéraire,

Arrivant sans beaucoup d'effort,

Ne fit que r'habiller Homère

Avec les vers de Rochefort.

Voilà encore une de ces vérités palpables, un axiome qui lui ôte une voix. Et dans cet autre passage, ne dirait-on pas qu'il veut soulever les quarante contre lui:

En entrant à l'Académie,
Un auteur, dans un doux émoi,

Dit: a Messieurs, je vous remercie; »
On lui répond: « Gn'y a pas de quoi. »

Devait-il et pouvait-il convenir de cela? M. Ménestrier me paraît être un jeune homme; sans doute qu'il reconnaîtra un jour ses torts envers la 2o. classe. Ce n'est pas tout que d'avoir de la verve, de la facilité, de bien faire le couplet; il faut encore respecter les quarante, et ne leur pas faire ressouvenir qu'ils ont souvent autant d'esprit que quatre, sinon il sera exclus pour toujours. M. Armand Gouffé, membre correspondant, a enrichi le recueil de quatre productions charmantes: on ne sait laquelle est la plus jolie; ainsi l'on chantera la Manière de vivre en chantant; le Roi boit sera répété chez tous les amis de la gaîté; il en sera de même du Buveur sans défauts, mis en musique par M. Lélu, ainsi que Tort et Raison. Si les chansons de M. Belle sont agréables, elles sont aussi quelquefois trop sérieuses. M. Briand fait jaillir encore quelques étincelles du feu dont il brûla. Le chevalier Coupé de Saint-Donat montre qu'il a de l'esprit, de la délicatesse, et qu'il marche presque de front avec nos meilleurs chansonniers. Je suis faché de n'avoir pas autant à en dire sur les productions de M. Charrin. Ĉet auteur a des idées ; mais sa muse est assoupie, et jamais les grelots de Momus n'ont, retenti à ses oreilles. De la philosophie, de la gaîté, de la folie même, se font particulièrement remarquer dans les chansons de M. Dusaulchoy; on doit seulement regretter qu'il n'en ait fourni que cinq. Les disciples de Momus ont fait voir qu'ils savaient passer du plaisant au sévère; car parmi les refrains de Zon, zon, zon, les Turlurettes, les Reguingué, se trouve un dithyrambe à Bacchus, par M. Denne-Baron. En voici quelques vers, qui feront favorablement juger du talent de l'auteur :

Ma lyre! enfans, ma lyre!

Des roses et du vin!

Du dieu de la vendange éternisons l'empire.
Versez, enfans, versez pour trois!

Ce nombre plaît aux dienx, il charme mon oreille;

Certes, je préfère cent fois

La pourpre du raisin à la pourpre Vermeille

Dont se parent nos Lois.

Il y a du mouvement, du nombre et de la force dans ces vers, et la pièce se fait lire avec plaisir. La Vie d'un

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