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la liste actuelle n'étant pas définitive, puisqu'elle peut être effacée par une radiation, on ne peut empêcher de se marier ceux qui ne sont qu'inscrits; et il en sera ainsi jusqu'à ce qu'on ait séparé les vrais et les faux émigrés, en ne laissant sur la liste que les premiers.

Le citoyen Tronchet pense que la rédaction proposée par le consul Cambacérès ferait cesser toute équivoque.

Le Premier Consul dit que l'article, dégagé de l'équivoque qui l'aurait fait appliquer aux émigrés, est indispensable. La nation française, nation grande et industrieuse, est répandue partout; elle se répandra encore davantage par la suite. Mais les Français, autres que les émigrés, ne vivent chez l'étranger que pour pousser leur fortune les actes par lesquels ils paraissent se rattacher à un autre gouvernement ne sont faits que pour obtenir une protection nécessaire à leurs projets. Il est dans leur intention de rentrer en France quand leur fortune sera achevée; faudrat-il les repousser? Se fussent-ils même affiliés à des ordres de chevalerie, il serait injuste de les confondre avec les émigrés qui ont été prendre les armes contre leur patrie.

Le citoyen Berlier dit que les Français, que des raisons de commerce ou de fortune conduisent chez l'étranger, n'abdiquent pas leur patrie.

Le Premier Consul ajoute à ce qu'il vient de dire, que, s'il arrivait un jour qu'une contrée envahie par l'ennemi lui fùt cédée par un traité, on ne pourrait, avec justice, dire à ceux de ses habitants qui viendraient s'établir sur le territoire de la République, qu'ils ont perdu leur qualité de Français, parce qu'ils n'ont pas abandonné leur ancien pays au moment même qu'il a été cédé; parce que même ils ont prêté serment au nouveau Souverain. La nécessité de conserver leur fortune, de la recueillir et de la transporter en France, les a obligés de différer leur transmigration.

Le consul Cambacérès propose la rédaction suivante: Tout individu né en pays étranger, d'uu Français qui aurait abdiqué sa patrie, pourra toujours recouvrer la qualité de Français, en faisant la déclaration qu'il entend fixer son domicile en France. »>

Il ajoute que la loi ne disposant que pour l'avenir, le sort des Français non émigrés qui sont actuellement chez l'étranger se trouvera réglé par les anciens principes; que même le Code civil ne pourrait changer leur condition.

Le citoyen Bigot-Préameneu observe qu'il s'élève une multitude de proces dans les familles, sur les droits des enfants soit des émigrés, soit de ceux qui out obtenu leur radiation; que la législation actuelle étant insuffisante pour décider ces questions, il sera indispensable de faire une loi qui réglera la conduite des juges; qu'on pourrait donc reléguer dans cette loi les dispositions sur la successibilité des enfants d'émigrés, et en dégager entièrement le Code civil.

Le Conseil consulté rejette l'article 3 tel qu'il est proposé par la section.

La discussion est ouverte sur la rédaction présentée par le consul Cambacérès,

Le Premier Consul demande si l'enfant né en pays étranger depuis l'abdication de son père, ne reprend ses droits civils que du jour qu'il a fait la déclaration qu'il veut se fixer en France, ou s'il est réputé ne les avoir jamais perdus.

Le citoyen Tronchet répond qu'it recueille les successions ouvertes avant sa déclaration, lorsque la prescription n'est pas acquise contre lui. Le sort de l'individu originaire français est

différent, en ce point, de celui de l'étranger qui obtient la naturalisation.

Le citoyen Regnier dit qu'il y a beaucoup d'inconvénients à revenir sur des successions partagées; car les familles ont fait leurs arrangements, et se sont liées par des mariages dans la supposition contraire.

Le Premier Consul dit que les questions qu'on agite se lient à l'article 13, lequel est ainsi

conçu :

"La qualité de Français se perdra par l'abdica«tion qui en sera faite cette abdication résul« tera de la naturalisation acquise en pays « étranger; 2° de l'acceptation non autorisée par « le Gouvernement, de services militaires et de «fonctions publiques conférés par un gouvernement étranger; 3° de l'affiliation à toute corpora «tion étrangère qui supposera des distinctions de « naissance; 4° enfin de tout établissement en pays étranger sans esprit de retour. »

Le citoyen Roederer observe que cet article ferait résulter l'abdication du serment et de l'acceptation de fonctions par un Français habitant d'un pays cédé par la République à une autre puissance; qu'il la fait également résulter de la naturalisation en pays étranger. Cependant, comme on l'a déjà dit, de justes motifs peuvent obliger le Français qui habite un pays cédé par la France à différer son retour sur le territoire de la République; des raisons non moins justes peuvent le forcer à se faire naturaliser chez l'étranger: sans cette précaution, il ne pourrait recueillir les successions qui s'ouvrent à son profit en Angleterre, où le droit d'aubaine existe.

Le citoyen Tronchet répond qu'on ne peut supposer dans un Français l'esprit de retour, lorsque des faits clairs annoncent qu'il a abdiqué sa patrie. Au reste, il peut reprendre quand il veut la qualité de Français, pourvu qu'il revienne s'établir en France.

Le Premier Consul dit que si un Français a cette faculté, l'acceptation qu'il fait, sans la permission du Gouvernement, soit de fonctions publiques, soit du service militaire, chez une autre puissance, n'est donc pas une véritable abdication.

Le citoyen Tronchet répond que l'abdication est réelle, mais qu'elle n'exclut pas le Français de la faculté de reprendre ses droits. Cette faculté est si certaine que beaucoup de tribunaux ont critiqué l'article qu'on discute, parce qu'elle n'y était pas exprimée.

Le citoyen Berlier observe que la section n'a pas supposé que cette faculté existât, puisque, dans l'article 14, elle l'accorde spécialement à la femme française qui a épousé un étranger et qui est devenue veuve. Un Français qui a abdiqué sa patrie ne devrait pouvoir reprendre ses droits civils que de la même manière qu'un étranger est admis à les acquérir.

Le Premier Consul dit que la faculté accordée à l'abdiquant est dans l'intérêt de la République; mais qu'il conviendrait de n'en pas étendre la faveur au Français qui, sans la permission du Gouvernement, à pris du service chez l'étranger, où il s'est affilié à une corporation militaire : celui-là doit être regardé comme ayant abdiqué sans retour; le droit commun de l'Europe le considère comme portant les armes contre sa patrie. Il est possible, en effet, qu'en vertu de l'obéissance à laquelle il se soumet, on le dirige contre la France, ou que du moins on le dirige contre les intérêts de la France en le faisant combattre quelque puissance que ce soit; car il ne peut connaître le système politique de son pays. Le

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condamner à la peine de mort, ce serait le punir avec trop de sévérité; mais qu'il perde sans retour les droits civils; c'est d'ailleurs mieux assurer son châtiment on peut s'en rapporter à l'intérêt personnel, du soin de lui faire appliquer cette peine purement civile. Il est donc nécessaire de ne pas appeler abdication l'affiliation, sans permission du Gouvernement, d'un Français à une corporation militaire chez l'étranger, ou l'engagement qu'il y prend au service militaire.

Cet amendement est adopté.

On reprend la discussion de l'article 3.

Le citoyen Defermon demande si l'enfant dont parle cet article sera autorisé à rentrer de plein droit.

Le citoyen Roederer répond qu'il ne peut pas y avoir de difficulté à cet égard, puisque la faculté de rentrer de plein droit est accordée même au père qui a abdiqué.

Le Premier Consul dit que l'article sera incomplet, s'il ne statue pas sur le passé.

Les citoyens Boulay et Portalis observent que l'article, ne faisant que consacrer le droit existant, fixe les principes pour le passé.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu

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Art. 4. L'exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la « loi constitutionnelle. »

Le citoyen Tronchet dit que cet article est nécessaire, parce que la législation ancienne confondait les droits civils avec les droits politiques, et attachait aux mêmes conditions l'exercice des uns et des autres.

L'article est adopté.

Le citoyen Boulay présente le chapitre II, intitulé des étrangers.

L'article 5, qui est le premier de ce chapitre, est soumis à la discussion; il est ainsi conçú: Art. 5. « L'étranger jouit en France des droits civils qui lui sont accordés par les traités faits avec la nation à laquelle cet étranger appar<tient. »>

Cet article est ajourné jusqu'après le rapport que, dans la séance du 6 de ce mois, le citoyen Ræderer a été chargé de faire sur les rapports que les traités ont établis entre la France et les autres nations, en ce qui concerne les droits civils.

Les articles 6 et 7 sont adoptés; ils sont conçus en ces termes :

Art. 6. « L'étrangère qui aura épousé un Français suivra la condition de son inari. »

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Art. 7. L'étranger qui aura été admis à faire en France la déclaration de vouloir devenir a citoyen, et qui y aura résidé un an depuis cette << déclaration, y jouira de tous ses droits civils, « tant qu'il continuera d'y résider. »

L'article 8 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu :

« L'étranger, même non, résidant en France, est <«<soumis aux lois françaises pour les immeubles qu'il y possède il est personnellement soumis, << pendant sa résidence ou son séjour, à toutes les lois de police et de sûreté. »

Le Premier Consul demande si cet article soumet l'étranger aux lois criminelles.

Le citoyen Boulay répond que la section a entendu comprendre ces lois dans l'expression générique lois de sûreté.

L'article est adopté.

Les articles 9 et 10 sont soumis à la discussion; ils sont ainsi conçus :

Art. 9. ་་

L'étranger, même non résidant en " France, peut être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui « contractées en France avec un Français; et s'il <«<est trouvé en France, il peut être traduit devant <«<les tribunaux de France pour des obligations « par lui contractées en pays étranger envers des « Français. »

Art. 10. « Le Français résidant en pays étran«ger continuera d'être soumis aux lois fran<<çaises pour ses biens situés en France, et « pour tout ce qui touche à son état et à la capa« cité de sa personne. »

Ces articles sont adoptés.

L'article 11 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu

Art. 11. « Un Français peut être traduit devant <«< un tribunal de France pour des obligations par « lui contractées en pays étranger avec un étranger. »

"

Le citoyen Tronchet dit que la disposition de cet article ne doit pas être bornée aux obligations contractées entre un étranger; qu'elle doit avoir également son effet à l'égard des obligations contractées entre un étranger et un Français il propose de dire: méme avec un étranger. L'article est adopté avec l'amendement.

L'article 12 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu :

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Art. 12. Dans tous les autres cas que les matières « commerciales, l'étranger qui sera demandeur « sera tenu de donner caution suffisante pour le paiement des frais et dommages-intérêts résul« tant du procès. >>

Cet article est adopté avec cette addition: « à "moins qu'il ne possède en France des immeubles «<d'une valeur suffisante pour assurer ce paie

<< ment. >>>

Le citoyen Boulay présente la section 1 du chapitre III, intitulée, de la perte des droits civils par abdication de la qualité de Français.

L'article 13, qui est le premier de cette section, est soumis à la discussion; il est ainsi conçu : Art. 13. « La qualité de Français se perdra par « l'abdication expresse qui en sera faite cette << abdication résultera en outre: 1o de la naturali«sation acquise en pays étranger; 2o de l'acceptation, non autorisée par le gouvernement, de « services militaires et de fonctions publiques « conférés par un gouvernement étranger; 3° de « l'affiliation à toute corporation étrangère qui << supposera des distinctions de naissance; 4° en« fin de tout établissement en pays étranger, « sans esprit de retour. »

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Le citoyen Ræderer réclame de nouveau contre la disposition qui fait résulter l'abdication de la naturalisation en pays étranger: il observe que la section applique aux droits civils les conditions que la Constitution n'a établies que pour les droits politiques; qu'autrefois le Gouvernement tolérait que des Français se fissent naturaliser en pays étranger; qu'il retirait de cette tolérance l'avantage de voir apporter en France les richesses que les Français avaient été recueillir sous le masque de la naturalisation.

Le consul Cambacérès demande à quelle nation appartiendrait, dans le système du citoyen Ræderer, le Français qui, après avoir abandonné son pays, ne se fixerait chez aucune autre puissance.

Le citoyen Thibaudeau répond qu'un tel individu, n'ayant pas fait l'abdication formelle de sa patrie, demeurait Français.

Le consul Cambacérès dit que la section fait dépendre l'expatriation d'un certain nombre de

faits qu'elle spécifie, et n'exige pas une abdication préalable.

Le citoyen Boulay lit la première rédaction de l'article, et observe qu'elle écartait l'inconyénient relevé par le Consul.

Le citoyen Defermon appuie l'avis du citoyen Roederer; il dit que la section, après avoir distingué la qualité de citoyen, qui donne les droits politiques, de la qualité de Français, qui ne donne que les droits civils, les confond ensuite pour les faire perdre l'une et l'autre de la même manière. Le citoyen Emmery observe que la section a conservé cette distinction, puisqu'elle n'attache pas la perte des droits civils à l'acceptation d'une pension offerte par un gouvernement étranger, ni à l'acceptation de fonctions publiques chez une autre puissance lorsqu'elle est autorisée par le Gouvernement français.

Le citoyen Roederer répond qu'à ces différences près, la section adopte, pour cause de la perte des droits civils, toutes les autres causes qui font perdre les droits politiques; que cependant un Français perdra les successions qui s'ouvriront à son profit en Angleterre, s'il lui est défendu de s'y faire naturaliser.

Le Premier Consul dit qu'il pourra ensuite reprendre sa qualité de Français en rentrant en France. I demande si son retour le rendra capable de prendre les successions qui lui seront échues dans l'intervalle.

Le citoyen Tronchet répond que le retour en France ne lui rendrait pas ce droit, parce qu'il ne peut avoir d'effet rétroactif.

Le Premier Consul demande si les enfants recueilleraient les successions intermédiaires.

Le consul Cambacérès dit qu'il ne peut pas y avoir de difficulté pour les enfants qui sont restés en France, attendu qu'ils ont conservé leur successibilité; mais qu'on ne pourrait accorder le même droit aux autres, sans s'exposer à voir les enfants des émigrés se présenter pour recueillir les successions qui ne seraient par prescrites. Le citoyen Tronchet dit qu'on ne peut ôter ce droit aux enfants mineurs.

Le citoyen Berlier pense que ce droit n'est pas inhérent à la personne de l'enfant né en pays étranger, d'un homme qui a abdiqué sa patrie, et que, s'il réclame ce droit, non comme républicole, mais comme enfant de l'abdiquant, il faut examiner si le père a pu transmettre, pendant l'incapacité légale résultant de son expatriation, des droits qu'il avait personnellement perdus.

Le citoyen Tronchet observe qu'on ne représente pas un homme vivant; que d'ailleurs la France a intérêt de conserver ses membres; que tout au plus, on pourrait refuser la successibilité aux majeurs, s'ils ne rentraient pas dans l'année de l'ouverture de la succession.

Le citoyen Regnier dit que la tranquillité des familles serait troublée, si l'on admettait les enfants à reprendre les successions recueillies et partagées pendant l'expatriation de leur père; qu'il est une foule de cas où la conduite du père cause du préjudice aux enfants.

Le citoyen Tronchet dit que la loi naturelle ne permet pas d'exclure les enfants qui sont dans l'étranger, de partager, avec leurs frères demeurés en France, la succession de leur père, ni de la donner, à leur préjudice, à des héritiers collatéraux; qu'on doit sculement exiger qu'ils rentrent dans l'année de l'ouverture de la succession.

Le citoyen Regnier dit que du moins on ne devrait pas les admettre à reprendre les biens béréditaires qui auraient été aliénés, afin de ne

pas troubler les tiers acquéreurs, et de ne pas causer une longue suite de procès en garantie.

Le citoyen Tronchet observe que, si cette modification était admise, on pourrait éluder les droits des enfants par des aliénations frauduleuses.

Le citoyen Berlier dit que l'on raisonne ici dans une hypothèse infiniment rare, puisque le père qui abdique sa patrie emporte ordinairement sa fortune.

Le Premier Consul renvoie au titre des successions les questions qui viennent d'être agitées. On reprend la discussion de l'amendement du citoyen Roederer.

Le Premier Consul dit que cet amendement contrarie l'intérêt qu'a l'Etat de conserver ses membres.

Le citoyen Defermon observe qu'en temps de guerre, les négociants français qui ont des maisons chez une puissance ennemie, ou qui transportent des marchandises par mer, sont forcés, par l'intérêt de leur commerce, de faire naturaliser leurs agents en pays étranger. Il serait dur de priver ces agents des successions qui leur échoient en France.

Le citoyen Tronchet répond que les cas de guerre sont hors de la loi commune, parce que tout ce qui se fait alors est forcé.

Le citoyen Boulay, pour rendre cette idée dans sa rédaction, propose de dire : « La qualité « de Français se perdra par l'abdication volontaire qui en sera faile. »

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Le citoyen Thibaudeau dit que, dans l'espèce dont parle le citoyen Defermon, l'agent naturalisé chez l'étranger prend toujours la précau tion de faire en France la déclaration du motif de sa naturalisation; que cette déclaration lui conserve la qualité de Français.

Le Premier Consul dit que l'un des principaux inconvénients du système proposé par le citoyen Roederer, est qu'il détruit, dans les habitants des pays cédés à une autre puissance, l'intérêt de revenir dans leur patrie.

Il faudrait même se borner à suspendre en eux, pour un temps, la qualité de Français.

Le citoyen Bigot-Préameneu dit que la naturalisation en pays étranger ne doit effacer la qualité de Français que quand il est certain qu'il n'y a pas d'esprit de retour.

Le citoyen Lacuée, pour concilier les diverses opinions, propose de donner à la naturalisation en pays étranger deux sortes d'effets, suivant la cause qui l'a produite. Dans certains cas, elle emporterait la perte de la qualité de Français; dans d'autres, elle n'en opérerait que la suspension.

Le Premier Consul dit que la suspension ferait cependant perdre à l'abdiquant les successions qui lui échèrraient pendant que ses droits seraient suspendus.

Le citoyen Portalis dit que la naturalisation en pays étranger, hors le cas où elle est employée comme fraude de guerre, est partout un indice d'abdication. L'intérêt du commerce n'exige jamais qu'un Français se fasse naturaliser chez une autre nation. Beaucoup de négociants français sont depuis longtemps établis dans l'étranger sans y avoir pris de lettres de naturalité. Ils y vivent comme Français; ils succèdent en France; ils sont sous la protection des agents diplomatiques du Gouvernement français.

Quant à ce qu'on a dit que la naturalisation en pays étranger ne caractérise l'ablication que lorsqu'elle exclut l'esprit de retour, cette maxime

ne serait vraie qu'autant qu'on voudrait préférer la probabilité des conjectures à la certitude que donne l'évidence.

L'article 13 est adopté.

Le Premier Consul charge la section de législation de présenter, au titre des successions, une disposition sur la nonrétroactivité des droits civils que recouvre l'abdiquant en reprenant la qualité de Français.

L'article 14 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu

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Art. 14. Une femme française qui épousera un a étranger, suivra la condition de son inari.

« Si elle devient veuve, elle recouvrera la qua«lité de Française, pourvu qu'elle réside en a France, ou qu'elle y rentre en faisant sa dé«claration de vouloir s'y fixer. »>

Le citoyen Duchâtel demande si la femme française, qui a épousé un étranger, conserve la successibilité en France. I propose d'ajourner l'article jusqu'après le rapport que doit faire le citoyen Roederer sur l'article 5.

L'ajournement est prononcé.

Le citoyen Boulay présente la section II, intitulée de la perte des droits civils par une condamnation judiciaire.

L'article 15, qui est le premier de cette section, est soumis à la discussion; il est ainsi conçu : Art. 15. Les condamnations prononcées par les tribunaux français, à la peine de mort, ou aux peines afflictives qui s'étendent à toute la «durée de la vie, seront les seules qui emporte«ront la mort civile. »

Le cousul Cambacérés rappelle l'amendement déjà adopté, et qui consiste à dire : les condamnations prononcées par les tribunaux ou par la loi.

Le citoyen Tronchet observe que la loi prononce des peines, mais qu'elle ne doit pas les appliquer; que cette application n'appartient qu'aux juges.

Le consul Cambacérès dit qu'on ne peut nier que dans la législation actuelle, il existe des lois qui frappent de mort civile les émigrés, et qu'on était convenu de rédiger l'article 15 de manière qu'il ne parùt pas les affaiblir.

Le citoyen Tronchet répond que la mort civile, prononcée par la loi contre les émigrés. ne leur est appliquée individuellement que par un jugement, quoique administrativement rendu. Cependant, si l'on veut une disposition qui prévienne toute équivoque sur la mort civile des émigrés, on peut ajouter à l'article 13 « le tout sans préjudice des peines prononcées par les lois pour l'abdication emportant mort ci« vile. n

Le citoyen Regnier demande que l'amendement nouveau soit la matière d'un nouvel article.

Le Premier Consul dit qu'on pourrait ajouter à l'article 17, « sauf les cas prévus par les «lois spéciales et extraordinaires. » Le Consul ne trouve aucun inconvénient à rappeler les lois sur les émigrés. Dans tous les siècles et dans tous les Etats, les circonstances ont appelé des lois extraordinaires.

Le citoyen Tronchet propose de rayer le mot seules dans l'article 15.

Le consul Cambacérès présente la rédaction suivante: « Les seules peines qui emporteront la « mort civile sont la peine de mort, les peines « afflictives qui s'étendent à toute la durée de la vie, et les autres peines auxquelles la loi attache spécialement la mort civile.»

Le Conseil adopte en principe que l'on expri

mera le maintien de la mort civile encourue par les émigrés. La rédaction est renvoyée à la section. L'article 16 est soumis à la discussion; il est ainsi conçu :

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« Les effets de la mort civile seront la disso«<lution du contrat civil du mariage, l'incapacité « d'en contracter un nouveau, d'exercer les droits « de la puissance paternelle, de recueillir aucune succession, de transmettre à ce titre les biens << existants au décès, de faire aucune disposition « à cause de mort; de recevoir aucune donation, « même entre-vifs, à moins qu'elle ne soit res« treinte à des aliments; d'ètre tuteur, ou de con« courir à une tutelle; de rendre témoignage en « justice, ni d'y ester autrement que sous le nom « et à la diligence d'un curateur nommé par le « mort civilement, ou à son défaut par le juge. Le citoyen Maleville réclame contre la disposition qui exclut la transmission à titre de succession des biens que le condamné peut avoir à son décès s'il ne peut ni les transmettre, ni en disposer (et ce dernier point est bien incontestable), ces biens seront donc confisqués? Mais la eonfiscation doit être bannie de nos mœurs et de nos lois.

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Un tribunal a proposé d'adjuger les biens que le condamné pourrait avoir acquis depuis son jugement à ceux qui étaient ses plus proches à l'époque de sa con lamnation mais ce serait là une fiction choquante, quoique toujours une transmission; il serait bien plus naturel et plus juste d'accorder ces biens aux enfants que le condamné aurait eus, depuis sa condamnation, d'un mariage existant auparavant, d'autant mieux que ces enfants sont légitimes.

Le citoyen Tronchet répond que l'article ne préjuge pas cette question; qu'il se borne à fixer le moment où la mort civile ouvre la succession du condamné.

Le citoyen Emmery atteste que cette idée est celle de la section.

Le citoyen Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) observe que si la mort civile n'ôte pas au condamné le droit d'acquérir, il pourra se former un patrimoine nouveau; et qu'alors il est indispensable de statuer sur la seconde succession qui s'ouvrira après sa mort.

Le citoyen Boulay dit qu'autrefois il y avait déshérence.

Le citoyen Tronchet dit que la capacité d'acquérir dérivant du droit naturel, elle ne peut être refusée au mort civilement; que la capacité active et passive de succéder étant établie par le droit civil, elle cesse dans celui qui ne jouit plus de ce droit, et qu'alors ses biens retournent à la nation.

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« Cette déclaration devra être faite sur le registre de la commune où il vient s'établir. »

Le citoyen Defermon demande la suppression de la troisième disposition, qui n'est que réglementaire; d'ailleurs, peut-être trouverait-t-on plus convenable d'ouvrir dans les sous-préfectures les registres pour recevoir ces sortes de déclarations. Il importe donc de n'en rien préjuger. Le citoyen Berlier observe que cette difficulté n'a été ajoutée que pour exprimer que la déclaration devra être faite en France.

Le citoyen Tronchet propose la rédaction suivante :

« Gette déclaration devra être faite en France « dans la forme qui sera déterminée. »

L'article est adopté avec cet amendement.

Le Premier Consul dit qu'avant de s'occuper des articles sur lesquels il ne peut s'élever que des difficultés de pure rédaction, il convient de se fixer sur ceux dont les dispositions n'ont pas encore été définitivement arrêtées.

En conséquence, la section II du chapitre III, intitulée de la perte des droits civils par une condamnation judiciaire, est soumise à la discussion; elle est ainsi conçue :

Art. 18. « La peine de mort, ou les peines af«flictives qui s'étendent à toute la durée de la vie, emporteront la mort civile. »

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Art. 19. « Les effets de la mort civile seront la dissolution du contrat civil du mariage; l'incapacité d'en contracter un nouveau, d'exercer les droits de la puissance paternelle, de recueillir aucune succession, de faire aucune dis⚫ position à cause de mort, de recevoir aucune donation, même entre-vifs, à moins qu'elle ne soit restreinte à des aliments; d'être tuteur, ou de concourir à une tutelle; de rendre témoi"gnage en justice, ni d'y ester autrement que sous le nom et à la diligence d'un curateur nommé par le mort civilement, ou à son défaut « par le juge. >>

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Art. 20. «La mort civile n'aura lieu que du jour de l'exécution du jugement contradic« toire. »

Art. 21. « En cas de jugement par contumace, le condamné sera frappé d'interdiction. »>

Art. 22. Les effets de l'interdiction seront l'incapacité de contracter mariage, d'exercer les droits de la puissance paternelle, de pou« voir aliéner ses biens, d'en avoir l'administra<tion ni la jouissance; d'être tuteur, ou de concourir à une tutelle; de rendre témoignage en justice, ni d'y ester autrement que sous le nom et à la diligence d'un curateur; le tout sans préjudicier aux autres dispositions portées par la loi criminelle contre les contumax. »>

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<< Néanmoins le Gouvernement pourra en faire << telle disposition que l'humanité lui suggérera. Art. 28.« Il n'est point dérogé par les disposi«<tions ci-dessus aux lois relatives aux émigrés. L'article 18 est d'abord discuté.

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Le Ministre de la Justice dit que la peine de mort emporte plus que la mort civile; et que dès lors, quand la mort réelle a lieu, il ne peut plus être question de mort civile. Il ajoute que, dans le Code pénal actuel, il n'y a pas de peines afflictives qui durent toute la vie.

Le citoyen Boulay répond qu'on a dû parler de la peine de mort sous le rapport de l'individu condamné contradictoirement qui parvient à s'évader.

Le Premier Consul dit que, pour s'exprimer avec justice, il faudrait s'exprimer ainsi : la condamnation à la peine de mort, etc.

Le citoyen Tronchet dit qu'on ne peut se dispenser d'énoncer que la peine de mort entraine la mort civile, attendu que celui qui l'a encourue meurt incapable de divers effets civils, tels, par exemple, que la faculté de tester.

Le consul Cambacérès propose la rédaction suivante: «Les peines qui emportent la mort ci« vile sont la condamnation à la peine de mort quoique non exécutée, ou à des peines afflic<< tives qui s'étendent à toute la durée de la vie. » Le citoyen Portalis observe que la condamnation à la peine de mort n'emporte la mort civile que lorsqu'elle est suivie de l'exécution, au moins par effigie.

Le consul Cambacérès dit que ce principe n'a été adopté autrefois qu'à cause du secret dont la procédure et le jugement étaient alors entourés. Le Premier Consul demande si la mort naturelle du condamné, avant l'exécution du jugement, le soustrait à la mort civile.

Le citoyen Tronchet répond que, dans le temps où les jugements criminels étaient sujets à l'appel, le condamné qui mourait après l'appel interjeté, et avant ou après le jugement d'appel, mais avant l'exécution par effigie, mourait avec tous ses droits civils, et que ses biens n'étaient pas confisqués; mais qu'aujourd'hui, quoique l'appel ne soit plus admis, le principe peut être encore appliqué au cas du pourvoi en cassation.

Au reste, ce n'était pas à cause du secret de la procédure et du jugement que la mort civile. n'était encourue que du jour de l'exécution par effigie; c'est parce qu'en matière criminelle, comme en matière civile, un jugement n'est rien tant qu'on n'en fait pas usage et qu'il demeure enseveli dans le greffe du tribunal. Lorsque les lettres de grâce étaient en usage, les occasions où il y avait quelque intérêt à suspendre le jugement étaient plus fréquentes elles se présentent cependant encore quelquefois, comme lorsque la preuve de l'alibi survient après la condamnation.

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